Le Dr Mohamed Lachkar, président de l'association ASASHA, a assisté à la réunion tenue samedi à Al Hoceïma, par une délégation ministérielle dans le cadre de la préparation du programme de reconstruction. Il livre son point de vue sur ce programme. Entretien. ALM :Dans le cadre de la préparation du programme de reconstruction, une importante délégation ministérielle a tenu, samedi à Al Hoceïma, une réunion avec différentes potentialités locales. Comment évaluez-vous cette réunion ? Mohamed Lachkar : D'abord, il faut signaler que d'après les interventions de Habib Malki, qui présidait cette délégation, l'objectif de la réunion était la présentation du programme de reconstruction pour le discuter et l'enrichir dans une première phase, avant d'entamer une deuxième étape qui sera couronnée par une autre réunion sous la présidence du Premier ministre (à Rabat cette fois-ci) et à l'issue de laquelle le programme sera définitif pour qu'il soit présenté à SM le Roi. Le plan s'articule essentiellement sur le désenclavement de la région par l'amélioration du réseau routier, son intégration dans l'économie régionale et nationale par l'exploitation des potentialités économiques et l'encouragement des investissements et des projets générateurs d'emplois. Qu'en pensez-vous en tant que président d'association locale ? Après avoir suivi les grandes lignes du programme, j'ai soulevé les problèmes suivants : dans un premier volet, le programme connaît une phase urgente qui consiste au recensement, à effectuer des études, des expertises, puis des prises de décisions avant de passer à la phase de reconstruction. Nous considérons que la notion « urgence » est absente de ce programme, tout simplement parce que l'on évoque la présence de plusieurs phases avant d'entamer réellement les travaux «urgents», à savoir sauver les gens. Vous savez que près de 40 000 personnes continuent de vivre sous la tente. Ces gens-là sont hantés par une seule question : jusqu'à quand cette situation va-t-elle perdurer ? Dans le second volet, on a avancé, lors de cette réunion, le plan intégré du Rif! Je pense que face à une nouvelle situation, il faut de nouvelles idées. Or, en ce qui concerne ce plan intégré, il est composé de projets déjà en exécution, ou qui ont été projetés bien avant le tremblement de terre. En somme, vous ne semblez pas satisfait de ce plan ? Il existe en effet un tas de reproches à ce plan. Le premier problème se situe au niveau de la coordination des intervenants dans ce plan. Il est censé être assuré par l'Agence de promotion et de développement économique et social de préfectures et provinces du Nord du Royaume. Une agence qui travaille depuis près de huit ans dans la région et qui a laissé une mauvaise impression parmi les populations. En plus, le siège de cette même agence se trouve à Rabat et le personnel qu'elle envoie est composé de personnes étrangères à la région qui ignorent tout ou presque à propos de ses spécificités et de ses contraintes. Ce qui signifie qu'il doit y avoir une coordination avec les ONG locales. Mais pas uniquement au niveau des concertations qui ne dépassent pas le stade consultatif. Il faut que les associations locales soient impliquées au niveau des choix des projets et de leur exécution, qu'elles participent au suivi et à la réalisation. C'est la seule façon de permettre le travail dans la transparence et d'éviter le laxisme et la corruption. D'autre part, l'on inclut dans ce programme, en plus d'Al Hoceïma, les provinces de Taza et de Taounate que nous ne considérons pas comme étant concernées puisqu'elles n'ont pas été touchées par le séisme . En revanche, et c'est un paradoxe, c'est Nador qui aurait dû être inclus, car cette région a été touchée et compte beaucoup de dégâts matériels et des victimes. Mais la mise en application du projet de développement intégré serait très avantageux dans la mesure où il vise le désenclavement total de la région ? Certainement. Mais le problème se situe au niveau des choix et non du plan lui-même. Un choix de ce qui est prioritaire de ce qui ne l'est pas. Par exemple, en ce qui concerne le désenclavement par le développement du réseau routier, est-ce qu'on devrait commencer par les zones rurales éloignées et qui ont énormément besoin d'être désenclavées ou devrait-on réaliser d'abord la construction de l'autoroute Fès-Taza telle que le propose le plan du gouvernement ? Idem pour ce qui est de l'amélioration des services sociaux, éducation, santé, culture, sports etc. faudra-t-il axer le travail d'abord sur les zones enclavées ou le contraire. La même chose pour ce qui est de l'appui consacré à l'investissement dans certains secteurs économiques où la province d'Al Hoceïma dispose d'atouts et de potentialités réels comme le tourisme et la pêche maritime. Et enfin en ce qui concerne le développement d'une agriculture productive, donnera-t-on la priorité à un développement rural endogène ou est-ce que l'on imposera un mode de production agricole destiné à l'exportation et qui va épuiser les ressources naturelles de la région qui sont déjà fragilisées et peu abondantes. L'ère de la langue de bois est bel et bien finie, il faudrait impliquer les associations locales engagées et leur confier un espace d'action au lieu de les confiner dans le rôle consultatif.