Dans une tentative de lever le voile sur ce fléau, une première enquête nationale sera dévoilée au cours de la première édition de la Semaine nationale de l'infertilité. Organisée à l'initiative de la Société marocaine de médecine de la reproduction (SMMR), cette semaine se tiendra du 25 au 27 juin 2015 à Casablanca, Rabat et Marrakech. Entre 15% et 17% des couples marocains en âge de procréer sont touchés par l'infertilité, soit l'équivalent de pas moins de 825.000 personnes. Ce sont là les chiffres avancés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui précise que l'on «parle d'infertilité lorsqu'un couple désireux d'avoir un enfant ne parvient pas à obtenir une grossesse après un an de rapports sexuels réguliers non protégés». Généralement assimilée aux notions de tabou, malédiction ou honte, l'infertilité prend du terrain dans une société où, d'après Pr Omar Sefrioui, président de la SMMR, le tort est souvent associé à la femme. «Ce n'est même plus vrai, l'homme est aujourd'hui plus souvent touché par ce fléau». Même son de cloche chez Pr Khadija Machichi Alami qui, au bout de ses 16 années d'exercice en tant que psychothérapeute, n'a à ce jour jamais reçu un couple souhaitant consulter pour «infertilité». Cette méfiance généralisée mariée à une absence de conscience collective font en sorte que la volonté politique ne suit pas. «Les modules sur l'infertilité ne sont pas enseignés, ou encore ils le sont très peu et de façon superficielle», précise Pr Sefrioui. Il est à noter qu'en plus du manque de formation d'abord en matière de diagnostic puis en thérapie, les traitements ne sont pas pris en charge et la loi fait défaut. En effet, selon pr Nouzha Bouamoud, bioéthicienne et Professeur à la faculté des sciences de Rabat, le refus de considérer l'infertilité comme véritable pathologie est une aberration. «Un cancer ou une autre maladie ne brise pas forcément des couples, l'infertilité si. Elle a de graves conséquences sur les familles et mérite que l'on s'y penche sérieusement», s'indigne-t-elle. Elle précise dans ce sens que tout ce qui se fait au Maroc en matière de procréation médicalement assistée (PMA) se fait dans un vide juridique total. «Le premier bébé in vitro au Maroc est né en 1991. Cela fait donc 25 ans que nous faisons de la PMA au Maroc sans textes de loi mais à la lumière de la conscience professionnelle et un certain consensus national», ajoute-t-elle. Autrement dit, «tout est permis et rien ne l'est. Le citoyen est généralement guidé par le Halal/Haram tandis que les professionnels sont perdus entre le légal et l'illégal». Cette même source déplore l'absence d'un comité bioéthique qui peut être une réelle force consultative à même de faire avancer la question de la PMA au Maroc. L'absence de toute législation peut entraîner des dérives dont les conséquences sont à prendre en considération. A commencer par le tourisme procréatif et l'exploitation des jeunes femmes. Sur ce point, Pr Bouamoud ajoute : «Il suffit de faire un tour sur le Net pour découvrir le nombre grandissant de jeunes filles se proposant d'être mères porteuses au profit des couples étrangers. On revient ici sur un des droits humains les plus fondamentaux, à savoir la non-marchandisation du corps de la femme». En effet, entre banques de spermes, location d'utérus et autres dérives, l'éthique cède la place à un marché juteux dont les victimes ne sont autres que des enfants «fruits de transactions».