A 53 ans, le chanteur et acteur marocain Younès Megri ne semble pas avoir pris une ride depuis les années 1970 où sa musique était sur toutes les lèvres. Sa vie remplie et sa carrière qui l'a mené jusqu'à l'Olympia n'ont en rien entamé de sa fraîcheur, ni de son engagement. Portrait. A le voir, l'homme ne semble avoir pris que peu, ou pas, de rides depuis ses premières sorties, aussi remarquables que remarquées, dans les années 1960 et 1970. Une image de cette éternelle jeunesse que tout le monde cherche vainement à cultiver, sauf lui. Elle lui colle et il n'y peut rien. Le regard est profond, le tempérament calme, avec un air d'insouciance, de rêverie, qui ajoute à son charisme. La voix suave, le talent est bien là, la sensibilité aussi. Le tout doublé d'un charme naturel qui se dégage de lui. C'est dire qu'il avait tous les moyens pour réussir. Ce sera chose faite. Pour Younès Megri, celui dont la simple évocation du nom renvoie directement aux années de gloire de la chanson marocaine «moderne», la musique est une affaire de famille. «Mes débuts dans la musique se sont faits de la manière la plus simple. Mon père était musicien, ma mère était chanteuse de Amdah. Mes frères et ma sœur faisaient de la musique. J'ai tout simplement grandi dans un monde de musique », déclare-t-il. Baignant depuis son plus jeune âge dans un univers dédié presque totalement à la chose musicale, Younès Megri semble ne pas avoir eu le choix. Il est né pour chanter, pour jouer. Il en garde même quelques souvenirs. «Mes parents voulaient d'abord que je termine mes études. Moi, je n'avais d'yeux que pour la musique. Cela m'a valu bien des résistances», dit celui qui se souvient avec un enthousiasme encore vivace des belles années de la musique marocaine, à la fin des années 1960. «Il y avait une sorte de renaissance identitaire à l'époque. La musique giclait de partout et partout dans le monde. Au Maroc, le temps était à l'ouverture après l'indépendance. Aussi bien la jeune génération de musiciens que le public étaient en quête de renouveau. On était alors submergés de musique arabe venue d'Orient. On recherchait une soupape. Cela avait commencé avec des groupes comme Nass El Ghiwan et Jil Jilala. Et nous avons pris le relais», se souvient Younès Megri. Un relais assuré par des titres aussi légendaires que modernes, tels que Ya M'raya, Anti Al Sabab, Ya ma, Mesquine, Lili Touil et d'autres encore qui font un véritable tabac. Les fans se comptaient, et se comptent toujours, par milliers. Fredonnez le classique, increvable, Di-ram-dam, de la famille Megri (Hassan, Mahmoud, Jalila et Younès), devant l'un d'eux et vous verrez. Certains vous en voudront, tellement la simple allusion à Younès ou à la famille Megri, éveille tant de souvenirs de que l'on peut appeler la belle époque, version marocaine. «Le temps était à l'ouverture et à la confiance mutuelle, au niveau mondial. Il n'y avait pas autant de restrictions et d'obsessions sécuritaires que maintenant. Ce temps là est révolu», regrette Younès. Un temps où les tournées au Maghreb et en Europe, avec un passage à l'Olympia, se suivent et ne se ressemblent pas. En 1971 le jeune musicien se distingue dans un concours de chant pour jeunes et signe un contrat avec Polydor. Son album obtient le disque d'Or dans les pays du Maghreb, le Liban, l'Iraq, la France et la Belgique. Lili Touil fait à l'époque l'objet de plus d'une opération de piratage. La plus connue est sans doute celle des Bonney.M. Une affaire réglée puisque Younès a eu gain de cause auprès des tribunaux de Paris. Mais le chanteur n'est pas au bout de ses peines. Aujourd'hui encore, le même Lili Touil a été repris, illégalement, par, tenez-vous bien, Cheb Mami, qui en a fait le thème principal d'un film français. Younès Megri ne compte pas se laisser faire. Une procédure est d'ores et déjà lancée. Passant d'un succès musical à l'autre, Younès Megri s'intéresse également au cinéma, une aspiration longtemps caressée par l'artiste. «Le passage s'est fait en douceur, à travers les musiques de films que je composais. C'est là que j'ai découvert un monde que je voulais tellement explorer. Mon objectif est de pouvoir m'exprimer, quelle que soit la forme». Ses interprétations dans le cinéma marocain n'ont également pas manqué de brio. A commencer par son rôle dans Rakkas Lakhal (noir messager), de Chakib Ben Omar. Un premier rôle suivi de plusieurs autres, dont Lan aoud (je ne reviendrai pas), de Farida Bourkia, Brahim Yach, de Nabil Lahlou, Septième parchemin, de Steven Kool, Histoire de femme, de Hakim Noury et Ali, Rabia et les autres, d'Ahmed Boulane. Et c'est dans ce dernier que l'acteur démontre l'étendue de son talent. Pour cela, il aura suffi qu'il se remémore ses propres souvenirs, sa propre histoire. Le musicien en lui n'en est pas éteint pour autant. D'ailleurs, parler du présent et de l'avenir de la musique au Maroc revient à réveiller des démons contre lesquels Younès ne cesse de lutter. Pour lui, deux phénomènes ont participé à réduire toute chance d'avoir une musique moderne de qualité au Maroc : «Les soirées privées auxquelles certains, voire beaucoup, de nos artistes se donnaient à cœur joie et le piratage. La qualité, en continuelle décadence, en a été la grande victime», explique-t-il. Deux raisons auxquelles s'ajoute une autre, celle du manque d'encouragement. «Nous avons des chaînes qui ne supportent pas la musique marocaine. Comment voulez-vous que cette dernière puisse s'imposer, ou ne serait-ce que se faire connaître», s'interroge-t-il, un brin en colère, mais toujours confiant. Pour lui, c'est un éternel combat. A 53 ans, celui qui trouve refuge dans le contact de la nature continue aussi bien par son travail sur les musiques de films que par son engament et ses positions fermes. Des positions qui semblent être, encore une fois, de famille.