“Le partenariat de Deauville”, c'est ainsi que le président Barack Obama et ses pairs du G8 ont baptisé leur initiative à l'égard du monde arabe. Il s'agit d'un paquet d'aides financières destinées à entretenir la flamme du « printemps arabe » et à assister les peuples du Moyen Orient et d'Afrique du Nord à accéder enfin à la démocratie ! Les premiers bénéficiaires sont tout naturellement désignés : la Tunisie et l'Egypte. Les deux pays devraient recevoir 40 milliards dollars étalés sur les deux années à venir. La moitié de cette somme sera mise à disposition par des institutions telles que la banque européenne de développement, la banque mondiale ou le Fonds Monétaire Internationale. L'autre moitié prendra la forme d'aides bilatérales provenant des membres du G8 et du Conseil de Coopération des Etats du Golfe (CCG). Mais si les pays occidentaux semblent avoir compris tout l'intérêt stratégique qu'ils pourraient tirer de ces mouvements populaires, ce n'est pas tout à fait le cas des monarchies du golfe ! Dans un éditorial publié vendredi par le New York Times, Neil MacFarquhar croit déceler d'autres motivations dans l'attitude du CCG et notamment de l'Arabie Saoudite. Ce spécialiste reconnu du monde arabe où il a vécu et travaillé pendant plus de vingt-cinq ans, affirme que Riyad, Abou Dhabi ou encore Doha cherchent à limiter la contagion des soulèvements populaires. Ces révolutions spontanées leur ont déjà couté deux alliés de taille : le tunisien Ben Ali et surtout l'égyptien Moubarak. MacFaruhar écrit : «De l'Egypte où les saoudiens ont déjà injecté 4 milliards de dollars pour maintenir à flot le haut conseil militaire qui dirige actuellement le pays ; au Yémen où ils encouragent vivement le président Saleh à quitter le pouvoir ; jusqu'aux Royaumes du Maroc et de Jordanie invités à rejoindre le club du CCG, l'Arabie Saoudite lutte pour prévenir l'avènement d'un changement radical et pour bloquer l'influence iranienne». L'offensive saoudienne à l'égard de la Jordanie et du Maroc, retient particulièrement l'attention de l'auteur. Pour lui, la proposition Des pays du Golfe vise la création d'un nouveau club, plus fort et plus peuplé : celui « des rois arabes ». Et s'il fallait une preuve de ce dessein non avoué - jusqu'à maintenant du moins - l'auteur cite le Prince Al-Walid bin Talal. Ce membre imminent et immensément riche de la dynastie des Al-Saoud a déclaré au conseil éditorial du quotidien newyorkais : « notre message est le suivant : ce qui se passe (dans les pays arabes) ne se déroule pas dans les états monarchiques. Nous ne sommes pas en train d'essayer d'imposer des solutions, mais juste de sauvegarder nos intérêts». Il est vrai que lors du discours sur sa nouvelle politique étrangère dans la région arabe, le président américain a omis de citer nommément l'Arabie Saoudite, qui reste l'un des deux alliés majeurs de Washington au Moyen Orient ; l'autre étant Israël. Pour les commentateurs américains, le paradoxe réside dans le fait que ces deux pays se rejoignent dans une position commune : un parti-pris négatif vis-à-vis des développements extraordinaires qui secouent la rue arabe. L'éditorialiste du New York Times rappelle ce paradoxe en expliquant comment «le printemps arabe a sonné le glas de la fameuse alliance des pays modérés. Emmenée par l'Arabie Saoudite et l'Egypte, cette alliance collaborait étroitement avec les Etats Unis et était prête à promouvoir la paix avec Israël. Mais le soutien américain aux soulèvements arabe a tendu les relations entre Washington et Riyad. Ce soutien à également poussé les saoudiens à se détacher de l'administration de Barack Obama sur certains dossiers et à s'interroger sur leur dépendance américaine quand il s'agit de la protection de leurs intérêts». Quant à Israël, la dernière visite de Benyamin Netanyahu aux Etats Unis a montré, encore une fois, la difficile relation qu'il entretient avec le président Obama. Même s'il a bénéficié d'un accueil triomphal lors du discours qu'il a prononcé devant le Congrès, il n'en demeure pas moins que l'Etat Hébreu semble un peu dépassé par l'accélération des évènements. Certains analystes l'ont compris et l'ont même écrit. Dan Simon est l'un de ceux-là. Dans le Los Angeles Times du mercredi dernier, il note que « pendant que le printemps arabe ne cesse de gagner du terrain, il est devenu clair qu'Israël ne peut plus compter sur l'acceptation tacite de sa politique par les régimes dictatoriaux de la région». Et l'auteur d'appeler le pays dont il est officier de réserve à œuvrer autrement ; car c'est l'adhésion et la confiance des peuples arabes qu'il va falloir gagner dorénavant !