Abdelaziz Adnane, directeur de la CNOPS, travaille d'arrache-pied avec certaines structures de soins et d'hospitalisation pour préparer la fermeture de la pharmacie fin 2013. Tous les scénarios sont coûteux car, selon la CNOPS, les prix et les marges des médicaments sont très chers. Après plusieurs reports, la fermeture de la pharmacie de la CNOPS se précise. Cette centrale d'achat de médicaments coûteux, la première au Maroc avec des achats annuels de l'ordre de 400 millions DH, est hors la loi depuis janvier 2013 puisque le Parlement n'a pas encore rallongé le délai prévu par l'article 44 de la loi 65-00 tel qu'il a été modifié en 2010. Le processus de fermeture d'ici fin 2013 est enclenché, assure-t-on à la CNOPS. «D'abord, nous avons externalisé une partie des médicaments au niveau des CHU. Nous travaillons de concert avec les oncologues et les néphrologues sur un partenariat rénové et sur des pistes concrètes qui vont mettre le médicament coûteux à la portée de nos assurés qui, auparavant, devaient se déplacer à Rabat pour s'en procurer», précise M. Adnane. Des pistes concrètes, il s'agit d'un mécanisme qui a permis aux CHU, depuis avril 2011, les centres d'oncologie depuis avril 2013 et peut-être prochainement les centres de néphrologie de facturer directement à la CNOPS les médicaments coûteux en sus des séances de chimiothérapie pour l'oncologie et en sus des séances de dialyse pour les néphrologues. Le reste des spécialités coûteuses serait acheminé par le biais des pharmaciens d'officine à condition «d'adopter des marges dégressives pour ces médicaments coûteux à l'instar de tous les pays de l'OCDE», clarifie Adnane. Aujourd'hui, plus de 80% des médicaments concernés ne passent plus par la pharmacie de la CNOPS. Le tiers payant à 100% sera maintenu pour les assurés qui recevront leurs médicaments coûteux en lieux d'hospitalisation ou de soins ou au niveau des officines les plus proches si l'accord avec les pharmaciens aboutit. Une perte de 700.000 DH par jour ! Une précision de taille. Il s'agit d'une centaine de médicaments coûteux, essentiellement génériques, dont la liste a été arrêtée avec les oncologues et les néphrologues. Cette liste est plus large que celle adoptée entre les pharmaciens et la CNSS dans le cadre de la Convention nationale (29 médicaments). Seul et grand hic, les prix au niveau de la pharmacie de la CNOPS sont inférieurs deux à trois fois aux prix Hôpital et parfois 5 fois au Prix public au Maroc. «S'aligner sur ces prix en fermant la pharmacie en application de l'article 44 de la loi 65-00 signifie simplement un impact additionnel de 72 millions DH la première année. Sur le niveau macro-AMO, nous perdons à la CNOPS chaque jour 700.000 DH en raison du maintien des prix de toute la liste des médicaments remboursables à leur niveau actuel», martèle Adnane. Le directeur de la CNOPS est effrayé par son poste médicament. 1,2 MMDH de dépenses annuellement en 2012, soit 35 % des dépenses globales, et l'ardoise risque d'être salée puisque la CNOPS s'apprête à accueillir la population concernée par l'article 114 (environ 250.000 personnes essentiellement des retraités et en grande partie atteintes d'affection de longue durée). La décision de rembourser et de prendre en charge les médicaments sur la base légale des prix des génériques a eu l'effet positif de baisser de 10 points la part du poste sur les dépenses globales de la Caisse (45% au démarrage de l'AMO), sans toutefois résoudre la problématique des prix qui, selon Adnane, restent très chers. A la CNOPS, on nous assure que le Marocain paye le médicament plus cher que le Français, l'Allemand, l'Anglais, l'Espagnol et le Tunisien. «Nous sommes devant une économie de rente qui permet à certains d'engranger de superprofits sur le dos de la Collectivité, en tirant profit de la situation actuelle. La plupart des industriels ont la fibre