On savait que le ridicule ne tuait pas - sauf quand on a le bonheur de mourir de rire – mais quand ce ridicule arrive à pénétrer, sans la moindre résistance d'ailleurs, dans l'enceinte de nos institutions dites représentatives, on a juste peur pour l'avenir de notre démocratie en devenir. Pourtant, moi qui ai toujours estimé que le rire est la manière la plus marrante de vivre, et que la vanne est la meilleure arme contre la mal-vie et la déprime, je trouve que certains de nos élus, aussi mal élus qu'ils puissent être, devraient faire preuve d'un peu plus de retenue. Bien sûr, je veux parler de cette séance de striptease aussi impromptue que déplacée qui a lieu mardi dernier sous la coupole illuminée de notre Parlement et sous l'œil ébahi et à la barbe éclairée de nos si chers conseillers. C'est vrai que le mot «striptease» n'est pas tout à fait approprié. D'abord parce que ce n'est pas une pin-up qui s'est défeuillée en public, mais un valeureux parlementaire, patron de groupe quand même, et ensuite, tout ce qu'on a vu de son honorable nudité, c'est son ventre légèrement velu. C'était du jamais vu! Cela dit, on se serait bien passé de ce type de jeu plutôt malsain même s'il s'est limité au-dessus de la ceinture, d'autant plus qu'on ne sait pas jusqu'où cela pourrait aller et quand tout cela va s'arrêter. Je sais que dans tous les Parlements du monde, il y a parfois des dérapages verbaux incontrôlés, voire carrément des pétages de plomb, mais je crois bien que c'est la première fois que quelqu'un ose montrer son ventre nu à ses pair(e)s pour prouver qu'il n‘y a rien dedans, et la preuve c'est qu'il est aussi plat qu'un… bon petit plat. D'aucuns diraient que ça ne prouve rien du tout. Peut-être, mais je trouve personnellement qu'un Parlement ce n'est vraiment pas le lieu idéal ni pour exposer son intimité en toute indécence ni pour clamer publiquement son innocence. Cela dit, il faut reconnaître que notre pauvre bonhomme a été provoqué assez maladroitement, il faut le dire, par notre chef de gouvernement en personne, qui, il faut le souligner, est en train de faire de son intervention mensuelle, un numéro pour le moins burlesque. Le moins marrant de toute cette affaire, c'est que ça se termine à chaque fois par une franche rigolade et une bonne accolade. D'accord, c'est encore une spécificité marocaine de mélanger comique et politique ou de confondre plaisanterie vaseuse et accusation fallacieuse, mais je pense que si on continue comme ça, on est bien partis pour rater le coche de notre fameuse transition démocratique avec laquelle on n'a pas fini de transiger. Je vais sans doute vous étonner, mais je ne crois pas du tout qu'on a le droit de rire de tout. Je vais un peu nuancer : nous les rigolos, nous pouvons, à la limite, raconter des bêtises ou faire n'importe quoi, car nous sommes, par définition, des inconscients et des insouciants, par contre les «responsables» politiques, qu'ils soient députés, conseillers ou, encore plus, ministres, doivent tourner 777 fois leur langue dans leur bouche avant de la délier, et ne doivent se mettre à nu que pour dire la vérité à leurs électeurs ou à leurs administrés. Et ce n'est pas avec des conciliabules en cachette et des réconciliations à la sauvette que vous allez réussir à mettre notre lourd train sur les rails de la démocratie. Et il faut bien vous mettre ça dans la tête : les seuls qui ont le droit de railler et de dérailler, ce sont les clowns et les humoristes. Et puisque vous n'êtes ni les uns ni les autres, contentez-vous de faire votre boulot, et c'est déjà beaucoup. Bon week-end à toutes et à tous.