Qui succèdera à Mounir Chraibi à la tête de la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS) ? Cette question est sur les lèvres de tous les acteurs du champ social marocain. Depuis la nomination de l'ex-directeur général au poste de wali de Marrakech, les pronostics ainsi que les spéculations les plus diverses font rage. L'institution, à la veille d'une révolution étendant la couverture sociale à un plus vaste public à travers notamment la mise en place de l'Assurance maladie obligatoire (AMO), se doit d'avoir un capitaine à bord. Il y va du pilotage global de la mise en application effective de tout un projet primordial. Parmi les noms qui circulent, il y a d'abord ceux d'anciens responsables de la CNSS comme Abdelmajid Tazlaoui ou encore Abdelwahid Khouja, opérant actuellement dans différentes institutions aussi bien publiques que privées. Ensuite, arrivent d'autres noms à forte connotation politico-technocrate comme celui de l'actuel patron de la CIMR M. Cheddadi qui serait le candidat du patronat. Enfin, un pur technicien bien porté sur l'aspect informatique mais complètement étranger au champ social paraît être le profil idéal pour succéder à Mounir Chraibi. Concrètement, le nom l'ex-secrétaire général de la CNSS, Abdelmajid Tazlaoui, actuellement directeur général adjoint du raffineur national la Samir, a été cité. Des observateurs avisés, tout en affirmant que ce profil correspondait parfaitement au poste vacant, laissent entendre que l'homme est bien plus valorisé actuellement au sein de la Samir. Il est même l'un des éléments clés du processus de pilotage du programme d'investissement du raffineur. L'autre nom qui revient également avec insistance est celui de l'ex-directeur marketing de la Caisse, Abdelwahid Khouja, actuellement secrétaire général du ministère de l'emploi. Contacté par ALM, ce dernier dément catégoriquement tout intérêt porté au poste. «Vous savez, je suis un homme qui préfère toujours voir devant, sans trop revenir sur ses traces», tient à préciser Abdelwahid Khouja. Par conséquent, l'hypothèse d'anciennes personnes connaissant bien la boîte de l'intérieur, voire même officiant actuellement au sein de la caisse paraît peu probable même si certaines sources évoquent de plus en plus le nom de Abdellatif Naïm, actuel directeur par intérim de la CNSS. Un éminent spécialiste de la couverture sociale affirme, sous couvert d'anonymat, que le profil idéal pour succéder à Mounir Chraibi ne peut trop s'écarter de celui de ce dernier. Il y va de la poursuite du titanesque travail déjà accompli ainsi que du maintien du cap tracé. Selon cette analyse, le futur patron de la CNSS devrait être ingénieur ou lauréat d'une grande institution mais essentiellement bien porté sur l'informatique. «Tout le travail de restructuration de la caisse ainsi que les chantiers ouverts, notamment la gestion de l'AMO, ont été impulsés par le fort aspect structurant de l'outil informatique. Le futur directeur général doit absolument contrôler cette donne. Le reste du travail à accomplir porte effectivement sur la conduite du process et de modèles pratiques d'une forte technicité, estime le spécialiste. Par conséquent, selon cette approche qui paraît relever du bon sens, la dimension technique plutôt que politique dans le choix du futur candidat au poste de DG de la CNSS est à mettre en avant. Ainsi, les noms à forte connotation politique ne peuvent correspondre au poste du technicien-directeur général de la CNSS. La forte implication actuelle dans le champ social est de nature à influencer l'orientation prise par la CNSS en matière de choix stratégiques. Le cap actuel est, selon les spécialistes, à maintenir. L'entrée imminente de l'AMO ne doit pas connaître de profondes remises en question, sinon le retard ne ferait que se creuser davantage. Il faut dire que le plus dur du travail a été admirablement orchestré par Mounir Chraibi et son équipe. La CNSS revient de loin. Elle a même réussi à faire oublier les années sombres de son existence. Le rapport de la Commission parlementaire, fort compromettant, qui a révélé en juin 2002 une fraude à très grande échelle pratiquée pendant plus de 20 ans au sein de la CNSS, paraît bien loin. Pour rappel, et dans le cadre de l'enquête de la commission parlementaire, présidée par Rahou El Hilaâ, 48 personnes ont été auditionnées, dont d'anciens hauts responsables de la Caisse. Les sommes détournées ont été évaluées à environ 47,7 milliards DH et les montants dilapidés depuis 1972 approchaient les 115 milliardsDH. À titre d'exemple, le préjudice est équivalent aux recettes de l'Etat en 2001, celles de la privatisation comprises. Il représente une fois et demi les dépenses de fonctionnement de l'Etat pour la même année et plus de six fois les dépenses d'investissement. Malgré une atmosphère très tendue, l'institution garde le cap pour mener à bien l'ensemble des chantiers engagés. D'autres ont été menés à bien. A charge maintenant au successeur de Mounir Chraïbi de continuer sur la même voie.