13 cliniques sont menacées de fermeture. Ç'est en l'occurrence ce qu'on pouvait lire sur les colonnes de l'économiste en date du 8 Juillet 2011. On savait que quelque chose se préparait au département de la santé, que des décisions d'un genre nouveau allaient être prises, mais on était loin, mais alors très loin d'imaginer que la ministre de la santé Yasmina Baddou allait mettre à exécution ses menaces à l'encontre des cliniques privées. Pourquoi une telle décision en ce moment précis ? Cette décision qui vise à fermer certaines cliniques que certains ont qualifié de cliniques hors la loi est motivée par le contenu d'un rapport élaboré par les inspecteurs du ministère de la Santé qui avaient contrôlé plus de 80 cliniques en 2009. Le constat fut sans appel sur ces 80 cliniques inspectées, 50 présentaient des anomalies : conditions d'hygiène et de sécurité pour les unes, sous-équipement et sous-effectif pour les autres, et des pratiques frauduleuses. Ces cliniques constituaient de ce fait des risques pour la santé des malades. On comprend parfaitement la position du ministère de la santé qui a la lourde responsabilité de veiller à la santé de la population. La décision de procéder à la fermeture des établissements susceptibles de représenter un danger potentiel pour les citoyens est largement motivée Assurer la transparence du système La décision de procéder à des fermetures des cliniques privées, suscite un certain nombre d'interrogations de la part des praticiens qui exercent au sein de ces cliniques , des directeurs de ces structures, des personnels soignants et agents de service ainsi que du grand public. La fermeture de plus d'une dizaine de cliniques privées à travers le territoire national (Rabat, Agadir, Marrakech, Fès, Oujda, Béni Mellal, Khémisset) a suscité de vives réactions de la part du corps médical. Sur les 13 cliniques privées, certaines sont très réputées et connaissent des flux importants de malades qui du reste sont opérés, soignés dans de très bonnes conditions comme nous l'a expliqué le docteur Iraqi, président de l'Association Nationale Des Cliniques Privées. Pour le docteur Iraqi, il ne est pas dit contre des inspections, bien au contraire, il félicite le ministère pour les inspections, mais que celles-ci soient menées dans les règles de l'art, il faut que les représentants des cliniques privées puissent assister a ces inspections. Par ailleurs si fermeture il y a, celle-ci doit faire l'objet d'un avis du conseil national de l'ordre des médecins. Côté ministère de la santé, on n'a pas la même vision des choses peut-être et la décision de fermeture de ces cliniques est motivée par la «non-conformité» des règles de sécurité, d'hygiène, personnel soignant non qualifié, et à cause de déviations enregistrées . A ce sujet, Mme Yasmina Badou est catégorique: «Les activités des cliniques sanctionnées ne pourront être reprises qu'à la suite de nouvelles inspections pour vérifier si les corrections des anomalies constatées ont été apportées». C'est une approche qui se respecte, à laquelle on peut adhérer car elle vise à garantir aux malades plus de sécurité, des soins de qualité, des professionnels de santé qualifiés. Pour pouvoir mettre à exécution ses menaces et obliger les cliniques visées à fermer, la ministre de la Santé a besoin de l'aval du secrétariat général du gouvernement qui à son mot à dire dans cette affaire dont on se serait bien passé en ce moment précis. La ministre a bien entendu fait les choses en règle, elle a adressé à Mr Driss Dahak un courrier bien détaillé ou elle sollicite son intervention afin que les cliniques concernées cessent immédiatement leurs activités de soins, les interventions chirurgicales et toutes les hospitalisations. Entendu que ces cliniques privées pourront reprendre leurs activités lorsqu'elles auront procédé aux correctifs indispensables à leur bon fonctionnement et aux observations émises par les commissions d'inspection. C'est un peu fort tout de même. Personnellement je n'ai pas souvenir que de telles décisions aient été prises depuis l'indépendance. Ce qui ne colle pas dans cette histoire de fermeture éventuelle de certaines cliniques privées, ce qui reste à éclaircir au grand jour, c'est d'une part le timing des déclarations faites par Mme la ministre de la santé à l'économiste comme d'habitude. C'est aussi le fait d'étaler et de livrer le nom des cliniques au grand jour sans attendre la décision qui sera prise par le secrétariat général du gouvernement (SGG). Appliquer le même principe aux hôpitaux publics A l'évidence, cette décision de fermeture éventuelle des cliniques privées et de mise en demeure de plusieurs autres me dérange énormément. J'ai l'impression que l'on se fout de nous quelque