Rachid Raha est un militant associatif, président de la Fondation Montgomry Hart des études amazighs, revient sur la couverture télévisée du séisme ainsi que sur le comportement du gouvernement par la même occasion. Entretien. ALM : Comment la population d'Al Hoceima a vécu les premières heures après la catastrophe ? Rachid Raha : C'était le chaos. Un choc pour les gens que les secousses ont fait sortir de leurs lits. Une fois dehors, avec la coupure de l'électricité, entre la panique, le désarroi et l'obscurité totale, les populations ne savaient plus où donner de la tête. Même avec l'expérience du séisme qui a frappé la région en 1995 avec un degré de 5,4, la panique fut énorme. Une situation des plus dures puisque la région semblait sombrer dans un abandon total, avant l'arrivée des premiers secours. Ce séisme a mis à nu les prétentions relatives au désenclavement des régions éloignées et au développement rural. Pas de piste ni d'accès à plusieurs recoins des plus atteints par le sinistre. Déjà les inondations étaient venues à bout du pont qui reliait la région d'Al Hoceima à celle de Nador. Deux parties de la même région coupées malgré leur destin commun à cause de la disparition d'un pont. Dans la banlieue, où les constructions sont primitives, les habitations se sont affalées comme un château de cartes. Comment les gens ont jugé la couverture de la catastrophe par les deux chaînes de télévision nationale ? Je suis désolé de dire que les télévisions nationales n'ont pas été à la hauteur. Elles n'ont pas traité la question comme il le fallait. Toutes les deux sont tombées dans l'amateurisme en commettant l'erreur de se concentrer uniquement sur Imzouren. Les caméras ont oublié le reste de la région car le sinistre a frappé sur un rayon de plus de quarante kilomètres. Des gens abandonnés pendant près de trois jours sans que ces télés ne s'en approchent, pour retransmettre le drame dans sa vraie ampleur, surtout que les habitants de ces régions ont souffert encore plus. La télé suivait les officiels sans se préoccuper des associations locales qui étaient les premières à être mobilisées et qui essayaient tant bien que mal de calmer les esprits en portant les premiers secours et en distribuant les premières aides en nourriture à ces zones isolées. En d'autres termes, la télévision était ailleurs. Nos résidents à l'étranger, notamment ceux issus de la région et qui ont de la famille là-bas, étaient collés à l'écran guettant la moindre information sur les deux chaînes nationales. Leur déception était énorme quand ils ont vu que les programmes suivaient leur cours normal comme si de rien n'était. Il y avait une soirée musicale (Assahra) et des feuilletons mexicains. Et au niveau du gouvernement ? Il était absent. Plus longtemps que l'on puisse imaginer. Un retard qui a coûté davantage de souffrances aux sinistrés que la Fondation Mohamed V, à elle seule, ne pouvait atténuer malgré sa présence en temps voulu. Les gens du gouvernement auraient dû visiter toutes les zones sinistrées et non seulement Al Hoceima et Imzouren. Car des familles entières ont été décimées sous les décombres d'habitations de fortune isolées. Les statistiques demeurent incertaines, car, justement à cause du retard, certaines familles ont vite fait d'enterrer les leurs dans les régions un peu éloignées, alors que les comptes des victimes se faisaient uniquement à la morgue et aux frigos du port. Et même quand les secours sont arrivés, la distribution a beaucoup traîné, contrairement aux déclarations du gouvernement à travers son porte-parole, le ministre de la Communication.