ALM : Avec l'Australienne Kylie Minogue en ouverture du festival, peut-on dire que le festival de cette édition a réussi pour la première fois à programmer des artistes venus des cinq continents ? Aziz Daki : Il y a deux concerts d'ouverture cette année. Le premier sera donné par Ennio Morricone en compagnie de l'orchestre philharmonique de Budapest et d'une chorale, composée de 80 Marocains. Ce concert est très important, d'abord compte tenu de la formidable carrière d'Ennio Morricone et du fait que ses musiques de films ont accompagné des générations de cinéphiles et de mélomanes marocains, et eu égard aussi au fait que les choristes qui l'accompagnent sont marocains. Ces choristes ont accompli un travail considérable depuis plusieurs semaines pour être prêts le 15 mai. Je ne pense pas qu'il y ait une chorale auparavant avec autant de choristes marocains. Le second concert d'ouverture sera effectivement donné par la grande Kylie Minogue. La présence de cette artiste australienne permet à Mawâzine de couvrir pour la première fois les cinq continents.
Pourquoi le choix s'est-il porté sur Kylie Minogue ? Parce que c'est une grande chanteuse qui a réussi à traverser les modes, qui a su se renouveler pour ne jamais sombrer dans l'oubli ou la redondance. Elle donne aussi une leçon de vie, compte tenu du courage puisqu'elle a affronté une maladie. C'est une diva qui a de nombreux fans au Maroc. Avec ses danseurs, elle donnera un show énergique, spectaculaire. Etait-il difficile de la convaincre ? Et comment s'est présenté le cas pour Stevie Wonder ? Kylie Minogue a immédiatement dit oui. En revanche, Stevie Wonder, ce n'était pas aussi simple. Son management nous a expliqué qu'il aurait envie de chanter dans Mawâzine seulement dans le cas où Barack Obama gagnerait aux élections présidentielles américaines. Cela s'est passé au mois de septembre et nous nous sommes retrouvés un petit groupe à vouloir la victoire d'Obama aux élections américaines plus que le plus fervent de ses admirateurs, juste pour que Stevie Wonder accepte de venir chanter à Rabat. Quelles ont été vos exigences au niveau de la programmation et les difficultés rencontrées lors de l'organisation de cette 8ème édition ? Mawâzine est un grand festival, très ambitieux. Ce festival dure neuf jours et concerne neuf scènes pour se rendre compte de la difficulté au niveau de la programmation. S'il y a une exigence, c'est bien celle de faire mieux que l'année précédente. Au niveau de la programmation, le choix le plus cohérent est également le plus simple. Certaines scènes de Mawâzine imposent logiquement un genre musical. On ne peut pas par exemple programmer Stevie Wonder ou Warda dans la scène du Chellah qui accueille seulement 400 personnes. Cette logique scénique a été poussée jusqu'au bout pour que chaque scène ait une thématique qui permette son identification par un public. La scène du Bouregreg est entièrement dédiée au continent africain, celle de Hay Nahda à la chanson orientale, celle d'OLM Souissi aux grands noms de la chanson occidentale, la scène de Qamra est populaire et sa programmation est festive, le théâtre Mohammed V est dédié cette année aux voix de femmes et le site du Chellah aux musiques du Monde. La chanson marocaine n'est pas en reste, parce qu'on la retrouve à la place Moulay Hassan et à Qamra. La leçon de l'édition de l'année dernière où la répartition thématique par scène avait été testée, c'est qu'il existe plusieurs publics au Maroc et que chaque scène a son public. Il n'y a pas un seul site qui n'avait enregistré une affluence record. Quelle est la part de la programmation arabe et particulièrement nationale dans le menu de cette édition ? Et comment pouvez-vous la comparer par rapport à l'édition précédente ? Pour la programmation de la chanson arabe, toute une scène est dédiée aux grandes voix de la chanson orientale. Il convient de souligner ici l'hommage qui sera rendu à Warda Al Jazariya pour avoir une idée du grand cas que nous faisons de la chanson orientale. Pour ce qui de la programmation marocaine, elle est très bien représentée. Rien que sur la scène de la place Moulay Hassan, 17 chanteurs et groupes marocains se produiront. Sans oublier, la scène Qamra où la nouvelle génération porteuse des musiques urbaines est présente. Et sans oublier encore la création autour de la Aïta à laquelle participent plus de 30 troupes. Quels sont les avantages du déroulement du festival dans la deuxième moitié de mai ? Ce n'est pas encore la période des grands festivals en Europe (juin, juillet, août), ce qui nous permet de trouver des artistes disponibles et de les avoir à des prix raisonnables. Pouvez-vous nous donner un aperçu sur l'impact du festival sur la ville de Rabat? Et quelles ont été les mesures prises par les autorités locales pour garantir le bon déroulement du festival ? La ville de Rabat attend beaucoup de Mawâzine et les autorités n'épargnent dans ce sens aucun moyen pour réussir de la manifestation. D'un point de vue touristique, nous savons que la plupart des hôtels affichent complets à cette période et je pense la présence des festivaliers profite à d'autres secteurs comme les restaurants. A part le volet créations musicales, les ateliers de formation et les spectacles pour enfants sont les nouveautés de cette année. Quel sera l'apport de ces nouveautés au festival? Pourquoi n'avez-vous pas prévu de colloques cette année ? Chaque festival a besoin d'activités de fond qui en constituent en quelque sorte l'âme. Les aspects que vous soulignez nous importent autant que les concerts qui attirent des dizaines de milliers de personnes. Les ateliers de formation ont été initiés cette année pour que le passage de certains artistes, comme le guitariste Juan Carmona et le contrebassiste François Rabbath profitent aux élèves des conservatoires. Je pense que c'est là une voie que nous allons creuser davantage pendant l'édition de l'année prochaine. Mawâzine abrite aussi une grande exposition consacrée aux artistes contemporains arabes. Cette exposition est la plus grande manifestation pour se faire une idée de la vitalité de l'art contemporain dans les pays arabes. A elle seule, elle constitue un événement. En ce qui concerne le colloque, nous ne pouvons pas l'organiser chaque année. L'année dernière nous avons organisé un colloque international sur la diversité culturelle. Cette année, nous présenterons le livre où ont été publiés les actes de ce colloque. Il est probable qu'on en organise un autre l'année prochaine.