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Rapport sur la régionalisation avancée : Une régulation étatique modernisée et assouplie
Publié dans Albayane le 18 - 03 - 2011

Nous poursuivons la publication du rapport intégral soumis à SM le Roi par la Commission consultative sur la régionalisation avancée. Quatrième partie
Il est proposé de moduler la nécessaire régulation étatique des activités des conseils régionaux et des autres conseils des collectivités locales, par rapport à la notion traditionnelle de «tutelle», en limitant les contrôles a priori et d'opportunité, en renforçant les contrôles et les évaluations a posteriori et en maintenant les contrôles juridictionnels de légalité tout en conditionnant l'effet suspensif de tout recours à une décision de justice.
20. Limitation des contrôles a priori et d'opportunité.
20.1. Le contrôle par approbation préalable ne portera que sur les décisions et actes expressément définis par les lois et règlements et sera progressivement limité, par la réduction, d'abord des délais de réaction de l'autorité en charge, puis des décisions et actes qui y sont soumis, pour le réserver, d'une part à l'ordre du jour des réunions et aux budgets, d'autre part, aux cas extrêmes comportant risque pour l'ordre public, l'intérêt national ou l'équilibre financier des collectivités territoriales.
En cas de non approbation, qui doit être dûment motivée, les présidents des conseils peuvent recourir, selon les cas, à l'arbitrage du ministre concerné ou du Premier ministre, ou aux tribunaux compétents.
20.2. La levée progressive du contrôle par approbation préalable tiendra compte de la qualité de l'organisation et du système d'information de chaque collectivité territoriale, de ses performances en matière de gestion, de la mise en place d'un système de contrôle interne et de gestion des risques et du respect de critères réglementaires d'une bonne gestion financière.
20.3. Les contrôles exercés sur les actes d'engagement et de règlement des dépenses des collectivités territoriales, ainsi que le contrôle financier exercé sur les établissements publics et les sociétés qui en relèvent et les AREP, le seront dans les conditions et limites prévues par les lois et règlements. Ces conseils et ces établissements et sociétés bénéficieront de tout assouplissement accordé en la matière aux administrations et organismes de l'Etat, notamment sous forme de contrôle modulé ou d'accompagnement.
21. Renforcement des contrôles a posteriori
21.1. Corrélativement à la levée progressive du contrôle par approbation préalable et aux assouplissements à apporter aux contrôles budgétaires et financiers évoqués ci-dessus, les contrôles a posteriori sur les comptes et la gestion des collectivités locales seront renforcés.
CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre I : Conception générale Page 24
21.2. Particulièrement, le contrôle juridictionnel par les cours régionales des comptes sera intensifié et les moyens nécessaires seront mobilisés à cet effet.
21.3. Il sera fait recours, le cas échéant et à l'initiative de l'Etat, à des audits externes, par des cabinets indépendants.
21.4. Les rapports issus de ces contrôles et audits et soumis à la procédure contradictoire donnant aux présidents des conseils le droit de réponse seront communiqués aux conseils concernés.
Ceux-ci délibéreront sur les mesures de redressement à prendre, indépendamment des sanctions qui seront engagées, le cas échéant, par les instances légalement compétentes.
22. Maintien du contrôle juridictionnel de légalité des actes et décisions
22.1. Seuls les tribunaux administratifs seront habilités à exercer le contrôle de légalité de toute décision ou acte des conseils élus et de leurs présidents, pour autant que l'administration les en saisisse, après concertation infructueuse avec lesdits présidents.
22.2. Le recours ne peut avoir d'effet suspensif que si l'Administration le requiert expressément et si le juge y consent.
