Petite fourmi, devenue grande (termite?). C'est ainsi que l'on pourrait percevoir, aujourd'hui, un groupe automobile chinois comme Chery. Fondée en 1997, c'est-à-dire il y a un peu plus d'une décennie, cette firme a vite grandi comme en témoigne l'évolution de sa structure industrielle. Les faits et chiffres parlent d'eux-mêmes. Deux ans après la sortie du premier véhicule (en décembre 1999), Chery produisait sa 10.000ème voiture (juin 2001). Cette même année, le constructeur et son réseau avaient vendu plus de 28.000 unités sur le marché local. En mars 2003, la 100.000ème Chery sort des lignes d'assemblage, tandis que le cap du millionième véhicule produit est atteint le 22 août 2007. En 2008, la marque a vendu un total d'environ 356.000 voitures en Chine. Dans le monde, la marque a exporté près de 135.000 véhicules à travers les quelque 70 pays où elle est présente. Cela, alors qu'en 2006 (seulement), ses ventes mondiales n'avaient guère dépassé les 50.000 véhicules. Aujourd'hui, ses responsables se sont fixés pour objectif de livrer localement 419.000 Chery en 2009 et 156.000 à l'échelon mondial. Désormais, ils parlent d'une capacité de production de 650.000 véhicules par an ! Un seuil significatif pour une marque automobile 100% chinoise, la première au classement (des marques les plus vendues en Chine) et la cinquième après les joint-ventures étrangères. Bref, 12 ans après sa naissance, Chery –qui a déjà vendu 1,5 million de véhicules– ressemble à «une entreprise bébé», selon les propres termes de son président, Yin Tongyao. Un homme timide et discret, mais aux propos engageants et la motivation ferme. Idem pour tous les ingénieurs et managers maison. À commencer par celui qui s'occupe des exportations et des ventes de Chery dans la région du Moyen-Orient et Afrique du Nord, Moe Wang. Ce dernier, lorsqu'il nous reçoit, nous donne sa vision du but assigné à tous ceux qui opèrent à basse échelle dans cette entreprise. «ABC», dit-il avant d'expliquer en anglais : «A, acceptable quality ; B, best service ; C, competitive price». La traduction est inutile pour comprendre ces trois axiomes sur lesquels M. Wang insiste auprès de ses collaborateurs pour dire qu'ils (les axiomes) sont la clé de la réussite mondiale pour les automobiles de Chery. Et il faut le voir pour le croire : l'usine-mère de Chery n'a pas grand-chose à envier à d'autres. Basé à Wuhu (Province de l'Anhui), ville située à 400 km de Shanghai, le plus grand des sites de production de Chery Automobile Co Ltd s'étend sur 2 millions de m2, répartis en trois parties. C'est en fait, une ville dans la ville (de Wuhu), intégrant 4 usines (dont deux pour les moteurs), un Institut d'ingénierie, un Centre de développement écologique et technique, ainsi qu'un Bureau de design. Un ensemble bien structuré et employant un effectif global de 30.000 personnes, dont 6.000 ingénieurs. Ce sont là d'autres chiffres significatifs, qui viennent prouver –s'il le fallait encore– que Chery a bel et bien atteint une dimension critique. Après une présentation sur écran des principales facettes de l'entreprise, nous avons eu droit à une visite de l'usine de Wuhu. Celle-ci démarre par un aperçu du Centre d'ingénierie mécanique. On y découvre une première fierté de la marque : elle fabrique elle-même ses moteurs, plutôt que de se les faire sous-traiter par un autre constructeur, comme le font ses rivales (notamment auprès de Mitsubishi et Isuzu). On apprend aussi que Chery est en passe d'introduire des blocs diesel dans sa gamme. On ne nous en dira pas plus à ce sujet… Outre les moteurs, ce même site fabrique aussi les transmissions, avec une capacité actuelle de produire jusqu'à 400.000 boîtes de vitesses par an. Après quoi, nous nous rendons sur les lignes d'assemblage. On y découvre les Chery QQ et Tiggo partir de rien pour devenir des véhicules à part entière. Comme toute usine automobile qui se respecte, les carrosseries sont plongées dans un bain de zinc fondu: c'est la galvanisation. Un procédé permettant de protéger la tôle contre la corrosion. En la matière, les Chery sont comme les Opel et les Honda : garantie 12 ans ! Les véhicules sont ensuite dirigés vers les hubs de peinture, lesquels ont une capacité (de peinture) de 40 véhicules par heure. Une fois sèches, ces carcasses passent à l'assemblage des différents composants (organes mécaniques, garnitures intérieures, équipements…). Un travail minutieux accompli par des hommes et des femmes, dotés d'un outillage de pointe. Puis, vient le temps de visiter le Centre de design. Un lieu où les journalistes sont priés de ranger appareils photo et caméras vidéo. Il nous reste nos yeux pour rapporter ce que l'on a vu : des prototypes surprenants, des futures berlines abouties et des maquettes à l'échelle 1/1 en cours de finalisation. Tourné vers l'avenir, Chery le prouve clairement en investissant de nouveaux créneaux, comme la voiture 100% électrique. Nous en avons essayé une (lire encadré). Faut-il le rappeler, Chery a dévoilé 32 nouveautés au dernier Salon de Shanghai, dont une quinzaine devrait être lancée cette année. 15 c'est aussi le nombre d'usines que compte le constructeur dans le monde, dont une en Egypte, pays où sa part de marché approche les 5% en 2009 ! Mais c'est surtout au niveau des exportations que Chery surprend: sur 6 voitures chinoises exportées dans le monde, 6 sont des Chery ! Parmi les autres faits marquants, on retiendra que pour la première fois en mars 2009, la berline A3 a été vendue à 5.288 unités en Chine, soit près de 60% des ventes de Chery. La A3 a donc réussi à défocaliser les ventes de Chery du modèle QQ. Signalons également, que cette même berline est la seule automobile chinoise à avoir décroché 5 étoiles aux très sévères crash-tests C- NCAP ! Bref, Chery fait partie des quelques constructeurs automobiles chinois qui présentent un fort potentiel de croissance mondiale, avec de gros volumes en perspective. Reste maintenant à voir jusqu'où cette «petite fourmi», dont on parlait au début, pourrait croître. Deviendra-t-elle un jour une grande termite, travailleuse et décapant tout sur son passage? Une question qui mérite déjà d'être posée. DNES à Wuhu (Chine) Jalil Bennani