citoyenne, mais un lobby puissant d'industriels veut continuer à vendre les médicaments plus cher aux Marocains». La pharmacie de la CNOPS aura au moins servi d'un comparateur de prix au niveau national et d'un observatoire de leur prix. Des exemples font école au sein de la Caisse. «Nous achetions des médicaments coûteux à 11.500 DH en 2006. Le prix de leur générique a baissé aujourd'hui à 800 DH au niveau de la CNOPS et moins de 300 DH au niveau des appels d'offres du ministère de la santé. Mieux encore, un médicament de cancer est vendu aux Marocains à 20.000 DH, alors que son générique est à 3.500 DH. Même ce générique est cher puisque son prix en France est de 700 DH !» Pour le ministère de la santé qui veut pérenniser l'AMO et le RAMED et accélérer la couverture médicale de base, ces comparaisons sont «déprimantes», mais lui serviront de référence dans le cadre de ses négociations avec les industriels Actuellement, une liste de plus de 200 médicaments dont les prix au Maroc sont supérieurs à ceux de France circule, alors que d'après l'étude BCG, le Marocain fait 40 fois plus d'efforts pour accéder à son médicament. La baisse de 320 médicaments concédée par les industriels au ministre de la santé est d'un impact limité car ils sont soit peu ou jamais prescrits, soit non remboursables par l'Assurance maladie sinon d'un chiffre d'affaires médiocre. «C'est un point de départ», avait-on assuré au ministère. Depuis, silence radio et les négociations semblent s'éterniser… alors que le budget médicament du ministère de la santé ne cesse d'augmenter pour dépasser 2 milliards DH en 2012. Que veut la CNOPS ? «Nous voulons un prix national de référence basé sur les appels d'offres du ministère de la santé, majoré d'un pourcentage ou avec une marge négociée, avec séparation des médicaments à usage hospitalier de ceux à usage ambulatoire et un observatoire public des médicaments accessible à tous les acteurs», affirme Adnane. La CNOPS craint de ne trouver nulle part ailleurs les prix pratiqués au niveau de sa pharmacie qui sera fermée fin 2013. Elle pousse vers une centrale d'achat virtuelle qui fera jouer la concurrence entre les laboratoires en se basant sur les appels d'offres du ministère de la santé comme point de départ. Le prix deviendra national et personne n'y dérogera. Derrière, le médicament coûteux doit être identifié pour ne circuler qu'en milieu hospitalier avec un prix national de référence. Le médicament ambulatoire passera par le circuit habituel mais avec des marges dégressives lissées et une politique de prix plus réactive et plus transparente. Pour l'observatoire public logé au ministère de la santé, l'objectif est d'avoir un successeur à la pharmacie de la CNOPS pour épargner à la Collectivité des aberrations tels l'insuline (PPM à 196 DH et l'appel d'offres du ministère de la santé à 22 DH), le Prevenar (PPM à 900 DH et l'équivalent de 630 DH en France) ou encore le Bromocriptine vendu en officine à 157 DH, contre seulement 65 DH en France, soit une hausse de 140% !!!!! En toile de fond, une politique plus volontariste pour les médicaments génériques ainsi qu'une réévaluation des médicaments remboursables dont certains ont été déremboursés ailleurs ou carrément mis sous surveillance. Mieux encore. Selon le directeur de la CNOPS, si les prix des médicaments sont chers, ceux de la biologie et des dispositifs médicaments, tels les stents nus et actifs, les défibrillateurs, les pacemakers, le sont également. «Les études que nous menons nous font découvrir que le coût de la santé est exorbitant au Maroc, car les intrants sont placés à des niveaux de prix tellement hauts qu'on pourrait aisément nous classer parmi les pays très riches, dont certains, paradoxalement, sont orientés génériques, baisse de prix, rationalisation des dépenses, accessibilité des médicaments coûteux, etc.». Tout un programme vous en convenez !