Deux familles palestiniennes ont décidé de poursuivre en justice les médias espagnols ayant publié frauduleusement, en novembre dernier, la photo d'enfants palestiniens blessés dans une attaque israélienne sur Gaza en 2006 comme étant celle de "victimes de la répression marocaine" à Laâyoune. L'annonce de cette décision a été faite lors d'une conférence de presse tenue, lundi à Madrid, avec la participation des pères d'Ahmed et de Farah, les deux enfants palestiniens paraissant dans la photo, de l'avocat des deux familles, d'un représentant de l'Association d'amitié maroco-palestinienne et du journaliste palestinien Mohamed M'hanna. S'exprimant à cette occasion, l'avocat des deux familles palestiniennes, maître Javier Guisasola, a indiqué que la plainte qui sera déposée auprès de la justice espagnole contre les médias espagnols ayant publié de manière "frauduleuse et erronée" cette photo est en cours de préparation. Il s'agit d'une action en justice civile portant sur un délit "d'atteinte à l'honneur et à l'image", a-t-il précisé, soulignant que l'objectif de la famille des deux enfants palestiniens, dont la photo a été attribuée faussement à des "victimes" des incidents survenus dernièrement à Laâyoune, est une "reconnaissance publique" de cette erreur et la réparation du préjudice moral qu'elles ont subi. Maître Guisasola a ajouté que la défense possède une liste exhaustive des médias espagnols ayant diffusé cette photo qui pourraient être poursuivis devant la justice, notamment l'agence de presse officielle espagnole "EFE". "EFE" avait diffusé une photo d'enfants blessés à la tête recevant des soins dans un hôpital, qui a été reprise par les grands journaux espagnols, prétendant qu'il s'agit "de victimes de la répression marocaine" à Laâyoune, alors qu'il s'est avéré qu'il s'agit d'une image d'enfants de Gaza, victimes de l'agression israélienne en 2006. Pour sa part, Soufiane Abeljaber Ahmed, père de l'enfant Ahmed qui était présent lors de cette conférence de presse, a souligné que lui et sa famille ont été stupéfaits par la publication de cette photo par des médias espagnols, alors qu'ils essayaient encore d'oublier les séquelles psychologiques et physiques de l'agression israélienne sur Gaza dont ils ont été victime en 2006. "Les mots ne suffisent pas pour décrire notre chagrin et notre stupéfaction lorsque nous avons découvert de nouveau cette photo dont la publication par les médias espagnols a rouvert les blessures du passé", a-t-il relevé, faisant savoir que même l'enfant Ahmed a commencé à poser des questions lorsqu'il a vu sa photo à la télévision. Abeljaber Ahmed a indiqué que le drame que cette photo lui rappelle ce qui s'est produit le 21 juin 2006 lorsque sa maison a été la cible d'un bombardement de l'armée israélienne qui a fait plusieurs morts et des blessés graves dont sa femme qui était enceinte de neuf mois et qui est restée dans un coma pendant 45 jours. Nidal Adelkarim Wahbi, père de la petite fille Farah qui apparaît aux côtés d'Ahmed dans la photo en question, s'est remémoré, avec une plus grande émotion, le souvenir de cette image et de l'événement qui lui est associé, surtout qu'il avait perdu son épouse dans cette agression de l'armée israélienne. "Cette photo est associée à une histoire tragique. Mon épouse, qui était enceinte, et mon fils Ahmed ont tous les deux été tués dans le bombardement israélien sur notre maison" à Gaza en 2006, a fait savoir Adelkarim Wahbi. "L'instrumentalisation de cette photo par certains médias espagnols nous a replongé dans la tristesse et l'angoisse", a-t-il déploré, ajoutant que cela a provoqué un grand préjudice psychologique à sa famille, notamment à la petite Farah qui a revécu le drame de la perte de sa mère et de son frère. Faiz Abboushi, de l'Association d'amitié maroco-palestinienne qui a décidé de se constituer partie civile au futur procès contre des médias espagnols, a souligné que la publication par ces médias de cette photo a eu un "impact négatif" sur les deux familles palestiniennes qui tentaient, tout au long des quatre dernières années, d'oublier la souffrance provoquée par l'attaque israélienne de 2006 sur Gaza. L'Association d'amitié maroco-palestinienne insiste sur le côté humanitaire de cette affaire, notamment en plaidant pour la réparation du préjudice moral provoqué aux familles des deux enfants palestiniens, a-t-il ajouté. Mohamed M'hanna, le journaliste palestinien qui a avisé les deux familles palestiniennes de l'usage frauduleux de la photo des deux enfants, a qualifié d' "immorale et de non-professionnelle" la publication par certains médias espagnols de cette photo, en outre contraire à toutes les lois et à la déontologie de la profession de journalisme. "Les enfants palestiniens ont vécu et vivent encore dans la souffrance. Nous rejetons catégoriquement l'instrumentalisation de leur photos et nous refusons de leur faire infliger d'autres souffrances", a-t-il insisté, ajoutant que l'association de cette photo à des soi-disant "victimes la répression marocaine" représente un cas "inédit" en la matière.