Mohamed Bensaid Aït Idder, résistant et homme politique, souligne que les pays arabes doivent tirer les enseignements nécessaires des évènements de la Tunisie et l'Egypte. Dans ce sens, Mohamed Bensaid appelle à des réformes constitutionnelles et politiques. Les propos. Al Bayane : Quelle lecture faites-vous des manifestations déclenchées en Egypte depuis le 25 janvier dernier ? Mohamed Bensaid Aït Idder : C'est le soulèvement des potentialités des jeunes et des forces vives de l'Egypte contre la tyrannie du pouvoir en place depuis trois décennies. C'est une révolution contre le despotisme. Les portes des libertés étaient fermées, les aspirations du peuple étaient ridiculisées et ses droits étaient bafoués. La crise de la démocratie et des libertés s'est débouchée sur une autre crise à la fois sociale et économique dans tout le pays. Et cela n'est pas uniquement propre à la Tunisie ou l'Egypte, le même constat est dressé également dans d'autres régimes arabes. Les révolutions tunisienne et égyptienne montrent aujourd'hui que l'ère de la tyrannie et de l'autoritarisme est bel et bien révolue. Les doléances des peuples doivent être prises en compte et satisfaites. Les peuples ont le plein droit de décider de leur avenir. Peut-on craindre une onde de choc des révolutions en Tunisie et en Egypte au-delà des deux pays ? C'est l'Histoire. Il faut revenir aux années cinquante du siècle dernier lorsque les peuples se sont révoltés contre les colonisateurs pour obtenir leur indépendance. Aujourd'hui, le malaise peut s'étendre. Car les revendications sont pratiquement les mêmes : la démocratie, la transparence, un bon enseignement, un logement décent et un respect de la dignité humaine en assurant les conditions d'une vie respectable. Il faut dire que la volonté des peuples s'est manifestée pour concrétiser ces objectifs. A mon avis, les gouvernants des autres pays arabes doivent anticiper et lancer immédiatement les réformes politiques, constitutionnelles nécessaires avant l'explosion. Au Proche-Orient, l'après Moubarak aura-t-il des conséquences sur le processus de paix israélo-palestinien ? L'Egypte est un grand pays avec son poids, son histoire et sa position géographique. Le pays des pharaons a toujours joué un rôle historique lors des mouvements de libération des peuples durant l'ère de la colonisation. A mon avis, la révolution qui s'est déclenchée aujourd'hui en Egypte n'est pas seulement celle des Egyptiens, mais elle est aussi celle de tous les Arabes. C'est une révolution contre le danger du sionisme et les ravages du despotisme. Il faut jeter un coup d'œil dans les cafés chez nous pour se rendre compte comment les regards des citoyens sont tout le temps rivés sur les chaines satellitaires en vue de suivre en direct les derniers développements en Egypte et auparavant en Tunisie. Jamais ces chaines satellitaires n'ont réalisé un tel taux d'audience. De là, l'on comprend que les Marocains sont au cœur des évènements et se sentent fortement intéressés par les résultats de ces manifestations. Peut-on faire une comparaison entre l'Egypte et la Turquie ? En Egypte, la force réelle des Islamistes demeurent inconnue puisqu'il n'y avait pas des élections transparentes. L'Egypte est un pays ayant un héritage et un poids. Chacun des deux pays à sa propre histoire et ses propres caractéristiques. En Egypte, il s'agit de manifestations pacifiques qui réclament des changements à la tête du pouvoir. L'Egypte, son poids et son Histoire pèsent fortement dans ce cas. Comme en Tunisie, le dénouement de la crise en Egypte semble également passer par l'institution militaire ? Comment expliquez-vous cela ? Dans les deux pays et les mouvements de protestations qui les ont secoués, il y a forte pression du peuple. Une présence et un appel au changement. Une forte pression de la population qui se manifeste pacifiquement. L'armée s'est retrouvée devant un carrefour, elle doit choisir. Et tout naturellement, dans les deux cas de figure, l'institution militaire s'est rangée du côté de la population qui a des revendications légitimes. Le Maroc est-il à l'abri de ces mouvements de protestation ? Nos jeunes sont conscients et ils ont les mêmes préoccupations que ces jeunes ayant été à l'origine des manifestations dans les deux pays (La Tunisie et l'Egypte). Ce n'est pas le même cas de figure et chaque pays a ses particularités et ses spécificités ; mais je pense qu'il faut agir et anticiper. Il faut amorcer des réformes constitutionnelles et politiques.