Le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE : au pouvoir) en Espagne a essuyé la plus cuisante défaite politique depuis la restauration de la démocratie en 1978. Au lendemain des élections municipales et régionales, qui ont eu lieu dimanche, le PSOE a l'aspect désormais d'un vieux vautour déplumé et traqué dans son propre territoire. Les socialistes ont été purement et simplement gommés de la carte des gouvernements régionaux et des conseils municipaux. L'Espagne est désormais couverte d'une grande toile bleue, couleur du Parti populaire (conservateur). Les lectures abondent mais le verdict des urnes est trop sévère pour trouver une justification qui puisse atténuer le mécontentement des militants socialistes. Pas de consolation pour les perdants ni de leçons à tirer de la défaite. Les socialistes ne s'attendaient pas à une défaite d'une telle magnitude qui a donné à une des droites les plus archaïques d'Europe de puissants arguments pour réclamer des élections générales anticipées. Fort des inattendus scores obtenus dans les fiefs socialistes, le PP s'empare du pouvoir local à une année des élections générales qui devraient le conduire au palais de la Moncloa (siège du gouvernement). Pour tout observateur neutre et impartial, les causes de la débâcle électorale des socialistes sont faciles à déterminer. Outre la mauvaise conjoncture spéciale, qui condamne le pays à une crise économique sans précédent, les socialistes ont échoué dans leur campagne électorale. Ils se sont montrés incapables de véhiculer un discours économique cohérent pour expliquer les raisons politiques qui poussèrent le gouvernement à adopter des réformes sociales impopulaires et appliquer un plan de restructuration et d'austérité pour juguler le déficit public. Leur majorité sociologique leur a tourné le dos puisque plus de millions de citoyens qui votaient traditionnellement socialistes soit se sont abstenus de se rendre, dimanche, aux urnes soit ont dirigé leur vote à d'autres organisations de gauche. La formule du « vote utile » de la gauche ne fonctionne pas lorsqu'il s'agit d'élections locales et régionales. Le vote de la gauche est trop éparpillé entre le PSOE et un groupuscule de petits partis qui pivotent autour de la Coalition de la Gauche Unie ou du Parti Progrès et Démocratie (UPyD) de Rosa Diez, une dissidente du PSOE. Une deuxième explication pourrait être tributaire des guerres au sein de la famille socialiste. Depuis son accession au pouvoir en 2004, José Luis Rodriguez Zapatero a appliqué une politique sélective au sein de son parti excluant les vétérans et anciens militants pour s'entourer d'un staff de jeunes, démunis de charisme et d'expérience politique. De nombreux « barons » du parti (ex-présidents de gouvernements régionaux) ont été écartés des listes électorales ou remplacés à la dernière minute créant ainsi un vide au niveau de l'encadrement des militants. A cause de ces purges, le PSOE a perdu trois de ses grands fiefs : Castille-La manche, Catalogne et Andalousie. Le PP, à la surprise générale, a gagné à la majorité absolue dans plusieurs communautés autonomes et consolidé sa majorité dans d'autres comme à Madrid où la représentation socialiste a baissé de 50,8% en 2003 à 26% en 2011. Une troisième donne révèle la défaite morale des militants au niveau local à cause de la politique sociale adoptée par le gouvernement socialiste au niveau national. Le PSOE s'est montré encore une fois incapable de convaincre ses militants de la différence qui existe entre la politique nationale (qui obéit à des contraintes exogènes parvenant particulièrement de l'Union Européenne, du marché international et des incidences de l'environnement régional) et de la politique locale. Dans sa campagne, le PP a su comment créer l'amalgame en introduisant les mesures adoptées par le gouvernement central comme une variable dans la gestion de la chose publique au niveau local et régional. Une quatrième explication est relative à l'absence d'un leader historique du socialisme rénovateur. En s'affrontant au volet social pour remédier au chômage, imposer la retraite à 67 ans, réduire de 5% les salaires des fonctionnaires, augmenter les reçus de l'électricité et du gaz, José Luis Rodriguez a porté un coup dur à l'état du bien-être de l'ensemble de la société. Les mesures impopulaires adoptées en dépit de l'opposition des syndicats (un valeureux appui des politiques sociales) n'ont pas été accompagnées d'un nouveau discours idéologique sur le passage d'une social-démocratie à un socialisme rénovateur. Enfin, une cinquième explication serait due à l'action des jeunes placés soit à la tête des portefeuilles ministériels soit à la tête des comités régionaux du PSOE qui ont été rapidement grillés. En face, la plupart des leaders du PP sont de vieux routiers rompus aux tactiques de manipulation de l'opinion publique, à la défense à outrance des acquis sociaux (avantages sociaux obtenus d'ailleurs grâce à la gestion des socialistes) et à la stratégie d'usure élaborée dans l'objectif d'éreinter les socialistes par une batterie de questions orales au Parlement, l'invention de scandales, le matraquage des résultats négatifs de l'économie et de l'emploi, la critique des gestes et paroles du leader socialiste (Zapatero). Zapatero a été franc, dimanche soir, quelques minutes après la proclamation du verdict des urnes, en reconnaissant que « les résultats indiquent que le PSOE a perdu clairement les élections ». Il a cependant affirmé qu'il n'y aurait pas d'élections générales anticipées comme l'ont revendiqué les « populaires ». A partir de ce moment, les socialistes doivent affronter une nouvelle et dure épreuve, celle de choisir le successeur de Zapatero pour diriger la liste du PSOE aux prochaines élections générales. Les élections primaires au sein des instances du parti seront un dur os à digérer. Les deux potentiels candidats, Alfredo Pérez Rubalcaba (numéro deux du gouvernement) et Carmen Chacon (ministre de la défense) se présentent dans de mauvaises conditions puisque c'est dans leurs régions autonomes où les socialistes ont connu les cuisantes défaites. A Madrid, région de Rubalcaba, le PP a réédité la majorité absolue aussi bien aux élections municipales que régionales. En Catalogne, d'où`est issue Chacon, le PSOE a perdu la mairie de Barcelone qu'il dirigeait depuis 32 ans. Les autres leaders du PSOE ont subi le même sort. Les actuels membres du Comité Fédéral sont appelés à faire une autocritique devant des militants mécontents. Le PP, qui représente tous les courants de la droite, est sorti fort et uni de ces élections. Sans programme électoral, il a réussi pourtant à endiguer la colère des espagnols en direction du gouvernement socialiste. Les élections de dimanche corroborent, en fin de compte, la rotation au pouvoir qui est un exercice démocratique. Le verdict des urnes est sacré. Le vote sanction est souvent nécessaire avant que l'Etat ne soit conduit au chaos. Les socialistes espagnols, comme auparavant les socialistes français, portugais, italiens ou grecs, doivent assumer la nouvelle situation et se préparer pour une nouvelle traversée du désert ce qui leur permettra de réaménager leur maison, arrondir les aspérités et changer de discours idéologique. Le peuple aspire toujours à l'amélioration de son statut social et non à faire des sacrifices sans résultat, y compris en période de crise économique. Le mouvement de protestation des jeunes « Indignez-vous », dans les places publiques, en est l'exemple.