Les techniques de manipulation de faits réels auxquelles ont recouru des médias espagnols durant la couverture des incidents de Laâyoune, en novembre dernier, ont été dénoncées, lundi à Madrid, devant l'opinion publique espagnole et internationale. Elles seront, dans une deuxième étape, dénoncées devant la justice compétente en Espagne. Ce sont les parents de deux enfants palestiniens, Ahmed et Farah blessés lors d'un raid israélien contre leurs familles dans la bande de Ghazza en juin 2006, qui ont assumé la défense de leur honneur pour l'utilisation de leurs photographies comme s'il s'agissait d'enfants sahraouis, agressés par les forces de l'ordre marocaines, durant les derniers incidents de Laâyoune. Lors d'une conférence de presse, aussi bien les parents de Ahmed et Farah, que l'Association d'Amitié maroco-palestinienne, un journaliste de Ghazza et leur avocat, ont condamné la mauvaise intention d'utiliser par les médias espagnols, contre tous les usages professionnels communément admis dans la profession journalistique, des clichés de mineurs comme « support publicitaire » dans l'objectif de faire augmenter leur audience. Le recours à la justice, pour rétablir la vérité, est dicté par des considérations d'ordre humanitaire, ont-ils affirmé. D'ailleurs, cette initiative a été prise par les parents des deux enfants qui sont épaulés dans leur action par l'Association d'Amitié maroco-palestinienne sans nulle connotation politique. La reproduction des photographies d'enfants palestiniens, ensanglantés dans un centre hospitalier de Ghazza, et datant de juin de 2006, a eu un « effet de choc » sur leurs familles qui tentent depuis quatre ans de « cicatriser leurs blessures et enterrer leurs souffrances pour la perte de plusieurs de leurs membres » dans une agression de l'armée israélienne, a expliqué à Albayane, Faiz Abboushi, président de l'Association d'amitié maroco-palestinienne. En reproduisant ces photographies, les médias espagnols ont ravivé les séquelles de douloureux événements qui ont endeuillé deux familles pour la perte des mères des deux enfants et plusieurs autres membres de leurs familles, a-t-il déploré. « Notre objectif, en appuyant ces familles, est d'œuvrer pour le rétablissement de la vérité », a affirmé Abboushi précisant que son Association a préparé toutes les conditions de déplacement des parents des deux enfants de Ghazza au Maroc et par la suite en Espagne. Grâce à la coordination avec l'avocat marocain, maître Abed Amouhy, qui a pris attache avec un cabinet d'avocats espagnol, une plainte sera déposée dans ce sens auprès des tribunaux compétents à Madrid. L'acte des médias espagnols fut largement condamné à l'intérieur de la Palestine, dont le peuple considère la question du Sahara comme « sa cause nationale » de la « même manière que le peuple marocain fait sienne la cause palestinienne », a-t-il soutenu. « Nous nous opposons à toute tentative de morcellement du monde arabe » du fait, a proclamé Abboushi, « le peuple palestinien ne peut admettre aucune tentative de séparatisme qui pourrait porter atteinte à l'intégrité territoriale du Maroc, pays qu'il admire considérablement ». Sofiane Abdelkader, père du petit Ahmed (âgé actuellement de cinq ans qui s'est déplacé également à Madrid) a relaté à Al Bayane les faits dans un récit poignant: « notre histoire a commencé, le 21 juin 2006, lorsque l'armée israélienne avait bombardé la résidence de la famille qui recevait à l'heure du déjeuner des parents venus d'Arabie saoudite. Plusieurs invités ainsi que des membres de la famille ont été massacrés mais le petit Ahmed s'est sauvé de la mort parce qu'il fut miraculeusement protégé par son oncle, mortellement blessé dans ce raid. Il a été par la suite conduit à l'hôpital de Ghazza pour être soigné et c'est là où a été prise par l'agence Reuters sa photographie, qui fut largement diffusée par les médias espagnols ». Il s'est déclaré attristé par le fait que soit reproduit un cliché qui est « synonyme de tourments et souffrances d'une famille amputée de ses membres ». D'ailleurs, a-t-il indiqué à Al Bayane, « nos enfants en Palestine vivent dans des conditions difficiles mais nous voulons qu'ils soient protégés contre toute sorte de manipulation ». Le père de Farah, Nidal Abdelkrim Ouahbi, a précisé, pour sa part, que le cliché de sa fille a été pris également le 21 juin 2006 à l'hôpital de Ghazza. « C'est une photographie qui rappelle des événements douloureux puisque j'ai perdu, dans le même raid, mon épouse alors enceinte ainsi que mon fils Khaled ». La diffusion de la photographie de Farah est un « acte immoral et inhumain », a dit Abdelkrim Ouahbi qui a précisé que « nos enfants n'ont commis aucun crime pour être utilisés comme support publicitaire dans la commercialisation d'un produit mercantile». Au contraire, « nous souhaitons que les enfants palestiniens jouissent d'un futur radieux et nous ne voulons nullement que l'identité des enfants du monde, nonobstant leur nationalité ou leur confession, soit usurpée ou fasse l'objet de manipulation ». Les parents d'Ahmed et de Farah assurent être « surpris par la réapparition des clichés de leurs enfants », quatre ans après la disparition de leurs mères dans l'agression israélienne. Le journaliste palestinien, M'Hanna M'Hamed, a précisé à Albayane qu'il fut surpris par la découverte dans Web Sate de la diffusion des clichés de Ahmed et Farah. « L'utilisation de ces clichés est immorale à deux niveaux puisqu'elle est une violation de l'éthique de la profession, des codes de publication et d'édition, et, une violation des usages et conventions internationaux protégeant la dignité des mineurs ». Il s'est également déclaré « indigné » par le fait qu'une grande agence de presse, telle Efe, commette une telle erreur et la diffusion dans ces conditions de photographies sans s'assurer de sa source ni vérifier l'identité de son auteur. L'avocat espagnol, Javier Guissassola, en charge de la défense des intérêts des deux familles palestiniennes devant la justice espagnole, a expliqué à Albayane que la poursuite judiciaire des auteurs de ces actes se fera à travers un procès civil de réclamation contre la vulnération du droit à l'honneur et la propre image hors du contexte, surtout qu'il s'agit de mineurs. « Nous comptons que soit connue publiquement la réalité de ces faits pour que ne se reproduisent à l'avenir des situations pareilles », a-t-il affirmé. En tout cas, les médias espagnols ont diffusé des communiqués reconnaissant leur « erreur » mais la défense va « étudier toutes les preuves en sa possession pour déterminer le degré de responsabilité de chaque média » dans la reproduction des photographies des deux enfants palestiniens. Maître Abed Amouhy, qui a été chargé par l'Association d'Amitié maroco-palestinienne de défendre les deux familles palestiniennes, a précisé qu'il s'agissait d'une « question d'ordre humanitaire touchant les droits des enfants et c'est dans ce cadre que nous allons agir ». A ce niveau, il a été mandaté de déposer une plainte auprès des tribunaux compétents en Espagne en coordination avec l'avocat espagnol». Il sera appuyé, dans cette action, par l'avocat Guissassola.