Et il prend un malin plaisir à le torturer : «Il paraît qu'il y a une loi qui va bientôt sortir, juste trois jours avant le ramadan. Elle stipule en substance que fumer des joints sera interdit et que les peines de prison vont partir en flèche. Comme quoi mieux vaut tard que jamais. Ramadan a ceci de bien qu'il remet au goût du jour des sujets que l'on croit évidents et faisant partie des mœurs acceptées sans tabous dans la société» J'ajoute pour alarmer davantage le jeune adepte du haschich après la rupture du jeûne que «mieux encore, mon ami. Comme il ne faut pas ouvrir les débits d'alcool durant le mois sacré, c'est pareil pour le cannabis. Il y aura une pénurie d'ici quinze jours. Plus un gramme de haschich dans les rues. Les dealers vont se recycler en vendeurs de jus et ceux qui veulent fumer ont intérêt à faire le plein de haschich comme les buveurs qui font déjà le tour des débits d'alcools pour s'approvisionner comme s'ils partaient en guerre». Le bonhomme assis devant à côté du chauffeur devient rouge. Il n'y croit pas. Pourtant on lui cite des titres de journaux de notre invention et on le fait marcher. Et il galope littéralement, pris de panique à l'idée de ne pas trouver de joints durant ramadan pour pouvoir supporter d'autres manques. «Et pourquoi ils vont interdire de fumer les joints. Enfin c'est interdit de facto, mais on fume comme on veut, mais ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est que personne dans mon entourage ne soit au courant !» Le taximan lui dit tout de go : «mais tu ne pensais pas qu'ils allaient te préparer des mois à l'avance pour que tu prennes tes dispositions en allant acheter des kilos de cannabis pour le cacher ! On fait ce qu'on peut, mon fils. On a d'abord pensé au pain, au gaz et à d'autres problèmes plus urgents avant de s'attaquer à des sujets secondaires, certes importants pour le calme et le bien-être d'une large frange de la société, mais tout de même pas aussi vitaux que le pain et la gaz, mon fils, n'est-ce pas ?». Le jeune haschachin n'est pas de cet avis. Et il ne s'en cache pas. «Fumer pour certains est plus important que de boire et de manger, c'est une nécessité première». Tiens ! le gamin fait dans l'économie citoyenne en pensant aux priorités des uns et des autres ! C'est clair qu'il a les jetons puisqu'il a déjà envoyé des sms à des potes fumeurs qui devraient être au courant ou du moins avoir un peu de haschich sous la main pour les jours sans. Mon ami chauffeur de taxi ne laisse pas tomber. Il en rajoute une couche : «Et il paraît que la cigarette sera aussi réglementée. Eh oui, pour fumer aujourd'hui, il faut montrer qu'on a les moyens, qu'on peut aller voir un toubib, une bonne assurance maladie et tout le truc. On ne va pas laisser les gens mourir de cancer sans sourciller. Nous sommes dans une société en mouvance et on a décidé de faire le bien autour de nous, c'est la nouvelle politique avant les élections, mon fils. Alors fais gaffe ! Si tu veux fumer, vas-y tire sur la clope tant que tu veux, mais gardes-en pour les jours malheureux». Le jeune homme accuse le coup, gobe tout ce qu'on lui dit et descend du taxi tout retourné. Il sait déjà qu'il va fumer tous les joints possibles d'ici le premier jour du ramadan et il en mettra de côté au cas où ce qu'il vient d'entendre se vérifiait ! Comme quoi, «El Belia S3iba» !