Le Code du travail doit être réformé. C'est en tout cas ce que semblent penser les participants au colloque national qui a démarré hier, lundi, à Rabat, dédié à l'étude et l'évaluation du Code du travail, 10 ans après le début de son application. Organisé sous le thème «Le Code du travail entre les exigences du développement économique et la garantie du travail décent», le colloque a connu, en plus du ministre de l'emploi et des affaires sociales Abdeslam Seddiki, hôte de l'évènement, la participation de plusieurs membres de l'Exécutif dont notamment le ministre de la justice et des libertés Mustapha Ramid, et le ministre d'Etat Abdellah Baha. Plusieurs acteurs concernés par la question ont également pris part à cette rencontre, notamment Nizar Baraka, président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Driss El Yazami, président du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), ainsi que l'ensemble des représentants des principales centrales syndicales du Royaume et de l'Organisation internationale du travail (OIT) en Afrique du Nord. «Le Code du travail doit être réévalué à la lumière de la nouvelle Constitution, notamment ce qu'il renferme concernant le travail syndical», le constat relevé par le ministre d'Etat Abdellah Baha est sans appel. La nécessité de réformer ce code était, en effet, au cœur des interventions des participants et semblait faire l'unanimité. Dans son allocution d'ouverture, Abdeslam Seddiki a ainsi mis en avant l'importance de remettre en question une partie des mesures contenues dans le Code du travail. Selon le ministre de l'emploi, les changements et les avancées qu'a connus le Maroc depuis 2004, mais aussi les diverses conventions internationales auxquelles il s'est engagé durant cette période, soulèvent des interrogations quant à l'adéquation du texte législatif de référence avec les pratiques actuelles. Le ministre a également souligné que ce code est garant de l'équilibre entre les travailleurs et le patronat. «L'enjeu est toujours de garantir de bonnes conditions de travail pour les salariés tout en assurant la compétitivité des entreprises», a-t-il expliqué. De manière générale, l'idée qu'inspiraient les diverses interventions était que le Code du travail était un engagement collectif qui nécessite l'implication de plusieurs départements. Si Nizar Baraka a tenu à énumérer les projets de lois soumis au CESE concernant la justice du travail, Mustapha Ramid a, quant à lui, rappelé l'institutionnalisation des relations entre le ministère de la justice et celui de l'emploi en 2013 qui a facilité depuis le traitement des dossiers nécessitant la collaboration des deux départements. Driss El Yazami a, quant à lui, souligné que le CNDH suivait de près tout ce qui se rapporte aux droits des travailleurs «…particulièrement en ce qui concerne les libertés syndicales, le droit à la grève et l'encouragement des négociations collectives». Le président du CNDH a également rappelé le contenu du rapport présenté par le conseil en juin dernier, qui appelait à accélérer la ratification de la convention n°87 relative à la liberté syndicale et à suspendre l'article 288 du code pénal qui punit l'atteinte à la liberté de travailler. Si la nécessité de changement semble être unanime, l'approche collaborative est sans aucun doute l'unique issue. Ce colloque qui comprendra plusieurs ateliers étalés sur deux jours et touchant à la quasi-totalité des textes compris dans le Code du travail devra être le premier pas vers la réforme. Ces travaux aboutiront à une série de recommandations qui devraient enclencher le processus de réforme du code. Code du travail: Les syndicats veulent du concret Les interventions des représentants des syndicats lors du colloque national semblaient converger vers la nécessité de garantir la mise en œuvre du Code du travail. Le secrétaire général de l'Union marocaine du travail (UMT), Miloudi Moukharik, a estimé que c'était là le plus grand obstacle à surmonter. «Le plus grand problème de ce code c'est son application. Nous faisons d'abord face au secteur informel où il n'y a ni SMIC ni couverture sociale et qui fonctionnent comme si nous vivions au 16ème siècle. Et puis il y a les entreprises du secteur formel qui n'appliquent tout simplement pas le Code du travail». Moukharik a tenu à souligner à cet égard que les chiffres fournis par le ministère de l'emploi attestent que 63,7% des grèves étaient le résultat d'un non-respect du Code du travail. S'exprimant au nom de la Confédération démocratique du travail (CDT), Allal Belarbi a, de son côté, assuré que cette évaluation du code n'aurait aucune valeur si, à la base, il n'était pas appliqué. Par ailleurs, les syndicalistes n'ont pas manqué de saisir l'occasion pour se faire entendre. Alors que l'ensemble des centrales syndicales a déploré l'arrêt du dialogue social, Abdelhamid Fatihi, secrétaire général de la Fédération démocratique du travail (FDT), a dénoncé les mesures prises par le gouvernement «Nous parlons de Code du travail alors que le gouvernement a fait passer un décret-loi qui retient les enseignants-chercheurs après l'âge de la retraite et a soumis au CESE une réforme des retraites qui met en péril les droits des travailleurs». La grande histoire du Code du travail L'évaluation de 10 ans d'application du Code du travail était également l'occasion de revenir sur le processus d'adoption de celui-ci. Mustapha Ramid a ainsi évoqué le long combat qui a abouti à l'adoption de ce code en 2003, soulignant l'approche collaborative et inclusive adoptée durant ce processus. Ce n'est pas sans une pointe de nostalgie que Miloudi Moukharik, secrétaire général de l'UMT, s'est, lui aussi, remémoré la «grande histoire de ce code». Rappelant que l'idée de rassembler les divers textes relatifs au travail était apparue vers les années 70, Moukharik a expliqué que les syndicats avaient continuellement refusé des projets de code pendant près de 30 ans parce qu'ils portaient atteinte aux droits des travailleurs «… jusqu'à l'arrivée de Driss Jettou à la tête du gouvernement, un homme qui croyait au dialogue et qui a intégré les syndicats dans ce chantier». Le texte avait alors vu le jour, gardant un équilibre des plus fragiles. Mustapha Ramid, alors député, se rappelle que «le texte était tellement sensible que lorsqu'il nous a été remis, nous n'y avons absolument pas touché».