Le régime fiscal local constitue un déterminant « important » du modèle de décentralisation, au regard de sa capacité de conditionner, « dans une certaine mesure », l'autonomie de gestion de la collectivité territoriale, a affirmé, samedi à Rabat, le Trésorier Général du Royaume, Noureddine Bensouda. « Le régime fiscal local reste un important déterminant du modèle de décentralisation, puisqu'il conditionne, dans une certaine mesure, l'autonomie de gestion de la collectivité, ainsi que le niveau et la qualité des services qu'elle peut offrir aux citoyens. J'ai bien dit 'dans une certaine mesure', car l'autonomie fiscale et l'autonomie financière, quoique intimement liées, ne sont pas, pour autant, consubstantielles », a expliqué M. Bensouda dans son allocution à l'ouverture d'un colloque-webinaire sur « Autonomie fiscale locale et développement territorial: diagnostic et état des lieux », tenu à l'initiative de la TGR, en collaboration avec l'Association pour la Fondation Internationale de Finances publiques (FONDAFIP) et la Revue Française de Finances Publiques (RFFP). De surcroît, a-t-il poursuivi, l'histoire administrative et la culture politique, qui sont bien entendu des facteurs non liés aux ressources, influent également sur la réalité de la décentralisation et ce, indépendamment du modèle théorique. Parallèlement, M. Bensouda a souligné l'évolution constante du processus national de décentralisation depuis la promulgation du Dahir du 2 décembre 1959 portant division administrative du Royaume aux trois lois organiques de 2015 relatives aux régions, aux préfectures et provinces et aux communes. Le Maroc est toujours à la recherche d'un modèle optimal de décentralisation. Et c'est dans le qualificatif « optimal » que réside et se concentre toute la difficulté, a-t-il dit, expliquant qu'un tel modèle doit prendre en considération les besoins en termes de subsidiarité tout en gardant la centralité du pouvoir de l'Etat. Il doit, aussi, pouvoir assurer un développement local qui soit en parfaite cohérence avec l'élan de développement national, et prendre en considération les grandes disparités entre les collectivités locales, notamment en matière de capacité de gestion, de disponibilité de ressources, du potentiel intrinsèque de toute nature, a précisé M. Bensouda. Le Trésorier Général du Royaume a également relevé qu'il s'agit là d'un processus continu, qui évolue à l'aune de l'évolution de la société elle-même, en essayant en permanence de relever les nouveaux défis et de répondre aux nouveaux besoins qui résultent de cette évolution. Pour sa part, le Professeur universitaire et Président de FONDAFIP, qui a expliqué que l'autonomie fiscale locale comme moteur du développement socio-économique territorial, a rappelé l'historique de la décentralisation chez les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), notamment à partir des années 70 marquées par deux chocs pétrolier et une profonde crise économique mondiale, notant, à ce titre, que les exigences actuelles de la fiscalité locale qui ne correspondent pas souvent fondements. Selon le Pr. Bouvier, également Directeur de la RFFP, l'autonomie fiscale locale dépend beaucoup des rapports entre les collectivités locales et l'Etat. Le principe d'autonomie financière des collectivités locales reste tributaire de la réalisation de l'autonomie fiscale, a-t-il jugé, faisant remarquer que l'autonomie fiscale est reconnue aux collectivités locales aussi bien au Maroc qu'en France, mais l'autonomie fiscale pose une autre question beaucoup plus fondamentale. Suite à la grande crise économique des années 70, plusieurs pays ont estimé que les collectivités locales, les finances locales et la fiscalité locale étaient des moyens de revitaliser l'économie et de stimuler la croissance économique, ce qui a déclenché le processus de décentralisation, a rappelé le Pr Bouvier, soulignant que ce modèle a montré ses limites et que l'idée selon laquelle l'Etat devait être le régulateur majeur d'une société et garant de son rééquilibrage s'est progressivement imposée. S'agissant du rôle des finances locales comme outil de développement territorial, le Pr. Bouvier a nuancé: « Ce n'est pas tant l'autonomie fiscale que la capacité d'une collectivité locale à développer ses finances ». D'après lui, la collectivité doit disposer d'impôts suffisamment stables pour pouvoir développer une politique économique locale sur la base de ces recettes fiscales. Parallèlement, il mentionne l'hypothèse de remonter la fiscalité au niveau de l'Etat et redistribuer une partie du produit des impôts d'Etat aux collectivités locales en utilisant une péréquation verticale, pour une redistribution en fonction d'un certain nombre de critères. Cela permettra, comme l'a précisé le Pr. Bouvier, d'abandonner la décentralisation financière telle qu'elle a été conçue dans les années 80. C'est-à-dire séparer la fiscalité de la décentralisation qui sera basée sur nouveau modèle financier local à même de répondre aux exigences actuelles des collectivités territoriales. Ce colloque hybride, marqué par la participation des cadres du ministère, de responsables de l'administration territoriale, d'économistes, de fiscalistes et de chercheurs nationaux et internationaux, s'est articulé autour de trois panel portant sur l'autonomie fiscale et le développement territorial, outre la gouvernance et la gestion de la fiscalité locale. Via ses événements scientifiques, la TGR ambitionne d'incarner la volonté de partage et d'échange qui contribuent à faire mûrir la réflexion et enrichir le débat sur nombre de sujets cruciaux ayant trait aux finances publiques.