Encore un nouveau roman sur le terrorisme. « Oussama mon amour » de Youssouf Amine Elalamy, publié chez « La croisée des chemins » qui dresse des portraits autour d'un kamikaze depuis la conception jusqu'à l'explosion. Les attentats de 16 mai 2003 à Casablanca continuent à faire couler beaucoup d'encre et à attiser l'ardeur des hommes de lettres. Ecrivains et particulièrement romanciers ont trouvé dans ces évènements une matière riche qui suscite leur verve et anime leur inspiration. Le dialectique rapport de l'écriture avec le vécu social n'est plus à démontrer. Nos écrivains se sentent de toute évidence interpellés par cette énorme tragédie qui n'a laissé personne insensible. 8 ans après le drame, la thématique est toujours d'actualité. Le syndrome du terrorisme plane toujours et l'attentat d'Argana survenu à Marrakech en a donné la preuve. Ainsi le très attendu roman « Oussama mon amour » de Youssouf Amine Elalamy arrive à point nommé et dans un contexte fortement imprégné par le débat sur le terrorisme qui refait surface. Deux romans sont déjà publiés sur le même sujet dont un de la romancière marocaine installée aux Etats-Unis Leila Alami, et un second de Mahi Binebine sorti en 2010 sous le titre « Les Etoiles de Sidi Moumen ». Si l'œuvre de Mahi Binebine a tenté de démontrer la corrélation entre l'univers, où grandissent ces chérubins encore vierges, où la violence est banalisée, et l'exécution de la déflagration, une fin logique d'un processus parsemé de brutalité et de sévices, l'autre œuvre « Oussama mon amour » longe un autre chemin. Le narrateur se glisse dans la peau de ses personnages et se faufile dans leurs artères cervicales tâtant leurs pouls afin de nous livrer leurs motivations et leur déchéance intérieure. Sans vouloir incarner le rôle d'un psychanalyste, le narrateur dépouille ses héros un par un, à partir du Kamikaze à quelques pas de la déflagration, en passant, par le rescapé, les familles des inculpés et des victimes. Le narrateur nous livre ainsi un exposé circonstancié donnant la chair de poule allant quasiment jusqu'à raviver la tragédie. Les sensations de chacun des protagonistes nous sont dévoilées. Le kamikaze, habité par la haine, trouve dans son acte la seule alternative face à la surdité et l'aveuglement des autres. Sa famille, traumatisée, se culpabilise. Le père traîné malgré lui dans le fil des évènements n'arrive pas à trouver des explications à l'acte commis par son fils ni des réponses aux interrogations qui le taraudent. Il se découvre tout à coup étranger dans l'univers de son fils. « C'est mon fils, le mien de fils et le fils de personne d'autre, avec cette manière qu'il avait à chaque fois de tourner la tête pour ne pas voir ce qui restait de sang sur mon visage et son regard toujours plein de dégoût quand je rentrais du travail. Alors, dites, comment est-ce possible pour quelqu'un comme lui de faire ça ? Que l'on me dise seulement comment c'est possible. Parfois, je me demande même comment il a pu sortir ses mains de ses poches et la faire, toute cette guerre à lui tout seul ? ». Une sorte de tableaux à plusieurs facettes offrant une vue complète que nous livre l'auteur du roman. Au fil des mots et des lignes, l'on décèle les angoisses de l'auteur lui-même qui s'interroge et cherche à travers ses personnages à saisir cette haine incompréhensible et démesurée déferlée gratuitement sur l'autre. Et le style ? Comme pour alléger ce récit qui sent la mort, le sang, la boucherie et la chaire humaine cruellement émiettée partout, l'auteur emploie une combinaison de styles. Un va et vient entre l'humour et le drame, une tentative pour atténuer l'effet pathétique des faits.