part. Je m'explique Dans ses déclarations à l'économiste Mme Yasmina Badou dit : « Le laxisme, c'est fini. Ce sera la tolérance zéro. Nous entrons dans une nouvelle ère, avec une Constitution toute neuve à appliquer. Personne n'est au-dessus des lois» C'est excellent, c'est courageux, c'est tout à l'honneur de Madame Yasmina Badou que de prendre de telles décisions qui s'inscrivent en droite ligne avec le Maroc nouveau, celui de l'égalité des chances, de la justice sociale, de l'équité, de la lutte contre toutes les formes de corruption , de favoritisme, de clientélisme et de népotisme .Mme Yasmina Badou en tant que juriste de formation mesure à sa juste valeur la portée de ses déclarations, surtout qu'il s'agit de la santé de nos concitoyens , de la sécurité des malades, de la qualité des soins, des comportements et agissements parfois contraires à la bonne moralisation . Il s'agit ni plus ni moins ici d'appliquer les même principes aux cliniques privées et aux hôpitaux publics. Qui peut aujourd'hui affirmer qu'il n y a pas les mêmes problèmes au niveau des hôpitaux publics ? Nous avons un système de santé et nous devons contrôler toutes les structures publiques ou privées et lorsqu'il s'agit de la vie des patients, cela concerne le privé et le public, alors il faut fermer la structure qu'elle soit publique ou privées. C'est un tout, il n'y a pas lieu de faire de différence au moment où ces deux secteurs sont, nous dit-on complémentaires. Deux poids, deux mesures Il y a donc lieu d'être juste et équitable. Il s'agit de ne pas appliquer la loi de deux poids, deux mesures, si l'on veut réellement donner toute sa véritable portée aux déclarations de Mme Yasmina Badou : «Le laxisme, c'est fini. Ce sera la tolérance zéro. Nous entrons dans une nouvelle ère, avec une Constitution toute neuve à appliquer. Personne n'est au-dessus des lois» Je suis sûr et certain qu'un très grand nombre de nos hôpitaux fermeront leurs portes. Je ne défends nullement les cliniques privées, loin de là. Il s'agit de dire les choses comme il se doit, de reconnaître nos faiblesses, toutes nos faiblesses, celles du secteur privé et celles du secteur public, en d'autres ceux de notre système de santé. Il est évident que certaines cliniques, n'ont de clinique que le nom. Des murs crasseux, hygiène et propreté des locaux approximatives, matériel usagé, obsolète. Des draps maculés et effilochés, des couvertures qui sentent mauvais. Des hommes et des femmes en blouses blanches certes, mais qui n'ont aucune formation, aucun diplôme qui les prédisposent pour exercer le métier d'infirmier. Certains chirurgiens et autres spécialistes appartiennent pour leur grande majorité au ministère de la santé et exercent au sein de ces cliniques de façon illégale. Au niveau de ces cliniques le malade est souvent arnaqué, berné et soulagé de sa bourse. Il est tout à fait normal que le ministère de la Santé cherche à mettre un peu d'ordre là où n'existe que le désordre, l'anarchie, le laisser-aller, le je m'en foutisme. En même temps, le ministère de la santé doit faire le ménage au sein des hôpitaux, c'est-à-dire inspecter comme il se doit les structures sanitaires publiques. Il faut en finir avec le cinéma qui consiste à trouver tout en ordre : draps propres, hygiène et propreté irréprochable, personnel souriant, blouses blanches bien repassées …… Pour finir, je tiens à dire que le fait de prendre de telles décisions n'est pas chose aisée, que c'est une tâche difficile, lourde, qui demande beaucoup de courage. En même temps, ce travail qui est entrepris par le département de la santé depuis quelques années est une excellente chose. On applaudit des deux mains , on dit bravo , mais on aurait souhaiter que le ministère de la santé soit comme à son habitude, comme il sait si bien le faire réunir autour d'une même table, les principaux concernés par le problème que pose aujourd'hui certaines cliniques privées, le syndicat des cliniques, le CNOM pour débattre entre eux dans un climat empreint de franchise, de sagesse, de responsabilité de confiance et de respect mutuel afin de passer en revue tous les détails susceptibles de contribuer à trouver des solutions adaptées à chaque cas. Mettre chacun devant ses responsabilités en présence des représentants légitimes du noble art, faire signer des engagements à ceux qui doivent entreprendre des correctifs. La même chose, le même procédé doit prévaloir pour les structures publiques, si l'on veut réellement en finir avec le laxisme , le favoritisme , le clientélisme et aborder avec sérénité une nouvelle époque. Dommage que ce chamboulement puisse intervenir à la veille des élections, il aurait certainement eu une plus grande portée et une signification plus cohérente.