Dans un projet de loi de Finances, il y a les mesures fiscales, les recettes, les impôts… et les non-dits. Parmi ceux-ci, il y a le taux d'endettement. Car en 2016 encore, le gouvernement n'aura d'autres choix que de s'endetter pour boucler son budget. Pourtant, l'Exécutif s'était engagé à stabiliser la dette publique dès 2015 avant d'inverser la tendance à partir des années suivantes. Entre les engagements des responsables gouvernementaux et les chiffres du projet de loi de Finances (PLF 2016) il y a tout de même un écart béant. Après calcul et tous comptes faits, le cabinet Benkirane ne manquera pas moins de plusieurs dizaines de milliards de dirhams (MMDH). La solution est facile pour les responsables. Le gouvernement s'autorise par le biais de l'article 55 du PLF «à procéder aux émissions d'emprunts et de tout autre instrument financier, à l'étranger, pendant l'année budgétaire 2016». Et comme le pays devra s'endetter également sur le marché financier local, les deux articles suivants du projet de loi autorisent le gouvernement mais aussi le Trésor des emprunts intérieurs.
Pourquoi tant d'endettement ? Le pays recourt à tant d'endettement pour une raison toute simple. L'Etat gagnera l'année prochaine à peine de quoi payer les salaires et autres charges de l'administration publique et encore ! En effet, les recettes ordinaires (impôts, taxes, cessions, legs, dons…) ne suffiront pas à couvrir toutes les charges. Plus concrètement, le budget général de l'Etat prévoit des recettes ordinaires de l'ordre d'un peu plus de 212 milliards de dirhams. Or, les dépenses ordinaires (personnel, achat de matériels…) coûteraient 216 milliards, soit un premier déficit de plus de 4 milliards. Il reste alors l'investissement. Et c'est là où le bât blesse. Les quatre premiers milliards de déficit ne sont pratiquement rien en comparaison avec les milliards qui manquent pour financer les engagements gouvernementaux en termes d'investissements. La bonne nouvelle, c'est qu'une bonne partie de la dette du Maroc en 2016 ira à l'investissement. La mauvaise nouvelle, c'est que la quasi-totalité des fonds consacrés à l'investissement et d'autres charges proviendra de la dette. Un besoin de 94 milliards DH Les charges liées à l'investissement sont estimées l'an prochain à plus de 61 milliards. Si l'on comptabilise les 4 premiers milliards de déficit liés aux charges ordinaires, le manque grimpe à plus de 65 MMDH. Mais le gouvernement n'est pas au bout de ses peines avec le financement de l'investissement et les charges ordinaires par la dette. Car le Maroc cumule déjà des dettes pour lesquelles il faut payer des intérêts. Le projet de budget prévoit ainsi un amortissement de dettes à moyen et long termes de l'ordre de 40 milliards de dirhams. Si quelque 12 milliards de recettes des comptes spéciaux du Trésor atténueront quelque peu le déficit, le gouvernement sera toujours en manque de plus de 95 milliards de dirhams. C'est là que la nouvelle dette entre en jeu. Le recours à l'emprunt au Maroc et à l'étranger en 2016 permettra de trouver quelque 70 milliards de dirhams. Le reste, c'est-à-dire plus de 24 MMDH, manquera toujours. Le PLF 2016 ne donne pas de précisions sur ce manque. Mais les responsables rassurent : le déficit budgétaire ne sera, après tout, que de 3,5%... Zones rurales et enclavées: 50 milliards DH pour estomper les disparités territoriales et sociales L'un des faits marquant de l'année budgétaire 2016 est la mise en place d'un nouveau programme d'action de lutte contre les disparités territoriales et sociales dans le monde rural. Cette feuille de route fixée pour la période 2016-2022, s'appuie sur deux composantes. Citons en premier le volet infrastructures et équipements sociaux de base nécessitant une enveloppe de 50 milliards DH. A cet effet, 20.800 projets ont été identifiés, déclinés par secteurs portant sur des activités d'aménagement et de construction des routes et des pistes rurales, des projets d'extension du réseau de l'eau potable, d'électrification rurale décentralisée et d'infrastructures de santé et d'éducation. Pour 36 milliards DH, le programme ambitionne l'aménagement et la construction de 22.780 km et la réhabilitation de 9600 km de routes et de pistes rurales ainsi que la création de 276 ouvrages d'arts. 5,5 milliards DH seront alloués pour le financement de 728 projets d'extension et de réhabilitation du réseau d'eau potable, 244 projets de branchements individuels et 9511 points d'eau, profitant ainsi à 1,4 millions de marocains issus des zones rurales et enclavés. De même, 17.758 douars présentant des déficits dans le domaine de la santé bénéficieront de multiples projets pour un budget de 1.4 milliards DH. Six millions bénéficiaires profiteront entre autres de 523 dispensaires, 424 logements pour le personnel médical rural, 176 maisons d'accouchement et 396 unités médicales mobiles. Pour résorber le déficit en matière d'éducation, le programme vise l'extension de l'offre éducative par l'ouverture de 114 garderies, 90 écoles, 33 collèges, 29 lycées et 81 dar taliba/dar talib. De même, 5,1 milliards DH seront déboursés pour la création de 803 logements de fonctions et la mise en places de 554 moyens de transport scolaire. Ces actions cibleront 1,5 million de bénéficiaires dans 7016 douars. Notons que 1504 douars seront couverts par 632 projets de branchement individuel, 123 projets d'électrification rurale décentralisée et 103 projets d'éclairage public. Il s'agit en effet d'investissements de l'ordre de 1,93 milliards DH. Le deuxième volet du plan consiste les activités d'accompagnement. Cet axe s'articule autour d'une enveloppe budgétaire de 5,8 milliards DH portant entre autres sur l'introduction d'activités génératrices de revenues et des activités socioculturelles et sportives.
Offres islamiques : Ce que dit le PLF Alors que les banques islamiques ne devraient arriver sur le marché financier national que dans quelques mois, le projet de loi de Finances prévoit déjà plusieurs dispositions concernant les produits de la finance participative. En plus du produit «Mourabaha», la loi de Finances parle également d'une autre offre de la finance islamique, à savoir «Ijara Mountahia Bitamlik». Les acheteurs de logements à travers ces offres pourront également bénéficier des mêmes avantages que les clients des banques conventionnelles. Il faut préciser que le PLF introduit une nouveauté concernant le traitement de l'acquisition d'un logement principal dans le cadre de l'indivision. Auparavant, les deux partenaires dans un couple qui achetaient un même logement indivis, pouvaient déduire chacun de son côté les intérêts de leur prêt immobilier à hauteur de leur quote-part dans la limite de 10% de leur revenu global imposable. Or, l'un des deux partenaires pouvait contracter la totalité du crédit immobilier et se trouvait lésé. A partir de janvier 2016, le contribuable ayant contracté 100% d'un crédit immobilier aura la capacité de déduire la totalité des intérêts.