Le matin à partir de 11h dans les rues commerçantes des villes et villages au Maroc, s'observe l'afflux de la foule et un grand rush peu ordinaire pour la période du mois sacré du Ramadan. Seule l'approche de la fête de l'Aïd Séghir (Aïd Al Fitr ) explique ce va-et-vient inhabituel. En quête des vêtements pour les enfants, l'afflux des personnes se multiplie. Désormais, 2008 aurait été l'année des records au niveau des dépenses successives des parents. On a beau économiser mais la bourse finit par se vider. Jacques Brel chantait dans « Ces gens là »: «Faut pas jouer les riches. Quand on n'a pas le sou ». Mais quand on a des enfants que l'on adore, il faut savoir tricher de temps à autre et jouer les riches pour faire plaisir et rendre heureux ses mômes. «Je n'ai jamais vécu une année aussi stressante que celle-là. On a beau serrer la ceinture, mais rien à faire. C'est comme un travail de chaîne. Il faut suivre la cadence et ne rater aucun chaînon, sinon on perd les pédales. Je n'ai même pas encore réussi à honorer totalement les frais de scolarité de mes enfants. Ce sont des dépenses interminables. En plus les prix des vêtements c'est du « Afiya et Ch'yat» (le feu). C'est au niveau des marchés situés dans les quartiers populaires que s'aperçoivent la cohue, le foisonnement, le flux et la marée montante des parents accompagnés de leurs enfants. C'est dans ces espaces que l'on rencontre les vendeurs des étals qui vendent leurs articles à la criée. Ce sont des vêtements « spécial Fête » où l'on a des ensembles pour filles et garçons aux pièces et couleurs assorties. Il y en a pour tous les âges (bébés, enfants et adolescents). La graduation des prix offre un éventail de choix. Un ensemble pour fillette, robe et chemise assorties à 200 DH et des chaussures à partir de 150 DH. Il faut compter au moins 400 DH pour un seul enfant. «J'ai quatre garçons. Mon mari est au chômage depuis deux ans. Mes moyens ne me permettent pas d'acheter quatre tenues. J'achète pour l'aîné et le cadet, les deux autres, encore enfants, je leur enfile les anciens vêtements de leurs aînés», déclare Khadija, 47 ans ouvrière. Notons que les fringues des bébés sont deux fois plus cher que ceux des grands. Une chemise, un pantalon et des basketes peuvent facilement atteindre la somme de 600 DH. Les marchés incrustés dans les quartiers populaires restent ouverts en cette dernière semaine du mois sacré du Ramadan jusqu'à minuit afin de permettre aux parents , qui ne supportent pas la négociation des prix avant la rupture du jeûne, de se procurer les vêtements de la fête le ventre plein. Dans ces marchés traditionnels on peut trouver des articles, « made in Morocco, Spain, China ». Si vous allez du côté de «Garage Allal» à Casablanca et plus précisément «Souk Chamal», c'est une véritable cohue de personnes à la recherche du prix et qualité qui siéent à chaque bourse. «La fête de l'Aïd Al Fitr représente pour nous, l'occasion rêvée pour vendre nos articles. Ici les prix sont à la portée de tout le monde», déclare un vendeur. Au niveau de «Derb Soltan», c'est le même scénario. Une sorte de chaîne interminable de vendeurs occasionnels et ambulants qui longent les trottoirs et qu'on appelle « les Ferrachas». Ils exposent leurs articles à des prix qui ne font pas froncer les sourcils. Virée en direction du quartier des Habous, un jeune couple d'une trentaine d'années accompagné de deux enfants, une fille de 10 ans et un garçon de 8 ans, négocient inlassablement avec le propriétaire du magasin, le prix d'une djellaba et d'un petit caftan. « Un caftan à 500 DH et une djellaba pour garçon à 600 DH, les babouches entre 100 et 150 Dh. Mes enfants adorent porter des habits traditionnels le jour de la fête. Mon salaire est de 2500 DH. Ma femme ne travaille pas. Comment s'en sortir avec un tel salaire ? », s'indigne Mahmoud père de famille, ouvrier dans une usine. Direction «Lkriaâ», toujours à Casablanca, gros marché réputé pour être un point de chute des effets vestimentaires d'importation, un lieu très prisé par la population. Des milliers de citoyens se dirigent vers ce lieu dans l'espoir de minimiser les dépenses. «Chaque année, je viens ici pour acheter les habits de la fête pour mon enfant. Ce n'est pas très cher et on en a pour tous les goûts», annonce Yamna 26 ans, mère célibataire. A Derb Ghallef, c'est également la grande bousculade du côté des petites baraques. Le lieu de la contrefaçon par excellence où les familles s'affairent, lors de ces dernières nuits ramadanesques, à se consacrer exclusivement à la prospection du marché vestimentaire. Tradition oblige! Une bonne solution de rechange: la friperie ! Une planche de salut pour ces nombreux pères de famille ayant plusieurs enfants à charge. Elle foisonne, prolifère et se multiplie à une vitesse vertigineuse. Elle fait le bonheur des familles démunies et le désespoir des gérants de boutiques de prêt-à-porter. « Mais les friperies, c'est aussi pour les personnes aisées », déclare un commerçant. La fête de l'Aïd Al Fitr, ce ne sont pas uniquement des vêtements, mais tout ce qui s'en suit, gâteaux, repas du jour «J» etc. Et au delà de la galère, la joie de la fête.