Ce qui m'a poussé à vouloir endosser tous ces jolis habits de gens si avisés, c'est la bombe qui a explosé dernièrement dans le monde du ballon rond mais qui, apparemment, regroupe des cercles très peu vertueux. Je ne sais pas si c'est un hasard, mais ce qui est bizarre, c'est que ce gros truc nous est tombé sur la tête juste au moment où, comme écrivait récemment si bien un de mes chers collègues, nous étions en train de la perdre à force de mater d'autres rondeurs dont certaines gonflées à bloc. Il faut dire que cette explosion n'était pas tout à fait une surprise et je crois même que tout le monde l'attendait sans l'attendre en se disant qu'après tout, que ça éclate aujourd'hui ou jamais, le ballon continuera de tourner dans tous les sens, les joueurs continueront de tirer dans les buts sans forcément les réussir, les supporters continueront de puiser dans leur épargne et parfois même se saigner à blanc pour avoir le droit d'applaudir ou de siffler, c'est selon, les équipes rouges, vertes, bleues ou jaunes qui leur en font voir parfois de toutes les couleurs. «Blatter a démission-né». La nouvelle a fait le tour du monde en quelques secondes et j'ai eu l'impression que le monde du foot a poussé un grand ouf. Pourtant, quelques jours, pour ne pas dire quelques heures auparavant, ce même monde avait accueilli l'élection pour la nième fois de ce vieillard amoureux du foot et du fric comme une indiscutable évidence. Et chez nous plus qu'ailleurs. Vous savez, chez nous, des présidents qui restent éternellement en poste et qui sont réélus à chaque fois automatiquement, on connaît ça depuis que nous avions découvert les vertus de la démocratie des urnes pré-remplies. Quant à la corruption dont est accusé le Père Blatter et tous ses copains constamment en costume et «Blazer» (Oui, c'est un jeu de mots facile, mais ce n'est pas parce qu'il est facile que je vais le laisser à d'autres le faire), c'est un fléau qu'on connaît bien et qu'on pratique chaque jour sans trop s'en offusquer. Pour faire un autre jeu de mots facile, la corruption est devenue depuis longtemps chez nous un sport national et pas seulement dans la planète foot. Alors, justement, j'en viens à mes métiers d'en haut et qui ne sont pas les miens. Alors que tous et toutes mes compatriotes, à l'exception de quelques illuminés plus ou moins éclairés, sont tombés à bras raccourcis sur le «pauvre» Nabil Ayouch et son film maudit pour dévergondé(e)s, ainsi que sur la sublime Jennifer Lopez qui les a tous et toutes fait tomber sur leur derrière, j'ai le sentiment que tout ce beau monde de pudibonds trouve cette histoire de footeux corrupteurs et corrompus, aussi internationaux soient-ils, complètement banale. En fait, tout le monde ici s'en fout totalement même si on a appris ce qu'on savait plus ou moins déjà, qu'on y était un peu pour quelque chose. Et alors ? On n'est pas les seuls à l'avoir fait. Après tout, le bakchich fait partie de notre culture, et là, c'est encore mieux : c'était pour la bonne cause. A ce propos, j'en ai entendu une qui vaut la peine d'être rapportée. Je me trouvais avec des copains à discuter de cette affaire de la Fifa, après, bien sûr, avoir rabâché les éternelles «Ayouchiennes», et voilà qu'un des débatteurs sort cette réplique d'anthologie : «nous sommes des corrupteurs de père en fils depuis plusieurs siècles, c'est-à-dire que nous sommes des experts en la matière, et pourtant, ce sont les autres qui ont réussi à décrocher l'organisation de la Coupe du monde». C'est vrai, c'est même désespérant. En tout cas, maintenant qu'on sait tout ça, qu'est-ce qu'on va faire ? Je vais reposer ma question autrement : quand on aura interdit le film « Much Loved » dans les salles et le laisser circuler sous cellophane, et on aura demandé à la sulfureuse chanteuse d'aller se rhabiller pour ne pas attraper froid, et on aura caché les nichons des deux Femen qu'on ne saurait voir mais qu'on regarde quand même, va-t-on nous révéler enfin quels sont les nuls qui, chez nous, n'ont même pas été foutus de réussir leur coup ? En attendant, je souhaite à tous ceux et à toutes celles qui croient à une vie idéale sans corruption un très bon week-end. Quant aux autres… Un dernier mot sous forme de devinette pour rigoler un peu : pourquoi, parmi les milliers de spectateurs et spectatrices qui ont assisté en direct au chaud show de Jennifer Lopez, personne n'a protesté?