ALM : Mathématicien, peintre, sculpteur, écrivain, pour quand cuisinier? Mahi Binebine : J'ai longtemps fait la cuisine lorsque j'étais étudiant à Paris. J'adore ça. Ma spécialité: les tagliatelles à la carbonara. Mes filles peuvent témoigner que ce sont les meilleures pâtes que l'on puisse manger à Marrakech! J'ai beaucoup d'amis qui sont de grands chefs, comme Moha (du restaurant Dar Moha) ou Driss Segueni du Palais Souleiman. Quand ils me le permettent, je traîne volontiers dans leurs cuisines.
On dit aussi que vous êtes un «passeur de frontières». Comment procédez-vous par contrats de travail, mariage blanc ou «patera»? D'abord, j'ai épousé une franco-marocaine. Et le mariage n'était pas blanc puisque ça fait seize ans que ça dure. Oui mon métier favorise les échanges entre les humains. Je suis traduit en une douzaine de langues et j'expose un peu partout dans le monde… En dehors des «étoiles de Sidi Moumen», mon dernier roman, le texte qui a le mieux marché est «Cannibales»… une histoire de patera.
Êtes-vous capable de peindre un tableau les yeux bandés? A la limite, les yeux ne sont pas ce qu'il y a de plus important dans l'acte de peindre. C'est davantage une démarche intérieure. C'est avec les tripes que je peins ! Mais il faut quand même voir ce qu'on fabrique !
Et chanter les yeux bandés? Beaucoup de chanteurs ferment les yeux en chantant. Pourquoi pas moi ? Comment fait un Mahi Binebine pour toujours garder le sourire? Parce que je vous vends tous mes tourments autant dans mes livres que dans mes peintures. C'est la seule façon que j'ai trouvée pour garder le sourire dans «ce monde de brutes».
Et alors, pourquoi vous portez toujours la veste et/ou le Tee-shirt noirs? La couleur noire cache la misère! Comme j'ai tendance à grossir, et que le fait d'être fin gourmet n'arrange pas mes affaires en matière de bourrelets, ça aide !
Toujours par rapport au look, croyez-vous que la barbichette vous donne plus de charme? Je l'ai écrit dans l'un de mes livres : tout mon charme se trouve concentré dans la mouche que je porte sous la lèvre. A la résidence universitaire à Paris, mes copains s'étaient jurés de me la raser pendant mon sommeil. Ils n'y sont jamais parvenus.
Est ce que Binebine rime avec «Between»? Pendant toute mon enfance, j'ai eu à subir des jeux de mots à propos du nom de famille. Ça allait du plus amusant au plus lourdingue. L'été dernier, des Sénégalaises logeaient dans la résidence Al Maqam où se trouve mon atelier. Dès qu'elles entendaient prononcer mon nom, elles éclataient de rire. L'une d'elle a fini par m'expliquer qu'en wolof, Binebine désigne le collier de perles que portent les danseuses à demi-nues au niveau de la taille. Maintenant que je le sais, je ne le changerai pour rien au monde!