De mémoire de Souiri on n'a souvenance de ça : la semaine dernière, durant trois jours consécutifs, les thermomètres locaux ont affiché des températures de 30 degrés. Dans une ville où les habitants crient à la canicule chaque fois que la chaleur dépasse de deux degrés les 22 qu'ils croient avoir reçus à vie, ces accès de chaleur inhabituels posent la question du changement climatique. Essaouira, la ville au climat uniformément doux est-elle en train de basculer dans le camp du réchauffement universel ? En réponse, les climatologues affirment une chose et son contraire. Pour certains, le phénomène de surchauffe étant général, le Maroc risque à terme de s'installer dans la chaleur et la sécheresse. Pour d'autres, ces prévisions ne sont pas fiables. La climatologie étant une jeune science – elle n'aurait réellement pris ses marques qu'après la 2ème guerre mondiale- et, les prévisions climatiques ne s'accommodant pas du court terme, il faut laisser le temps au temps pour valablement se prononcer sur l'éventualité du changement. En attendant, les Souiris ont déjà tranché. Quand on leur demande ce qu'ils pensent de ce qui leur arrive, leur réponse est quasiment la même : Essaouira n'est plus Essaouira ; et cela ne date pas d'aujourd'hui. L'année dernière déjà et, selon certains, l'année d'avant aussi, les températures avaient commencé à se dérégler. A la faible amplitude qui caractérisait l'opposition entre saisons froides et saisons chaudes, ont succédé des écarts moyens de températures qui vont de 10 à 15 degrés. Alors évidemment cela pose questions. Même que pour nombre d'habitants de la ville dont l'activité est saisonnière, cela pose problème. Au chapitre des questions, c'est le microclimat d'Essaouira qui est au centre des débats. Baignée par les eaux du Gulf Stream, ce courant froid qui vient de l'Atlantique nord, la ville avait toujours bénéficié d'un climat tempéré qui avait fini par faire sa réputation de havre de frais en été. Aujourd'hui que les températures accrochent les 30 degrés à l'entrée de l'été, les esprits épris des temps cléments s'échauffent. Parmi eux, les dizaines de milliers de Marrakchis qui y prennent leur quartier d'été. Alors évidemment, le réchauffement ne fait pas particulièrement plaisir aux artisans, aux restaurateurs et aux hôteliers de la ville. De fait, ils s'inquiètent d'autant plus de cette situation que la mer elle aussi a des bouffées de chaleur. Selon eux, si le Gulf Stream ne joue plus son rôle de modérateur, ce sont les vélisports qui seront à côté du vent. Ces loisirs qui attirent toute l'année une clientèle d'adeptes, et qui donc permettent au tourisme local de meubler la morte-saison, pourraient accuser un repli. Pourquoi ? Par manque de vent. Si en effet la ville d'Essaouira est venteuse, c'est parce qu'il y a en permanence un différentiel de températures au dessus du continent et au dessus de la mer qui fait appel d'air. Si le Stream change de méthode, alors plus de vent ou tout au plus vent trop largue pour pousser la vague ou gonfler la voile. Et puis il y a les eaux de mer elles mêmes. Si elles chauffent par panne de son thermostat, probable que nombre de variété d'espèces de poisson qui l'habitent iront s'installer ailleurs. Et là, c'est la pêche, autre activité reine à Essaouira, qui est mise au banc des récusés. Scénario catastrophe sans doute, mais plausible. Reste à savoir comment y faire face. Là, il faut aller aux origines des abysses. Les climatologues expliquent le réchauffement par des causes qu'ils rangent en forçages naturels – volcans – et en forçages anthropiques –gaz à effet de serre. Pour remédier aux conséquences néfastes de ce dernier: un seul remède pour l'instant : l'arbre, seul à être capable d'emmagasiner le CO2 coupable. Or, Essaouira n'a pas pris soin de ses arbres. Après le thuya et d'autres essences utilisées dans l'ébénisterie, c'est l'arganier qui fait aujourd'hui l'objet d'exploitation abusive. Conclusion : si Essaouira veut être encore sur l'aire des Alizés, il lui faut planter des arbres. Leur absence est préjudiciable à mains égards. Ne dit-on pas que l'arbre gâche l'euphorie.