Alertée de l'existence d'une affaire de traite des blanches, la police judiciaire d'Oujda a épinglé deux membres d'un réseau spécialisé dans l'émigration clandestine et l'importation des cassettes-vidéo et des magazines pornographiques. «Des personnes installées à Oujda seraient des éléments d'un réseau international spécialisé dans la traite des blanches ». Cette longue phrase était suffisante à elle seule pour que les éléments de la sûreté d'Oujda décident de rester les yeux ouverts jour et nuit et de mener une enquête avec fermeté et consistance jusqu'au bout. Bref, ils ont pris les choses au sérieux. Sans avoir le minimum d'éléments sur ce réseau, les limiers de la police judiciaire ont entamé, au début du mois de mars, les investigations nécessaires. Certes, un travail de fourmi de quelques jours leur a permis d'arriver à mettre la main sur un jeune homme, Rachid, la trentaine, célibataire. Son parcours a mis la puce à l'oreille des limiers. Comment un cireur puis gardien de voitures qui gagne à peine son pain devient en un laps de temps une personne disposant d'importantes sommes d'argent et d'une voiture ? Est-il vrai que les circonstances peuvent l'aider de passer rapidement d'une personne qui s'habille presque quotidiennement en blouse bleu à une autre qui ne porte que des costumes et des chaussures de dernier cri? Tous ses voisins et amis le connaissent, mais sans connaître le secret de ce changement brusque et inattendu. Toutefois, les enquêteurs étaient convaincus que la réponse à ces questions ne justifie pas son interrogatoire et son arrestation. Ils devaient avoir des preuves tangibles qui le mettent en cause. Sinon, ils restent sur ses traces jusqu'au point qu'ils mettent la main sur tous les renseignements qui le concernent. C'est une décision sans recours pour eux. D'un jour à l'autre, quelques nouvelles informations commencent à se réunir chez les enquêteurs. D'abord, ils sont arrivés à savoir qu'il se rendait d'une fois à l'autre au service de « Western Union » pour recevoir d'importantes sommes d'argent. Qui les lui envoyait ? L'enquête policière a révélé qu'il les recevait d'un professeur-chercheur français, installé en France. Ce dernier enseignait à la faculté d'Oujda avant d'avoir regagné son pays d'origine. Pourquoi lui envoie-t-il autant d'argent? C'est la question qui est restée une énigme pour les enquêteurs. Au fil des investigations, les limiers ont remarqué par ailleurs que Rachid fréquentait souvent une villa située à la route de Sidi Yahia. Ce local très spacieux appartient à un sexagénaire, en retraite, qui était un ressortissant marocain en Belgique. D'abord, tous les éléments de sa famille se trouvent dans ce pays européen. C'est la raison pour laquelle, il s'y trouve seul, sans compagnie de sa femme ni de ses enfants. Toutefois, quelques adolescents lui rendent visite d'une fois à l'autre et Rachid n'hésitait pas parfois de se rendre chez lui en compagnie surtout de jeunes filles. Alerté, le procureur du Roi a donné ses instructions aux enquêteurs d'effectuer une descente dans la villa en question. Ils sont arrivés à mettre la main sur le sexagénaire en retraite. Il s'appelle Ahmed, âgé de soixante-sept ans, homosexuel. Une perquisition de la villa leur a permis de saisir des cassettes-vidéo et des magazines pornographiques, plusieurs documents administratifs et des photos d'identité appartenant à des jeunes filles. Ils ont saisi également un fusil de chasse, vingt-cinq cartouches détenues sans autorisation, cinq faux cachets, une petite caméra-vidéo cachée sans attirer l'intention de personne. Qu'est-ce qu'il en fait ? Ahmed a nié avoir entretenu des relations homo avec des adolescents, ni les avoir filmés. Il a nié également avoir promis aux jeunes filles de les aider à émigrer vers l'Eldorado en leur falsifiant les documents nécessaires pour obtenir un visa. Et le réseau de la traite des blanches ? Il a nié en avoir la moindre idée. A propos de Rachid, Ahmed a expliqué aux enquêteurs qu'il était son ami qui lui rendait de temps en temps visite en compagnie de ses amantes. Arrêté, Rachid a nié avoir une relation avec un réseau de traite des blanches, ni avec des faussaires de visas ou d'autres documents administratifs. Et sa relation avec le professeur-chercheur français qui lui envoie des sommes d'argent ? «Ce n'est qu'un ami qui m'aide de temps en temps financièrement», précise-t-il aux enquêteurs. Seulement, ces derniers ne l'ont pas cru surtout que plusieurs présomptions confirment leurs accusations et leur implication au moins dans des opérations d'assistance des rêveuses de l'Eldorado en leur permettant d'avoir des visas par de faux documents. C'est la raison pour laquelle, Rachid et Ahmed ont été traduits enfin devant la justice, poursuivis pour escroquerie, homosexualité, importation de cassettes-vidéo et magazines pornographiques, faux et usage de faux, détention d'arme à feu sans autorisation et débauche. Alors que d'autres personnes, dont le professeur-chercheur français, font l'objet d'une note de recherche.