Le comédien Hamidou a décidé de quitter le Maroc, parce qu'il estime qu'il n'occupe pas la place qu'il mérite ici. À cœur ouvert, il s'explique sur les raisons qui l'ont conduit à prendre le chemin de l'exil. ALM : Est-ce vrai que vous avez pris la décision de quitter le Maroc ? Hamidou : Oui, je quitte le Maroc! Je m'en vais, en compagnie de ma famille, le 2 septembre. Comme je ne m'en sors pas ici, je suis contraint de chercher mon pain ailleurs. Je suis fatigué de frapper inutilement à toutes les portes. C'est sans issue ! La situation est tellement désespérante qu'elle ne me laisse guère le choix. Je ne vais tout de même pas me pendre ! On dit chez nous que celui qui a une seule porte, que Dieu la maintient fermée à sa face. Moi, je dis que celui qui a un seul pays, qu'il se mure sur lui! Je pars vers mon deuxième pays : la France. Vous avez pourtant eu du travail récemment en tournant dans des films… Mais quel genre de films ! Des productions étrangères ! Ce que je ne comprends pas, ce qui constitue à mes yeux le comble de l'aberration, c'est que des producteurs étrangers fassent appel à moi pour jouer dans de grands films, alors qu'à part quelques exceptions, on m'ignore ici. Rien que ces deux dernières années, j'ai tenu le rôle du docteur libanais dans « Spy game » avec Robert Redford et Brad Pitt, J'ai également joué avec Patricia Kaas dans « And now ladies », le dernier film de Claude Lelouch. Et hormis « Histoire d'amour » de Hakim Noury, cela fait bien longtemps que l'on ne m'a rien proposé ici. On ne fait pas souvent appel à vous, parce que vous êtes peut-être cher. Pas du tout ! Je n'ai jamais demandé de cachets faramineux à une production marocaine. Bien au contraire, je prends en considération le budget du film et agis toujours en conséquence. Non ! Ce n'est pas une question de cachet. Je suis incapable d'expliquer par des arguments logiques les raisons pour lesquelles l'on ne me propose pas assez de rôles ici. Je peux juste gamberger sur la peur que les films importants où j'ai joué inspirent aux producteurs marocains. Peut-être considèrent-ils qu'ils seraient contraints d'aligner mes honoraires sur ce que je perçois ailleurs. Ce qui est complètement faux. Il existe sans doute d'autres raisons. Lesquelles ? Ma difficulté à trouver des rôles, ici, est surtout liée à la mentalité des gens. Tous ceux qui se sont imposés sur la scène internationale font peur ! Je suis victime de ma notoriété ! Partout ailleurs, les gens récoltent des hourras pour leur succès international, ici je le subis comme une chose honteuse. J'éprouve cela aussi avec les deux chaînes de télévision qui favorisent les étrangers. La diffusion des productions étrangères infecte notre culture. Où que je regarde, je ne trouve que des feuilletons mexicains et des mièvreries égyptiennes. Nous sommes condamnés à être les spectateurs des autres chez nous! Vous n'avez pas peur qu'on l'on vous qualifie de xénophobe en tenant ces propos ? Je suis xénophobe, chauvin et extrémiste ! Je n'ai pas peur de le proclamer, mais il serait naïf de croire que je suis le seul à l'être. Allez en Egypte, et essayez de trouver sur les nombreuses chaînes de ce pays un seul film marocain, et vous comprendrez ce qu'est le véritable extrémisme culturel. Je porte la tolérance dans mon cœur, mais il ne faut pas que l'ouverture sur les autres me soit préjudiciable. Moi aussi, j'ai le droit de m'exprimer. Je ne demande pas que l'on fasse de l'autarcie, mais que l'on nous valorise ici, au même titre que les “stars” qui viennent de l'étranger. Vous estimez que les comédiens nationaux ne sont pas traités de la même façon que les autres ? J'ai été invité il y a deux ans par le CCM au Festival national du film. J'ai été d'ailleurs très étonné de cette invitation à laquelle j'ai immédiatement répondu. Savez-vous qui est venu m'attendre à l'aéroport ? Un petit taxi ! Tandis que les comédiens étrangers ont eu droit à une Limousine. Je suis resté une seule journée pour éprouver de l'humiliation, et suis rentré chez moi en jurant de ne plus participer à cette manifestation. Pareil pour le Festival international du film de Marrakech. Les organisateurs mettent des tapis rouges pour accueillir les étrangers, alors qu'ils négligent les “locaux”. En ce qui me concerne, je n'existe pas pour cette manifestation. Pour participer à la première édition, la délégation française a dû m'imposer comme l'un de ses membres! Vous en gardez de l'amertume ? Non ! Je suis reconnu ailleurs et les gens m'aiment ici. J'ai été invité trois fois à la cérémonie de la remise des Oscars ! Quand je sors dans la rue, les gens me témoignent toujours amour et respect. J'ai été extrêmement ému par l'hommage qui m'a été rendu au dernier festival de cinéma d'Agadir. D'ailleurs, plusieurs personnes pressentaient que j'allais quitter le Maroc. Ils me demandaient de rester. Mais puisqu'on célèbre, chez nous, les gens qui vivent ailleurs, j'irai m'établir à l'étranger. Peut-être que l'on me trouvera de nouveau quelques qualités. Vous savez, je ne suis pas un bâtard, j'aime le Maroc et je l'emmènerai avec moi où je vais. Je le quitte à contrecœur, mais tout acteur que je suis, je suis obligé d'avoir de quoi faire le marché pour nourrir ma famille.