Une contribution au chantier de la déconcentration
A ce jour, le processus de déconcentration administrative subit encore des pesanteurs et des freins, en dépit d'avancées indéniables et malgré l'existence de textes réglementaires et d'engagements officiels des responsables à différents niveaux qui consacrent des choix et des mesures essentiels en la matière. Un nouvel élan est insufflé à ce chantier par l'Appel Royal à l'élaboration, par le gouvernement, d'une charte de la déconcentration. Une telle charte, suivie de tout l'effet souhaité dans la pratique, devra apporter à la régionalisation avancée un soutien indispensable : celui de mettre en face des conseils régionaux et des conseils des autres collectivités territoriales des administrations étatiques disposant, à chacun de ces niveaux, de réelles marges d'initiative et de pouvoirs effectifs de décision, tout en étant efficacement coordonnées et mises en synergie, au service du développement intégré et au plus près des populations concernées et des élus. Au-delà de ses importants aspects organisationnels et techniques, la déconcentration poussée et effective est tributaire de la consécration normative et pratique de principes touchant à la conception et à la mise en œuvre des politiques publiques, au style de gouvernement et d'administration, à l'affectation et à la gestion optimale des ressources humaines et budgétaires et à la coordination efficiente de l'action publique à chaque niveau territorial d'intervention de l'Etat dont, désormais et principalement, le niveau régional. De plus, la déconcentration est à envisager, non pas séparément, mais en lien avec l'évaluation, la mise en cohérence et l'optimisation de l'ensemble des modes et des organes CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre I : Conception générale Page 25 d'intervention de l'Etat : services de l'Administration, établissements décentralisés et agences à vocation sectorielle et/ou territoriale spécialisée, sociétés d'Etat, partenariats public privé, externalisations des services publics. Une vision et une politique d'ensemble à cet égard devraient accompagner la mise en place de la régionalisation avancée.
Un mécanisme de suivi et d'évaluation périodique du processus de déconcentration, en rapport avec ceux de la décentralisation sectorielle et de la régionalisation avancée, sera proposé dans le cadre des mesures d'accompagnement préconisées à la fin de ce Livre premier.
23. Territorialité et intersectorialité des politiques publiques
23.1. L'efficience des interventions de l'Etat à chaque niveau d'organisation territorial, leur pertinence aux yeux des citoyens et l'effectivité de leur impact réel seront assurées par leur mise en cohérence programmatique, leur synchronisation opérationnelle et la complémentarité des services aux populations, sans dédoublement ni déphasage. Les autorités gouvernementales en charge de tels secteurs veilleront, de manière coordonnée, à concevoir des politiques publiques territorialisées et à une synergie intersectorielle. Elles y associeront les services extérieurs et les organismes publics ayant la même compétence territoriale, ainsi que les organismes élus concernés et, le cas échant, le secteur privé.
23.2. Sans préjudice de l'approche spécifique nécessaire à la résolution de la problématique de la déconcentration poussée et effective des services de l'Etat, au sens restrictif des services extérieurs des départements ministériels, cette approche devra s'inscrire dans une vision globale, envisageant de manière cohérente l'ensemble des instruments et des modes d'intervention de l'Etat et de ses différents démembrements sectoriels et territoriaux dans la conception, la mise en œuvre et l'évaluation des politiques publiques. Dans le triple objectif de cohérence, de convergence et d'optimisation des actions et des ressources publiques, il est recommandé de :
a. Mettre en cohérence les attributions et le déploiement territorial des services extérieurs de l'Administration et des organismes publics décentralisés agissant dans des secteurs clés tels que l'éducation, la formation, l'hydraulique, les infrastructures de transport, l'habitat, l'urbanisme ;
b. Veiller à corriger ou à prévenir les interférences d'attributions, les dédoublements organisationnels et l'emploi inadéquat ou non économe des ressources humaines et matérielles entre les différents types de services et de structures déconcentrés ou décentralisés en charge de l'action publique de terrain.
23.3. Sera consacré et traduit dans les faits le principe de confier :
- à l'administration centrale, les missions d'orientation, de conception, d'animation, d'accompagnement et d'assistance, d'évaluation et de contrôle, dans le sens d'une délégation progressivement étendue des missions opérationnelles et de gestion aux services extérieurs et de proximité avec les administrés ;
- à l'administration régionale, les missions de coordination et de mise en cohérence des programmes et actions des services et organismes publics, de contractualisation avec l'administration centrale ainsi que de suivi de mise en œuvre ;
- aux administrations préfectorales et provinciales les missions de mise en œuvre des actions et projets, de leur maintenance et de leur gestion courante.
CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre I : Conception générale Page 26
23.4. Les stratégies et politiques publiques gouvernementales seront déclinées au plan territorial, par région, avec l'implication de l'administration régionale, en concertation avec les autres acteurs publics dans la région, notamment le conseil régional, et en tenant compte des principes d'intersectorialité, de convergence des projets et d'optimisation des moyens.
24. Délégation de compétences aux services déconcentrés
24.1. Les expériences sectorielles de déconcentration acquises devraient être évaluées en vue de leur généralisation à l'ensemble des secteurs et départements ministériels dont la représentation territoriale est indispensable de par leurs missions.
24.2. Les modalités et les seuils de délégation de pouvoirs et de crédits budgétaires aux responsables des services extérieurs dont, notamment, les directeurs ou délégués régionaux des ministères, doivent être clarifiés et modulés de manière à :
a. Doter ces responsables de marges d'initiative et de compétences décisionnelles leur permettant d'assumer, de manière crédible, des engagements suffisamment proactifs et diligemment réactifs, dans leurs rapports aux différentes administrations, aux autres acteurs publics et privés et aux conseils élus agissant dans le même champ de compétence territoriale;
b. Limiter au strictement nécessaire, sur la base de normes réglementaires communes et, le cas échéant, spéciales, la nature et le seuil d'importance des questions où s'impose la remontée dans la chaîne décisionnelle jusqu'à l'Administration centrale, de sorte à alléger les procédures et à écourter les délais d'interaction et de collaboration positives entre différents services et instances intervenant dans un même territoire;
c. Proportionner la responsabilisation des chefs d'administration régionale, provinciale et locale, ainsi que leur obligation de reddition des comptes à l'étendue des pouvoirs et au volume des crédits qui leur sont délégués.
24.3. Pour une meilleure optimisation des structures organisationnelles et des ressources humaines et financières, il conviendrait que certains départements ministériels qui ne peuvent prétendre à une vaste représentation territoriale déconcentrée, mais qui en ont besoin, au niveau régional, préfectoral ou provincial ou local, se fassent représenter par d'autres administrations techniquement connexes et qui en ont l'envergure et les moyens, et ce sur la base de conventions conclues entre les ministères concernés.
25. Généralisation des contrats-programmes et de la gestion par objectifs
25.1. Nonobstant la nature hiérarchique des relations entre les administrations centrales et leurs services déconcentrés, il convient d'évaluer, pour les développer, les expériences acquises en matière de recours aux contrats programmes entre ces deux niveaux pour la déclinaison territoriale des plans d'action sectoriels et pour le transfert corrélatif des compétences et des ressources de l'administration centrale vers les services extérieurs. Cette formalisation périodique des engagements réciproques des deux niveaux est de nature à rendre plus transparent, plus motivant et plus responsabilisant le processus de déconcentration.
25.2. Des modèles de contrat-programme seront établis, en y consacrant les principes de planification stratégique centrée sur les résultats, la gestion par objectifs et les engagements au reporting et à la reddition des comptes.
26. Développement des ressources humaines de l'administration déconcentrée
26.1. Le déploiement territorial de ressources humaines qualifiées recevra une attention prioritaire et sera considéré, outre les délégations de compétences et de crédits, comme un levier indispensable à la réussite de la déconcentration administrative.
26.2. Les organigrammes et les descriptifs postes/profils des fonctions des services déconcentrés, ainsi que l'affectation à ces derniers des cadres indispensables seront mis en adéquation qualitative avec la nature des compétences que ces services seront appelés à exercer, l'ampleur des responsabilités qu'ils auront à assumer, l'envergure des plans d'action dont ils auront la charge et l'importance des crédits qu'ils pourront gérer. Un effort planifié, soutenu, diligent et inscrit dans la durée devra être consenti pour atteindre un rééquilibrage raisonnable et judicieux de la répartition des cadres hautement qualifiés entre les administrations centrales et les services extérieurs au profit de ces derniers.
