Mohamed Ahmed Bahi, journaliste, ancien détenu du polisario, affirme que le Maroc va organiser un référendum sur la révision de la Constitution pour que celle-ci soit adaptée au Plan Baker II. ALM : A quelques jours de l'examen du dossier du Sahara par le Conseil de sécurité de l'ONU, quelle est la situation sur le terrain diplomatique? Mohamed Ahmed Bahi : Chaque partie campe sur ses positions. L'Algérie et le polisario ont mis le Maroc dans une situation assez délicate. Il lui revient, maintenant, de donner une réponse au Plan Baker, et ce avant le 30 avril courant. Vraisemblablement, on se dirige vers un énième report du mandat de la Minurso. Deux mois supplémentaires. C'est une solution de facilité, à mon avis. Quelle est, selon vous, la proposition du Maroc quant au deuxième Plan Baker pour le règlement de ce conflit? En septembre 2003, le Maroc a fait une proposition assez intéressante au secrétaire général des Nations unies. Les médias n'ont pas été mis au courant. Il s'agira, pour le Maroc, d'opérer une révision de sa Constitution afin qu'elle soit adaptée au Plan Baker II. Vous voulez dire que le Maroc finira par accepter le Plan Baker? Absolument pas. Ce que je veux dire, c'est que la révision constitutionnelle ne s'effectue pas en un jour. Il va falloir organiser un Référendum, dans lequel l'ensemble des Marocains vont dire leurs mots. En termes clairs, le Maroc officiel donnera la parole au Maroc populaire. Ce dernier est représenté par les partis politiques, les associations, le Parlement, les citoyens… Je ne veux pas spéculer sur les résultats de ce référendum, mais je pense que, certainement, la réponse des Marocains sera négative. Dans ce cas, comment pensez-vous que l'Onu et la communauté internationale vont réagir? Une révision constitutionnelle signifie l'octroi d'une légitimité à la spoliation d'une partie du territoire marocain. Si l'ONU et la communauté internationale se disent démocrates, elles doivent respecter l'avis du peuple marocain. Elles peuvent, pour en avoir le cœur net, envoyer des observateurs internationaux qui suivront le processus référendaire. Cette tactique, qui nous conduira vers la case de départ, ne risque-t-elle pas d'être condamnée par le conseil de sécurité de l'ONU? Et alors? Sur ce registre, l'Algérie et le polisario ont un palmarès beaucoup plus riche que le nôtre. Le Traité de Madrid, signé en 1975 par le Maroc, la Mauritanie et l'Espagne, a été rejeté par le polisario et l'Algérie. Cela n'a dérangé personne, surtout pas l'ONU. La proposition marocaine d'organisation d'un référendum en 1981, a été catégoriquement rejetée par le polisario et l'Algérie. Pas de réaction à l'ONU. Depuis 1991, le processus d'identification a fini dans une impasse à cause du polisario et de l'Algérie. L'ONU n'a pas bougé le petit doigt pour les condamner. Ce n'est pas fini. En 2000, à Berlin, le projet marocain d'une autonomie assez large au profit du Sahara a eu le même sort. C'est-à-dire le refus total. Pas de réaction de la part de l'ONU.Sur cinq propositions, les Algériens et les polisariens en ont refusé quatre. Comment se fait-il que l'ONU a voulu imposer une solution au Maroc, et pas à l'Algérie et au polisario? Tout simplement parce que l'Algérie achète les voix de certains membres de l'ONU. C'est le cas, notamment de la quatrième commission. Tous ses votes sont favorables à l'Algérie. Comment voyez-vous l'avenir de l'affaire du Sahara? Il est difficile de prédire. Ce qui est sûr, c'est que les reports des mandats de la Minurso ne sont dans l'intérêt ni du Maroc ni des Sahraouis qui croupissent dans les camps de Lahmada. L'Algérie a un seul objectif: conduire le Maroc vers une impasse pour pouvoir proposer puis imposer une gestion onusienne des provinces du Sahara. En d'autres termes, ces territoires n'appartiendront ni au Maroc ni au polisario, mais à la communauté internationale. C'est l'objectif de l'Algérie. Pour barrer la route devant l'Algérie, il faut que tous les Marocains participent à la gestion de ce dossier. Ce dernier ne doit plus rester un monopole du ministère de l'Intérieur. Son rôle est, certes, important. Mais le Parlement, les partis politiques, la société civile et les médias doivent être impliqués.