«Parce que la tension sociale reste ouverte sur toutes les possibilités, les syndicats demandent l'ouverture d'un dialogue responsable et l'annonce de ses résultats courant mars». Ce passage est extrait du mémorandum adressé par l'UMT (Union marocaine de travail), la FDT (Fédération démocratique du travail) et la CDT (Confédération démocratique du travail) au chef de gouvernement. Le ton est donc monté d'un cran entre les trois syndicats et le chef de l'Exécutif. Ce dernier se voit sommé par les syndicats de trancher une cinquantaine de revendications contenues dans le mémorandum dans un délai d'un mois. «Il est désolant que la situation sociale actuelle dans notre pays soit marquée notamment par les décisions unilatéralistes concernant les caisses de retraite et la compensation, le gel des salaires et les hausses répétées des prix ainsi que les atteintes scandaleuses aux dispositions du code du travail», lit-on dans le document signé par les trois centrales syndicales. La liste des doléances de celles-ci est longue. Elle va de «la fermeture injustifiée des unités de production» au «gel du dialogue social et l'annulation des engagements précédents» en passant par «l'absence de mécanismes pour résoudre les conflits collectifs de travail ainsi que les tentatives dissimulées pour légiférer dans des domaines qui concernent directement les syndicats avec comme exemple la loi organique relative à la grève préparée clandestinement par le gouvernement». C'est pour toutes ces raisons que les trois syndicats demandent l'ouverture immédiate d'un dialogue tripartite entre le gouvernement, les syndicats et le patronat pour restaurer la confiance. Si la liste des doléances des syndicalistes est longue, celle des revendications est encore beaucoup plus allongée avec pas moins de 53 points, répartis dans six axes. Le premier compte un seul et unique point relatif à la mise en œuvre des engagements toujours en suspens de l'accord du 26 avril 2011. Le deuxième axe a été réservé à l'amélioration des salaires et revenus. Le trio syndical revendique ainsi de nouvelles mesures fiscales en faveur des travailleurs et une révision de la grille des salaires dans la fonction publique. Le troisième axe concerne, quant à lui, la protection sociale, notamment avec l'obligation généralisée de la déclaration des salariés du privé à la CNSS (Caisse nationale de sécurité sociale) et l'amélioration des prestations fournies par les caisses sociales. Le quatrième axe du mémorandum est relatif à la législation sociale et les relations professionnelles. Les revendications des syndicats dans cet axe concernent notamment la mise en œuvre de plusieurs dispositions contenues dans le code du travail de 2004. Les deux derniers axes ont été consacrés respectivement à des revendications sectorielles et aux libertés syndicales. Le dialogue social devra porter sur tous ces points mais la mission s'annonce déjà difficile. Certaines revendications nécessitent un grand effort financier de la part du gouvernement. La situation est d'autant plus compliquée que l'Exécutif ne dispose plus de beaucoup de temps à deux mois du 1er mai. La fête du travail s'annonce déjà très chaude. Protection sociale Si la généralisation des déclarations à la CNSS des salariés du privé est un classique des revendications syndicales, l'UMT, la FDT et la CDT demandent cette fois-ci de réformer le système d'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles pour couvrir tous les fonctionnaires du public ainsi que les salariés du privé. Les syndicats préconisent également la création d'une assurance solidaire et mutuelle «pour mettre un terme au monopole des sociétés d'assurance dans ce secteur». Les revendications portent dans ce volet par ailleurs sur l'élargissement de la liste des maladies professionnelles et la révision du panier des prestations couvertes par l'Assurance maladie obligatoire (AMO). S'agissant de la réforme des retraites, le trio syndical demande la révision de l'approche purement «technique et comptable» adoptée par l'Exécutif en réactivant les travaux de la commission technique et la commission nationale de la réforme des systèmes de retraite. Enfin, les syndicats veulent le retrait pur et simple du projet du code de la mutualité qui devra faire l'objet de négociations entre les syndicats et le gouvernement. Amélioration des revenus Les syndicats ont demandé une hausse généralisée des salaires. Ils ont également revendiqué la revalorisation du salaire minimum ou le Smig sans pour autant fixer le montant de cette hausse. Les syndicats veulent en outre unifier les salaires minimums en industrie et dans les activités agricoles. Parmi les revendications concernant ce volet, il y a également l'activation de l'échelle mobile des salaires et l'élaboration d'une nouvelle politique fiscale pour plus d'équité avec une baisse de l'impôt sur le revenu ainsi que la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée). Les demandes des centrales ont porté par ailleurs sur le placement des fonds de caisses sociales dans des projets immobiliers et de loisirs à prix modérés. Les syndicalistes proposent également au gouvernement de baisser les tarifs de l'eau, de l'électricité et du transport à travers l'élaboration d'une politique tarifaire sur la base des conditions sociales de la majorité des salariés. Législation du travail Les syndicats demandent au gouvernement de contrôler par le biais des inspections du travail le secteur informel. Dans ce sens, il a été préconisé de fournir aux inspections du travail les moyens humains, matériels et juridiques nécessaires pour mieux s'acquitter de leurs missions de contrôle. Les centrales syndicales revendiquent, en outre, l'adoption de conventions collectives au niveau des entreprises et par secteur en application des dispositions en la matière du code du travail. La lutte contre la précarité au travail, notamment les contrats temporaires, figure également dans la liste des revendications. il a également été proposé de mettre en place une magistrature sociale spécialisée ainsi que la mise en application des jugements en faveur des fonctionnaires et salariés avec la création d'une assurance spéciale leur permettant de percevoir leurs indemnités en cas de faillite. Par ailleurs, il a été demandé de mettre en œuvre les commissions provinciales et nationales de réconciliation ainsi que l'activation de l'instance d'arbitrage et le conseil de la médecine du travail. Enfin, les syndicats veulent être associés aux conseils d'administration des établissements publics et toutes les caisses sociales.