26.3. Des modalités créatives de motivation des cadres hautement qualifiés à exercer dans les services extérieurs et de leur encouragement à la mobilité territoriale seront recherchées et instaurées, y compris en modulant à cet effet les grilles indemnitaires et de prime et les rythmes d'avancement. De même, les promotions aux postes de responsabilité au niveau des administrations centrales pourront être conditionnées par l'exercice réussi de responsabilités au sein des services déconcentrés.
26.4. Tout spécialement au niveau régional, et eu égard au nouveau rôle attendu de la région en matière de développement intégré, il importe de relever les niveaux de qualification requis des responsables régionaux des départements ministériels concernés, ainsi que leur statut et les modalités de leur intéressement et de leur motivation axées sur les résultats de leur action.
27. Coordination de l'Administration publique en région
27.1. De par leurs missions de veiller à l'application des lois, des règlements et des décisions du gouvernement, et de représenter l'Etat dans les régions, les préfectures et les provinces, les walis et gouverneurs devront disposer de prérogatives claires et effectives pour assurer la coordination des services déconcentrés du territoire de leur ressort, veiller à leur bon fonctionnement et s'assurer de la bonne conduite de leurs projets et programmes.
27.2. Les conseils régionaux, provinciaux, préfectoraux et communaux devront trouver dans les walis et gouverneurs leurs interlocuteurs étatiques directs et privilégiés, dans leurs rapports à l'ensemble des administrations publiques, en matière d'information, de planification et de réalisation de leurs projets, d'assistance technique des services de l'Etat aux conseils élus et de partenariat entre ces deux parties.
27.3. La responsabilité et les prérogatives des walis et gouverneurs, en matière de coordination des services déconcentrés et de l'ensemble des organismes publics de leur territoire de compétence, devront être redéfinies de la manière la plus claire possible, afin de satisfaire à deux impératifs d'ordre politique et institutionnel, outre leur dimension administrative :
a. D'une part, la nécessaire sauvegarde de la responsabilité juridique et politique des ministres concernés eu égard à l'activité des services, y compris déconcentrés, placés sous leur autorité ;
b. D'autre part, le nécessaire instauration de mécanismes d'animation, de suivi et d'évaluation par les walis et gouverneurs rendant leur responsabilité de coordination effective et efficiente.
27.4. Sur cette base, les walis et gouverneurs seront informés des projets de contrats-programmes à conclure entre chaque administration centrale et ses services déconcentrés et pourront CCR/Rapport sur la régionalisation avancée/Livre I : Conception générale Page 28 émettre des observations à leur sujet, avant leur conclusion, en veillant à cette occasion, à la cohérence et à la convergence des programmes et projets de l'ensemble des services déconcentrés et des conseils élus et à la bonne prise en charge des besoins des périmètres de leur ressort.
27.5. Les walis et gouverneurs veilleront aussi au suivi de la mise en œuvre de ces programmes et projets et disposeront ainsi d'un droit de regard et d'information sur le fonctionnement et sur les résultats des services déconcentrés, ainsi que du droit d'interpeller ces derniers et de proposer les mesures correctives éventuelles aux ministres concernés.
27.6. Ils pourront proposer aux ministres concernés tout regroupement fonctionnel des services extérieurs qui ont des vocations connexes, dans le but de mutualiser les moyens et d'optimiser les résultats.
27.7. Dans les formes définies par le règlement, ils informeront régulièrement le premier ministre et les ministres concernés de l'évolution du processus de déconcentration dans leur périmètre de compétence, ainsi que de leur appréciation du fonctionnement des services déconcentrés et de la conduite de leurs projets et programmes.
Demain : Mesures constitutionnelles,
législatives et d'accompagnement


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