85% de l'impôt sur les sociétés sont dus aux contributions de seulement 2% des entreprises, 75% de l'impôt sur les revenus proviennent des salaires et une entreprise sur deux déclare un déficit permanent et structurel. C'est à partir de ce constat que les participants aux 2èmes Assises sur la fiscalité perçue comme source de progrès ont décidé d'échanger. Durant deux jours, décideurs économiques et politiques plancheront sur la meilleure réforme du régime fiscal: celle qui saura ménager la chèvre et le chou. Mais pas seulement, a fait remarquer le chef de gouvernement dans son allocution d'ouverture à l'entame des travaux lundi à Skhirat. Pour lui, l'objectif majeur de ce nouveau conclave de l'impôt est de réinstaurer la confiance. De faire en sorte que le versement de l'impôt ne soit plus perçu comme une sanction, mais comme une contribution au développement présent et futur du pays. Comme gage de la bonne foi du gouvernement il a annoncé la fin du prélèvement des arriérés d'impôt par défalcation des comptes bancaires des redevables. C'était une mauvaise décision, a-t-il expliqué, il fallait y mettre fin. Et parce qu'il s'est longuement étendu sur les vertus de la concertation et du partenariat, beaucoup parmi les opérateurs présents ont compris que cette décision de retrait a coûté énormément au gouvernement, comme cela a été le cas pour d'autres mesures édictées à l'emporte-pièce et qui lui ont valu de sévères critiques le lendemain. C'est sans doute pour s'éviter de tels déboires qu'il a tenu à ce que la réforme fiscale participe de l'effort de tous et qu'il a appelé à une espèce de «contrat fiscal» fixant les devoirs et les obligations de chacun. Selon ce projet, au citoyen de payer ses impôts, à l'Etat de dire ce qu'il en fait au service du progrès général de la nation «en investissant dans l'amélioration des prestations sociales, telles que l'éducation, la santé, le logement…», mais pour que les choses aillent dans ce sens, a-t-il ajouté, il faut de l'égalité fiscale, comme l'imposition à proportion des facultés contributives qui ne lèsent pas le citoyen. Outre cette préoccupation, Abdelilah Benkirane a estimé qu'il faut travailler à ramener l'informel dans le giron de la légalité fiscale et à sévir contre l'évasion fiscale. Curieusement, dans la foulée, il a annoncé que les exonérations fiscales représentent un manque à gagner de 36 milliards de dirhams pour les recettes de l'Etat, ce qui représente 4% du PIB. Mais, s'est-il empêché de déclarer comme pour tempérer ses premiers propos, «le gouvernement est une institution qui a plus un rôle politique que comptable et cela lui fait préférer la stabilité à l'accroissement de la richesse, car la stabilité est un acte solidaire». S'il a évoqué certains des thèmes déclinés par son chef de gouvernement, le ministre de l'économie et des finances a surtout émis le vœu de voir émerger à terme une «citoyenneté fiscale» susceptible de rendre le système plus rentable. Il a estimé que ces 2èmes Assises se sont fixé une réforme axée sur les 3 objectifs cardinaux que sont l'équité fiscale, la compétitivité des entreprises et de l'économie, et le retour de la confiance entre le contribuable et l'administration fiscale. Ces lignes directrices, Nizar Baraka les a insérées dans le projet de régionalisation avancée qu'il perçoit comme la nécessité de développer la fiscalité locale et comme volonté d'assurer une meilleure répartition de la pression fiscale. Considérées comme solution aux limites du système marocain, ces deux indications n'ont cependant pas trouvé entièrement gré aux yeux de la ministre déléguée à l'économie et aux finances de la Côte d'Ivoire qui a dit les actions qui ont conduit à l'amélioration de l'efficacité de l'impôt dans son pays. Outre la lutte contre la fraude et l'informel, elle a cité la baisse des taux qui ont ramené la TVA de 20 à 18% et l'impôt sur le revenu de 30 à 20% en moyenne. Outre cet élargissement de l'assiette, elle a cité l'ouverture du système sur l'extérieur au moyen de la signature de conventions internationales telles que celle portant sur la non-double imposition. Nialé Kaba a également estimé que la dotation de l'administration fiscale des moyens humains et techniques nécessaires à l'accomplissement de sa tâche est un des moyens de parvenir à une réforme efficace du système fiscal. Curieusement, si même elle a salué ces Assises comme une contribution insigne à l'amélioration des recettes de l'Etat dans un contexte où l'accès aux liquidités n'est pas aisé, la directrice générale du FMI a considéré qu'un autre essentiel est de réduire les dépenses publiques. Et si Christine Lagarde n'a pas nommé la Caisse de compensation, elle a cependant invité à réduire les «subventions qui sont octroyées de manière indifférenciée». La CGEM quant à elle, par la voix de sa présidente, a tiré à boulets rouges sur l'informel coupable de concurrence illégale et même de cannibalisme d'entreprises. Pourtant Meriem Bensalah-Chaqroun a invité à sévir avec discernement pour remédier au phénomène. Plus globalement, elle a déclaré que le patronat souhaite que la réforme fiscale instaure plus de visibilité, de compétitivité et d'équité. Ce qu'à peu de choses près, Abdellatif Zaghnoune, directeur général des impôts, a résumé de la sorte : confiance, administration et gestion numérique, contrôle et amélioration de la levée de l'impôt.