Les émeutes se poursuivent en Kabylie et le pouvoir a opté pour la fermeté. Les dirigeants de la contestation restent insensibles aux ouvertures du président algérien pour régler la crise qui secoue cette région depuis près d'un an. La persistance des affrontements dans la région prouve que le président Abdelaziz Bouteflika n'a pas convaincu les Kabyles lors de son discours à la Nation du 12 mars, annonçant la reconnaissance du tamazight comme langue nationale ainsi qu'un «redéploiement» des gendarmes. Les âarchs (tribus) réclament un statut de langue officielle pour le tamazight, le départ définitif des gendarmes et le contrôle de tous les corps de sécurité par les assemblées élues. Sur le terrain, l'organisation des élections, le 30 mai prochain, risque d'être difficile. Dans de nombreuses localités, les urnes ont été déjà brûlées par les manifestants, et les âarchs sont décidés à fermer les mairies pendant les élections qualifiées de «mascarade». Dix-huit personnes ont été arrêtées par la police anti-émeutes qui a investi le théâtre Kateb Yacine de Tizi-Ouzou où les délégués contestataires avaient installé leur permanence. Une opération qui a permis aux autorités algériennes de supprimer ce lieu de rassemblement de la contestation dans la capitale de la Grande Kabylie (est d'Alger). A Béjaïa, l'autre pôle principal de la contestation, plusieurs délégués ont été également interpellés, dont Ali Gherbi, le plus connu d'entre eux. Publié jeudi par le quotidien algérien «Le Matin», un communiqué de la Coordination des villages et des quartiers de la commune de Tizi Ouzou réclame la «libération immédiate des détenus». Dans la capitale de la petite Kabylie, la justice a condamné pour la première fois sept manifestants à des peines de prison ferme, dont cinq à un an chacun. Cette fermeté du pouvoir intervient alors que samedi et dimanche des unités de gendarmerie ont quitté plusieurs localités dont celle de Tizi-Ouzou. Ce retrait était présenté comme un geste d'apaisement vis-à-vis du mouvement contestataire emmené par la Coordination des âarchs et villages kabyles. En effet, l'une des exigences de cette Coordination est le départ «pur et simple» de Kabylie des gendarmes accusés d'avoir réprimé dans le sang les émeutes du printemps 2001. Ces émeutes ont fait une soixantaine de morts et 2.000 blessés, selon un bilan officiel, et 107 morts et 5.000 blessés, selon les âarchs auxquels s'ajoutent deux nouvelles victimes tuées la semaine dernière. La presse privée relevait mercredi le changement d'attitude des autorités sur la question kabyle, en soulignant notamment qu'elles pratiquaient la politique de la carotte et du bâton. "Tout laisse à penser que le pouvoir vient de siffler la fin de la récréation et la question reste posée de savoir pourquoi il a changé de fusil d'épaule en déclarant ouvertement la guerre à l'aile radicale des âarchs après avoir tenté vainement de l'affaiblir et de la disqualifier», notait El Watan. Pour sa part, Le Quotidien d'Oran estime que désormais se «profile un engrenage infernal qu'il est urgent de stopper».