Le rapport de la commission d'enquête sur la CNSS, présenté jeudi 6 avril en séance plénière, est désormais sur la place publique. L'étendue du gaspillage dépasse l'entendement. Chronique d'un pillage acharné et organisé. Les conclusions du rapport d'enquête parlementaire sur la CNSS sont sans appel. Pour les membres de cette commission ad hoc, la gestion de cette caisse depuis sa création en 1959 jusqu'à 1992 était chaotique : négligence dans le suivi des affiliations et dans le recouvrement des cotisations sociales. La priorité était à la corruption et au clientélisme. À cela s'ajoute l'absence de contrôle dans l'octroi des allocations et la falsification des documents et des donnés pour toucher des indemnités indues. Le tableau est noirci avec la pléthore des employés de la caisse, quelque 5000 personnes, recrutés en dehors de toute réglementation et l'absence d'un système d'archivage fiable. Les enquêteurs ont constaté la destruction des documents par des incendies parfois suscités et par l'invocation des inondations pour justifier l'escamotage des traces des opérations illégales. Dans le même sens, le système informatique a subi des violations récurrentes en vue d'introduire des données fausses. Depuis 1992, le rapport fait état de l'ouverture de la CNSS sur les audits et les contrôles externes. Sans pour autant essayer de corriger les dysfonctionnements révélés au grand jour. En plus du gel de l'activité du conseil d'administration durant la période 1992-2000, certaines pratiques du passé furent reconduites comme le recours à certains comptes en dehors de la loi et la passation des marchés par entente directe. Résultat de cette gabegie à tous les étages : la dilapidation de sommes pharamineuses, l'argent des travailleurs. Il ressort de certaines projections réalisées par la commission que le préjudice global subi par la CNSS avoisinerait 136 milliards de Dhs, soit les recettes de l'État en 2001 englobant le produit des privatisations. Pour atteindre cette performance financière, il aurait fallu évidemment que la manne détournée ne le soit pas et mieux fructifiée. Le rapport El Hilaa pointe la responsabilité du conseil d'administration composé de 24 membres, représentants du gouvernement, du patronat et des travailleurs. Un conseil qui selon les dispositions de la loi avait obligation de gestion et de contrôle des affaires de la CNSS. Selon la commission, la défaillance du rôle du conseil d'administration a eu des conséquences fâcheuses sur la marche de l'établissement dont la plus importante aux yeux des investigateurs est la décision prise le 10 décembre 1974. Celle d'employer les produits financiers au titre des dépôts de l'argent de la CNSS à la CDG pour la construction de la première polyclinique, à Derb Ghallef à Casablanca. Cette décision sera institutionnalisée, puisque le conseil d'administration donnera son aval pour l'édification et l'équipement de 13 autres polycliniques. Non adossée à aucune base juridique, une telle décision constitue en plus une violation des dispositions du Dahir de 1972 portant organisation de la CNSS. Verdict des auteurs du rapport : Cette situation a entraîné sur la perte de plusieurs milliards de Dhs. Des décisions peu judicieuses de ce style, la CNSS en a pris des paquets. Le recrutement par exemple contre les intérêts de la caisse en date du 13 avril 1992 de 431 agents d'un seul tenant appartenant à une société de nettoyage (NDI) qui était du reste en litige judiciaire avec la CNSS. Autre décision, celle de céder 22 appartements à El Jadida n'appartenant pas à la CNSS mais aux œuvres sociales de la caisse. Les responsabilités sont multiples. En plus de celle du conseil d'administration, du ministère de tutelle et celui des Finances, le rapport implique directement les directeurs généraux qui se sont succédé à la tête de l'institution : Mohamed Gourja (1971-1992), M'Hamed Laâlej décédé ( 1992-1995), Rafik Haddaoui (1995-2001 et Mounir Chraïbi, actuel directeur général. Les conseillers de la commission soulignent toutefois n'avoir constaté aucun changement dans les méthodes de gestion de l'établissement même s'ils reconnaissent que M. Chraïbi a hérité d'une situation complexe. Les secrétaires généraux sont Abdessamad Kenfaoui, décédé, Abdelmoughit Slimani, Ahmed Benrahal et Aalmi graeft Abdeljalil. L'actuel titulaire de ce poste, Abdelmajid Tazlaoui, n'a pas été cité. Les directeurs-adjoints chargés du recouvrement sont : Hassan Bourkadi Saâdani, Aouad Driss, Ali Baâdi, Saïd Brioula, toujours en poste. Les adjoints des directeurs chargés des finances sont: Jebbouri Mustapha, Fawzi Britel et Brioula Saïd. Le rapport cite d'autres noms de cadres, chargés des marchés, des ressources humaines, des polycliniques, des équipements médicaux, des affaires sociales et les noms des contrôleurs financiers. Une charrette.