La voyante ou «chouafa» est une femme qui prétend prédire l'avenir. Ce personnage est-il vraiment hors du commun? Possède-t-il des miracles qui lui permettent de connaître ce que les autres ignorent ? Quels sont les secrets de ces femmes? La voyante recourt à plusieurs procédés pour «prédire» l'avenir de ses «patients» et pour les soigner. Elle pose un voile vert et rarement noir sur le visage et lorsqu'un homme ou une femme se présente devant elle, elle jette de l'encens dans le brasero et commence à parler en s'adressant à son «patient». A la fin, le visiteur dépose une petite somme d'argent devant elle sans oublier les conseils qui lui ont été donnés par la voyante et grâce auxquels il résoudra ses problèmes. Souvent, les voyantes qui mettent des voiles, restent toujours dans l'anonymat. Il y a un autre type de «chouafate» qui recoure aux cartes qu'elles étalent devant le visiteur. Ce sont les cartomanciennes. Chaque carte porte un nom et une signification. Pour d'autres voyantes, la meilleure façon de prédire l'avenir, c'est le plomb qu'elles mettent dans un petit récipient. Et lorsqu'il chauffe à 100°, elles le déversent dans un ustensile plein d'eau ce qui leur permet, à ce moment d'interpréter les différentes formes prises par le plomb qui s'émiette au fond du récipient. Après trois essais, la voyante demande à son «malade» de prendre un bain avec l'eau dans lequel le plomb a été trempé. D'autres voyantes se servent de l'omoplate d'un mouton, d'un «tassbih»…Les maux qu'elles prétendent guérir sont multiples : les problèmes familiaux, le mariage, la stérilité, la possession par un djinn, la malchance, la sorcellerie… «Depuis que j'ai fréquenté la chouafa, affirme une femme, je vais très bien. J'étais malade, j'ai suivi des traitements mais en vain. En réalité, j'étais possédée (par le diable). Maintenant, je me sens bien». Si les uns sont complètement satisfaits des soins de ces voyantes, d'autres n'y voient qu'une perte d'argent et de temps. Deux autres femmes livrent leur témoignage : «Les chouafate exploitent la crédulité des gens. C'est notre faiblesse qui nous aveugle. Comment une simple femme peut-elle prédire l'avenir ? C'est honteux d'induire les gens en erreur !». Les voyantes délivrent à leurs malades des amulettes qu'ils doivent porter, enterrer…Il est des malades qui boivent le contenu de ces amulettes après les avoir trempées dans l'eau et il y a ceux qui sont tenus de les brûler dans un brasero. Les chouafate peuvent prescrire des décoctions à leurs malades, ce sont des breuvages à base de plantes ou d'amulettes… d'autres préfèrent de l'encens «tbakhira ou tfousikha».C'est un ensemble de produits ou de plantes qu'on met sur le feu pour éloigner «le mauvais œil» ou pour se débarrasser de toute nuisance. Ce qui est important dans la «tfousikha» c'est la fumée qui s'en dégage. Une fille qui fréquente une voyante dit : «J'avais des problèmes avec mon fiancé. Mais depuis que cette chouafa m'a prescrit quelques médicaments à base de plantes, je vis dans le bonheur. Nous étions tous les deux victimes de la magie «shour ou Sihr». ALM est allé même assister de visu à une chouafa de la région. Au moment où la malade s'asseoit devant elle, sa voix change. C'est celle d'un homme qui s'adresse au malade. La voix anonyme devient autoritaire et imposante et la malade commence à répéter «taslim, taslim…». A ce moment, elle tremble et jette de l'encens sur le feu. «Nous voudrions, dit la voix au malade, que tu nous apportes un coq noir si tu veux que nous résoudrions tes problèmes». A la fin de la scène, la voix redevient féminine et le visiteur dépose une somme d'argent sous un tapis. Lorsqu'on lui a posé des questions pour savoir si elle était consciente de ce qu'elle disait au malade, la voyante a répondu qu'elle ne se souvient de rien car c'était une personne étrangère qui parlait à sa place. Nous avons par la suite rencontré le même malade qui nous a affirmé que cette chouafa dit la vérité et que c'est grâce à elle qu'il a trouvé la vraie solution de ses malheurs. Les prix des visites varient d'une Chouafa à l'autre, et se situent généralement entre 20 et 30 Dhs. Mais le visiteur doit payer aussi tout ce que la voyante lui donne, et les prix vont de 20 à 40 Dhs. Parfois, la chouafa exige qu'on lui apporte un coq, une poule, un mouton ou une brebis…Et pour la voyante, ce qui importe, c'est le sang versé quel que soit l'animal. Elle peut demander des vêtements de telle ou telle couleur, des pains de sucre, de l'argent…Elle peut aussi demander au malade d'aller voir un autre marabout…Un homme déclare au sujet d'une voyante : «Ma femme s'occupait de moi avant. Mais le jour où sa voisine l'a accompagnée chez la chouafa, la pauvre a complètement changé. Elle n'est plus ma femme d'autrefois. Ce genre de femmes ne dit que des mensonges». Et d'ajouter «la sorcellerie existe mais c'est Dieu seul qui est capable de guérir toutes nos souffrances». Il y a une trentaine de voyantes dans la région mais les gens conscients ne vont jamais voir ce type de femmes. Demandant à une voyante la raison pour laquelle elle pratique ce «métier», elle a répondu qu'elle le fait malgré elle et que c'est pendant un rêve qu'un esprit s'est manifesté à elle pour obliger à assumer cette responsabilité. Au moment où les uns affirment que les soins des chouafate ont un impact positif et considérable sur leur vie, les autres renchérissent que les voyantes sont des femmes qui exploitent la faiblesse et la crédulité des gens.