Ce livre est à la fois un livre de confessions, de convictions et d'aspirations. Le titre, d'abord : De l'autre côté du soleil, c'est une manière de dire, autant pour le militant que l'homme –Ahmed Ghayet– qu'il a fait le choix de vivre et de se rendre là où d'autres, ni ne vivent, ni ne vont. ll y a donc, dans ce titre qui est une métaphore de l'espace et de la lumière, un désir fort de désigner sa place, pour signifier le lieu d'où il parle. Premier aspect du livre, il appartient à la catégorie des topographies personnelles. A partir de là, le propos peut découler dans toute sa cohérence. Et cette cohérence, c'est celle que prend la parole à la fois libre et mesurée, d'une sorte de militant d'un genre nouveau. Un militant sans ressentiment, désireux d'obtenir des résultats, sans se faire nécessairement d'ennemis : c'est là la marque de fabrique d'Ahmed Ghayet. Pourtant, ce qui crée, chez Ahmed Ghayet, le désir de s'engager c'est la violence et la haine que paieront, de leur vie, de jeunes arabes. Mais, de la peine et de l'injustice vécues, naîtra un parcours qui se signifie d'abord par une forte envie de faire que les beurs soient reconnus, mais aussi que les beurs puissent changer, bouger, se transformer. Sortir d'eux-mêmes ? Cela explique probablement son parcours d'homme de la conciliation et du dialogue, - position non polémique, cette position a ses racines dans cette sorte d'abnégation qui est la sienne. Celle de ces marathoniens du travail social, quand l'époque aime les sprinters et ne néglige pas de porter aux nues les lutteurs volages. Une fois n'est pas coutume, -ce livre est l'occasion pour Ahmed Ghayet de dire un peu leur fait à ces derniers… Un jour,- après cinq années comme conseiller, Ahmed Ghayet rentre au Maroc, porté par le désir de mettre une expérience rare et unique en son genre au service d'une jeunesse chez laquelle il perçoit des similitudes avec celle qu'il a vécue, et connue, là-bas, en France. C'est l'occasion pour Ahmed Ghayet d'évoquer les raisons qui l'ont fait rentrer au pays. Il évoque là son rapport à la Monarchie, depuis sa rencontre avec Feu Sa Majesté le Roi Hassan II. Et lorsqu'il évoque Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Ahmed Ghayet parle du Roi «au supplément d'âme». Alors Ahmed Ghayet fait un diagnostic à la fois simple et très réaliste : la jeunesse marocaine n'a de place ni dans l'agenda des politiques ni dans celui des élus. Si elle est l'avenir du pays, peu s'en soucient. Et ce constat, amer, il le fait presque quinze ans avant que la jeunesse ne devienne, après les Printemps arabes, la préoccupation de nos responsables. De là naîtra le Réseau Maillage, ce réseau qui aura pour but de sortir les jeunes des quartiers défavorisés de l'ombre et de la relégation. Une parenthèse s'impose d'ailleurs, avec l'évocation, par Ahmed Ghayet, des événements du 16 mai 2003, et de l'invention de Matqich Bladi, avec d'autres, qu'il cite. Et s'il crée Marocains Pluriels, cette association qui voit le jour en 2009, c'est comme pour faire exister, ensemble, plusieurs combats : celui du social comme seule urgence politique, celui du travail identitaire, comme moyen et comme fins : nécessité, donc, de remettre cette identité, la nôtre, Musulmane, Juive, Chrétienne, Berbère, Arabe, - Française par l'Histoire, sur le métier, comme on le ferait d'un ouvrage précieux mais fragile. Le Café Politis s'inscrira dans le prolongement de ce travail identitaire comme la nécessité de redonner la parole aux jeunes, qu'il convient désormais de considérer comme le vivier des élites de demain. Prises de paroles, débats, ouverture de nouvelles brèches, évocation de sujets tabous, le Café Politis est devenu le rendez-vous incontournable d'une jeunesse désireuse de s'exprimer mais aussi de construire. Et demain ? Continuer, aller plus loin encore, croire en cette jeunesse, croire aux forces vives de ce pays, leur donner la possibilité de dire leurs aspirations, leur vérité, contre les nihilistes et ceux qui ne font rien. Le dernier chapitre évoque avec le sens de l'espoir et de la précision, la place des jeunes, acteurs culturels, associatifs, artistes, tous les talents de notre pays. La force de sa jeunesse. Le livre s'achève sur cette aspiration. Par Driss Jaydane