«La culture des droits de l'Homme n'est pas encore ancrée dans l'entreprise marocaine. Nombreuses sont celles qui ne respectent même pas le salaire minimum et encore moins le droit à la vie et les libertés syndicales. Plusieurs de nos militants subissent des pressions au sein des entreprises. Ils sont même poursuivis en justice. Certains ont été emprisonnés pour avoir exercé leur droit syndical. Le droit de manifester et de protester fait partie des droits fondamentaux de l'Homme ». Ce sont les propos de Miloudi Moukharik, secrétaire général de l'UMT (Union marocaine du travail), qui s'exprimait lors du séminaire national sur les droits de l'Homme et les entreprises au Maroc, organisé hier mardi 5 février à Casablanca par le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) et la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). «La grève fait partie des libertés syndicales. Cependant, l'article 288 du code pénal prévoit des sanctions à l'encontre des grévistes. Nous avons depuis des années réclamé la suppression de cet article. Certes, nous avons reçu des promesses de la part du gouvernement, toutefois rien n'a été concrétisé », déplore le secrétaire général de l'UMT. L'article 288 du code pénal prévoit en effet des sanctions contre ceux qui par leur attitude empêchent le bon déroulement du travail. «Est puni de l'emprisonnement d'un mois à deux ans et d'une amende de 200 à 5 000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque, à l'aide de violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, a amené ou maintenu, tenté d'amener ou de maintenir, une cessation concertée du travail, dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail. Lorsque les violences, voies de fait, menaces ou manœuvres ont été commises par suite d'un plan concerté, les coupables peuvent être frappés de l'interdiction de séjour pour une durée de deux à cinq ans ». «Garantir des conditions dignesde travail» La formulation juridique de cette disposition est contestée par les centrales syndicales car elle introduit un flou juridique, qui profite aux entreprises. Nombreuses sont celles qui ont attaqué en justice leurs employés pour leur action syndicale. Miloudi Moukharik a insisté, dans son intervention, sur la nécessité du respect du droit à la négociation collective. « La négociation collective a pour objectif d'améliorer les conditions de travail des employés et leur garantir ainsi des conditions dignes », renchérit-il. Même son de cloche chez la CDT (Confédération démocratique du travail), l'UGTM (Union générale des travailleurs du Maroc) et la FDT (Fédération démocratique du travail). Les centrales syndicales étaient unanimes à exiger le respect des droits de l'Homme par l'entreprise. Pour eux, la problématique ne se pose pas au niveau de la législation. Les lois existent toutefois, elles ne sont pas appliquées, regrettent les centrales syndicales. Pour Salaheddine Kadmiri, vice-président général de la CGEM, l'entreprise marocaine est citoyenne. Il rappelle à ce sujet le « Pacte social pour une compétitivité durable et un travail décent », signé par les centrales syndicales. M. Kadmiri pointe du doigt l'informel. « Il faut lutter contre le secteur informel où les droits de l'Homme sont bafoués », souligne-t'il dans une déclaration au Soir échos. Par ailleurs, le séminaire, inauguré par Driss El Yazami, président du CNDH et auquel a pris part le ministre de l'Emploi, Abdelouahed Souhail, a été l'occasion de débattre des principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'Homme adoptés par le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies. Ce sont des obligations qui incombent aux Etats et aux entreprises de les respecter. Il s'agit du devoir de l'Etat de protéger ses citoyens contre toute violation des droits de l'Homme commise par les entreprises. L'Etat doit donc mettre en œuvre les lois et les mesures nécessaires à cet effet. Les entreprises sont tenues d'appliquer ces lois et de respecter les droits de l'Homme. Il est également du devoir de l'Etat de faciliter l'accès aux victimes de violation de droits de l'Homme aux différentes voies de recours.