Le 6ème rapport annuel du Centre international de hautes études agronomiques (CIHEAM) 2004 montre que les écarts de niveau de vie entre les deux rives de la Méditerranée se sont nettement accrus, au cours des deux dernières décennies, passant de 1,5 point, il y a vingt ans, à 3,5 points aujourd'hui. «Agriculture, pêche, alimentation et développement rural durable dans la région méditerranéenne» est l'intitulé du sixième rapport annuel du CIHEM. Cette étude se penche, dans un premier temps, sur les raisons et les modalités de la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) ainsi que de l'élargissement de l'Union européenne, en précisant les bouleversements que l'on peut attendre de ce processus dans la dynamique des agricultures de la région. À travers des approches sectorielles et nationales de l'analyse des productions, le rapport tente ensuite de mesurer le comblement de certains écarts mais aussi le creusement de nouvelles disparités. C'est dans cette logique que l'analyse de l'économie agro-alimentaire dans la région méditerranéenne se présente, ici, comme un élément essentiel pour comprendre les handicaps à moyen et long termes que rencontrera une région méditerranéenne devenue urbaine et fortement internationalisée. Globalement, il découle de ce rapport que l'aggravation des écarts du niveau de vie entre les deux rives de la Méditerranée s'est accompagnée d'une augmentation très contrastée à l'échelle de l'évolution démographique. Deux indicateurs le démontrent : durant les années 50, il y avait en moyenne un Méditerranéen du Sud pour deux Méditerranéens du Nord. En 2002, cette moyenne a été d'un pour un. Pas pour longtemps, puisque selon les projections relatives à l'horizon 2020-2025, il y aura, en moyenne, deux Méditerranéens du Sud et de l'Est pour un Méditerranéen du Nord. Toujours sur la base de projections des vingt prochaines années, l'étude estime que les populations de la rive nord de la Méditerranée seront plutôt vieilles et riches, alors que celles de la rive sud seront plutôt jeunes et confrontées aux problèmes de l'emploi, de la formation, des revenus. Concernant l'évolution des échanges agroalimentaires autour du bassin méditerranéen, le rapport du CIHEAM s'inquiète du fait que plus de la moitié des importations des céréales, dans cette région, proviennent, aujourd'hui, de la France et de quatre autres pays situés en dehors de la région : les Etats-Unis, le Canada, l'Australie et l'Argentine. De sérieuses inquiétudes pèsent également sur le devenir des sociétés rurales méditerranéennes qui restent exposées à une destruction progressive, due notamment à l'urbanisation rapide, à l'ouverture du marché des productions agricoles et à la pénétration très rapide et très forte dans la région toute entière de nouveaux modes de consommation de produits agroalimentaires venus d'ailleurs. Sur le registre des conséquences du récent élargissement de l'Union européenne, le rapport passe en revue les craintes et les interrogations que cet événement suscite chez les producteurs méditerranéens du Sud et de l'Est. Une triple déception se dégage auprès de ces derniers : d'abord, la panne que connaît le processus de Barcelone lancé, en 1995. Ensuite, la lenteur avec laquelle les marchés agricoles du Nord s'ouvrent aux produits du Sud. Enfin, le piétinement des négociations multilatérales sur le volet agricole. Bémol toutefois, d'autres opérateurs du Sud pensent, qu'ils peuvent tirer profit de cet élargissement. D'une part, ces derniers misent, à terme, sur l'amélioration des conditions socio-économiques des nouveaux pays membres de l'Union européenne pour y exporter leurs produits. D'autre part, il y a la conscience que ces nouveaux membres ne sauront les concurrencer sur l'essentiel de leurs produits typiquement méditerranéens. L'étude propose, par ailleurs, plusieurs réflexions pour pousser l'UE et les PTM à redynamiser leur partenariat et à lui donner plus de crédibilité. Pour rappel, le CIHEAM, fut créé sous les auspices de l'OCDE et du Conseil de l'Europe le 21 mai 1962. Le Centre a pour objectifs de "donner un enseignement complémentaire tant économique que technique, et de développer l'esprit de coopération internationale parmi les cadres de l'agriculture des pays méditerranéens". Conformément à cette mission, le CIHEAM s'est progressivement ouvert à partir des années 1980 à d'autres pays du Bassin méditerranéen. Sa vocation à rassembler l'ensemble des pays appartenant à la région a été solennellement proclamée en 1983. le Maroc y adhère depuis 1991.