Les ventes aux enchères d'œuvres d'art pullulent au Maroc. La sensibilité des Marocains à l'art est donc de plus en plus palpable. Effet de mode, investissement ou tout simplement prise de conscience, le phénomène «vente aux enchères» ne cesse de gagner du terrain. «Je suis un fervent admirateur des créations marocaines des années soixante en matière d'arts plastiques. Les ventes aux enchères organisées dans des espaces d'exposition ou dans le milieu privé, me permettent de renflouer ma collection et de me faire plaisir selon mes moyens financiers», explique Ahmed, un vieux Casablancais lors d'une vente aux enchères. Pour la plupart des présents à la salle, les ventes aux enchères sont des activités des plus courantes. Que des habitués. Une bande de connaisseurs avertis. Des amis rivaux le temps d'une négociation. Cependant, tous n'ont pas le même dessein qu'Ahmed. Certains achètent pour spéculer plus tard, d'autres pour avoir une exclusivité ou encore par pure manifestation d'une bourgeoisie culturelle. Et pour être bourgeois, ils le sont tous. Pour se permettre une petite Gouache sur papier de 48 x 60 cm, estimée de 20.000 à 25.000 dirhams et adjugée à 37.324 dirhams, il faut avoir les moyens de ses achats. «La préparation d'une vente aux enchères publique est de 3 à 4 mois environ avant la vente en elle-même. Il y a un travail en amont très important, qui conditionne la réussite de la vente», témoigne un expert en art contemporain. En effet, ce n'est pas une partie de plaisir que de monter une vente du genre, sauf peut-être pour ces professionnels qui semblent s'amuser à passer des nuits blanches à expertiser et répertorier les œuvres d'art. Et cela va des plus importantes qui portent les signatures les plus connues, aux plus insignifiantes destinées uniquement à usage décoratif. «La valeur du tableau ou de l'œuvre d'art en général est définie par l'expert qui donne une estimation par rapport à l'année de production, l'école qui a vu naître l'œuvre, ses dimensions, les techniques et les matériaux dont elle est faite et surtout le nom de l'artiste qui la signe», nous explique le même expert. Mais avant cela, la galerie ou l'organisme de ventes aux enchères doit se procurer ces œuvres. «Nous sommes des connaisseurs et nous récupérons les œuvres auprès de leurs propriétaires directs souvent auprès des artistes eux-mêmes ou des héritiers des œuvres, sinon ce sont des particuliers qui viennent nous voir pour revendre leurs acquis», déclare un commissaire de ventes. Ces particuliers sont les meilleurs clients des galeries d'art avides de commissions évaluées en pourcentage sur chaque vente. Un commerce gagnant-gagnant. Et tout commence par le commencement. Il faut faire parvenir par Internet ou par courrier un dossier photos de tableaux ou sculptures avec le maximum de renseignements techniques, de formats, de signatures, de références et d'origine pour expertise. Quelques jours après la réception du dossier, si celui-ci est validé par les experts de la galerie, c'est la prise de contact avec le propriétaire expéditeur des renseignements sur l'œuvre. On lui transmet l'estimation de l'œuvre et les conditions de la vente, à savoir les frais de vente, le lieu, la date de cette vente, les horaires et la date de l'exposition qui la précède ainsi que le catalogue photo couleur pour cet événement. Le client se charge de la livraison de l'œuvre vers le cabinet de vente. Au dépôt de l'œuvre, il y a signature d'une réquisition de vente. Elle porte l'immatriculation d'entrée, la photocopie de la carte d'identité, l'adresse du propriétaire, la désignation, le prix de réserve, les frais de vente et la date de la vente. Un double est remis au déposant. Les ventes de peintures et sculptures comportent selon la galerie 1 à 300 œuvres. Dès que le nombre maximum est atteint, il y a clôture de la vente. Ensuite, les œuvres sont numérotées pour établir l'ordre de passage pour la vente comme pour le catalogue et un photographe professionnel assure la prise en photo de chaque œuvre. Ces photos serviront au catalogue et pour certaines au site Internet de l'organisme de vente. Le catalogue est tiré en 4000 exemplaires distribués quelques semaines avant le jour J avec des copies destinées au commissaire-priseur et aux habitués des ventes aux enchères. La publicité pour l'annonce de la vente est faite dans les journaux, les revues et Internet. Ensuite, le montage de l'exposition s'organise 48h avant l'ouverture au public, sur le lieu de vente. Au début des enchères, chaque œuvre est présentée par la mise sur table avec sa désignation et sa mise à prix par l'expert avant l'intervention du commissaire-priseur. La durée d'une vente est en fonction de la vitesse de passage des œuvres, soit environ entre 90 et 100 numéros par heure. Cependant, la délivrance des œuvres vendues se fait après encaissement du règlement pour des raisons de sécurité. Le règlement aux propriétaires des œuvres vendues sera effectué entre 4 et 5 semaines après la vente par la comptabilité du commissaire-priseur. Ainsi c'est tout un itinéraire que prend une œuvre d'art dans ce marché à part avant que ne soit prononcé le «adjugé vendu».