Au loin, très loin, aussi loin que porte le regard, un immense nuage noir s'élève dans le ciel, poussé par des flammes géantes. L'horizon s'obscurcit rapidement. Le bruit assourdissant d'une monstrueuse déflagration nous parvient comme le roulement du tonnerre après l'éclat des éclairs. Le nuage se dirige vers nous à grande vitesse tout en continuant à s'élever. De ma terrasse, je vois ce spectacle terrifiant. Mon cœur bat la chamade. Autour de moi, les miens sont épouvantés, leurs yeux exorbités. Paniqués, nous cherchons un refuge. Comme la cabane en paille du petit cochon et le méchant loup, notre maison est bien fragile devant les masses noires. Leurs ténèbres enflammées vont bientôt nous engloutir. La fin est venue… la fin du monde. Je m'en remets au Seigneur et… finis par me réveiller ! Ouf ! C'était un cauchemar ! Quel bonheur de retrouver le monde réel ! Je tourne la radio. Les nouvelles s'enchaînent. La bande de Gaza a vécu une nouvelle nuit d'intenses bombardements. Entre le 8 juillet et le 4 août 2014, le carnage s'élève à près de 2.000 morts, des milliers de maisons et des dizaines d'écoles détruites, et une économie au tapis un peu plus ruinée. Hôpital de Gaza, des familles entières décimées. Des enfants sont morts sous les bombes et des milliers de gens piégés dans une étroite Bande de terre entre blindés, avions, navires militaires et drones. «Je condamne dans les termes les plus fermes cette grave violation du droit international par les forces israéliennes», a déclaré Pierre Krähenbühl, chef de l'UNWRA*, après un tir qui a tué 16 Palestiniens dans une de ses écoles. Un génocide est perpétré pendant que le monde regarde ailleurs. La tragédie ne suscite ni indignation, ni compassion. Pas même chez ceux proches des Palestiniens par la langue, la religion, l'histoire. Certains, prompts à parler d'autodétermination pour défendre des peuples fantômes, restent silencieux devant le massacre de Gaza. Instructif. Comment célébrer dès lors l'Aïd al Fitr lorsque toute une population est piégée dans quelques kilomètres sous une pluie de bombes? Comment vaquer au quotidien devant les horreurs commises au grand jour? Comment ne rien faire pour la Palestine.... cette injustice originelle de l'humanité ? Crash du MH17 : on se bat à quelques kilomètres du lieu du crash. Un cimetière à ciel ouvert. 300 cadavres gisent à l'air libre. En quelques mois, le malheur a frappé de nouveau la belle Malaisie et plongé son peuple attachant dans le deuil. Je suis triste pour mes amis malaysiens. Accablant. Tour de France : les cyclistes observent une minute de silence au départ de la 13ème étape en mémoire des victimes du vol MH17. L'équipe Belkin arbore un brassard noir en hommage aux victimes néerlandaises. Pas une pensée pour les enfants de Gaza. Edifiant. Ukraine-Russie : l'Europe a été historiquement le terreau des déflagrations mondiales. Sommes-nous aux portes du 3ème conflit planétaire… et peut-être la fin du monde ? Inquiétant. L'Occident resserre ses sanctions autour de la Russie. Toujours rien contre Israël ! Ahurissant. Syrie-Irak : la région sombre dans le chaos. Merci à tous ceux qui ont cuisiné cette tambouille. Ceux à la recherche d'armes de destruction massive, et les allumeurs d'incendies religieux. Eclairant. Je ferme la radio et ouvre le journal. Une femme a tué son mari à coups de couteaux pendant qu'il dormait. Fatiguée d'être maltraitée. Un avocat pousse sa fille de 6 ans à tuer sa mère. Paniquée, la petite fille avoue que son père la violait. Un homme est tué par un coup de couteau à la gorge pour avoir demandé que cesse le tapage nocturne au bas de son immeuble. Ecœurant. Trois immeubles s'écroulent à Casablanca. 23 morts et des dizaines de blessés. D'autres bâtiments s'étaient déjà effondrés. D'autres suivront. Rien de nouveau à l'ouest. Affligeant. Un président de commune pris en flagrant délit d'arnaque. De hauts responsables se partagent le gâteau des plages de sable fin à des prix dérisoires. Un ancien des renseignements généraux éclabousse des figures de la politique nationale. Déprimant. La page du quotidien rapporte une quinzaine d'autres faits aussi dégoûtants qu'abominables. Le journal comporte une vingtaine de pages. Cela fait une bonne centaine d'affaires judicaires par jour. Soit plus de 3.000 dossiers en un an. Sans parler de ceux qui ne trouvent pas le chemin des journaux. Pauvre justice. J'abandonne la lecture du journal. Je rouvre la radio. Dimanche 3 août, une école gérée par l'ONU, dans laquelle plusieurs femmes avec leurs enfants avaient trouvé refuge, a été détruite. Une étape morale a été franchie avec cette sixième attaque. «Nous condamnons très fortement cet acte. Nous trouvons inacceptable que des civils qui se trouvent dans une école des Nations Unies trouvent la mort, parmi lesquels beaucoup d'enfants». Dixit Salvatore Lombardo, responsable de la communication de l'UNRWA. Désespérant. Je n'en peux plus. Je referme la radio. Je retourne au lit, me fourre sous les draps. Je reprends mon rêve du nuage noir. Je m'y sens mieux que dans la réalité. * Agence de l'ONU pour l'Aide aux réfugiés palestiniens