Le problème de l'émission de chèques sans provision est en train de prendre des dimensions de plus en plus alarmantes, au Maroc. Le phénomène s'est tellement développé, ces dernières années, qu'il est devenu une menace pour l'économie nationale puisqu'il crée un climat malsain dans les milieux économiques en y installant la culture de la méfiance et de l'insécurité. Aujourd'hui, plus personne n'a confiance dans le chèque, du simple détaillant au plus grand grossiste. Pour tous les commerçants, accepter un chèque est un grand risque. Ils préfèrent donc exiger du client un payement en espèces. Ainsi, dès que vous sortez votre chéquier et que vous commencez à remplir un chèque pour payer une facture, votre fournisseur s'empresse de vous dire qu'il ne saurait l'accepter et qu'il préfère être payé en liquide, au risque même d'annuler la transaction commerciale. « Une marchandise en stock vaut mieux qu'un chèque sans provisions ». Telle est la nouvelle devise des commerçants tous secteurs confondus. Car, si l'émetteur du chèque s'avère être insolvable, le bénéficiaire se retrouve dans une situation très délicate. En effet, au retour d'un chèque impayé, il est tenu de s'engager dans un processus judiciaire complexe, coûteux et très lent et dont il n'est pas certain du résultat. Car, il doit charger un avocat de l'affaire et attendre que l'émetteur du chèque soit mis en état d'arrestation par la police qui le présentera devant le parquet qui le poursuivra pour le délit d'émission de chèque sans provision conformément au code pénal en vigueur. Ce qui ne signifie pas automatiquement qu'il pourra recouvrer le montant du chèque. Aussi, la plupart des victimes préfèrent le plus souvent trouver une solution à l'amiable avec l'émetteur du chèque. Et, généralement, cet arrangement se fait aux dépens de la victime. Toutefois, malgré le fait que la majorité des commerçants sont conscients du risque qu'ils courent en acceptant ce mode de payement, le nombre des chèques en bois ne cesse d'augmenter. On avance, dans les milieux informés, le chiffre d'environ un million de dossiers en cours devant les tribunaux. Ce contraste entre le fait que les commerçants refusent ce mode de règlement et la multiplication des procès s'explique tout simplement par une certaine déviation de la fonction du chèque, ces dernières années. Ainsi, au lieu d'être un mode de paiement, il est devenu un moyen de garantie de dettes. D'ailleurs, la majorité écrasante des chèques sans provision présentés devant les tribunaux ont été remis aux bénéficiaires à titre de garantie. Les commerçants qui n'ont plus confiance dans la traite ou la reconnaissance de dette comme moyen de préserver leurs droits demandent des chèques de garantie. C'est une chose très courante dans les milieux des affaires. Or, il s'agit d'un acte délictuel passible des mêmes peines que l'émission d'un chèque sans provision. Ainsi, pour lutter efficacement contre ce phénomène, il faut appliquer la loi qui pénalise à la fois l'émission et l'acceptation d'un chèque de garantie