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Sondage d'opinion de l'Institut espagnol Elcano : Manipulation pour discréditer le Maroc
Publié dans Albayane le 24 - 12 - 2010

La guerre médiatique, déclarée en Espagne contre le Maroc et ses institutions de juillet jusqu'au début décembre 2010, a eu finalement les effets souhaités par certains hommes politiques et animateurs d'un courant d'opinion hostile aux marocains.
L'attitude adoptée dans ce sens par certains médias et les deux chambres du Parlement espagnol à l'égard des événements de Laâyoune, a fortement conditionné les résultats d'un sondage d'opinion, diffusé le 17 décembre courant par l'Institut Royal Elcano. Ce sondage situe le Maroc parmi les pays les moins appréciés par l'opinion publique espagnole, tels Israël, Cuba, Venezuela et Iran. C'est un précédent très grave dans les études sociologiques puisqu'un Etat voisin est honni à trois niveaux: une instance législative (le Parlement), un instrument de mesure de l'opinion publique (l'Institut Royal Elcano) et les médias de masse. Il est judicieux d'analyser les résultats apportés par le dernier baromètre d'Elcano, un organisme public qui est financé par le ministère espagnol des affaires extérieures. Cet institut démoscopique fut lancé, le 27 décembre 2001, quelques semaines seulement après le rappel sine die par le Maroc de son ambassadeur, Abdeslam Baraka, en pleine crise entre le Maroc et l'Espagne. L'ancien gouvernement conservateur, dirigé alors par José Maria Aznar, avait voulu en faire un Think Tank dont les travaux devront servir dans la prise de décisions concernant les relations de l'Espagne avec l'extérieur. Les résultats des sondages d'opinion ainsi que les travaux des chercheurs de cet institut, publiés dans sa page Web, constituent un important fonds de données mis à profit par la diplomatie espagnole et les pouvoirs publics. La structure du questionnaire est la plateforme qui détermine en fin de compte les objectifs visés par cet institut à travers la réalisation d'un baromètre. A ce niveau, le Maroc a été présent dans tous les sondages d'opinion à travers au moins trois questions (relations hispanomarocaines, perception du voisinage et appréciation du régime marocain). Le dernier baromètre a été organisé entre les 28 octobre et 10 novembre dernier via une enquête quantitative par téléphone qui a concerné un échantillon de 1.200 personnes (de plus de 18 ans, établi selon la distribution nationale de la population espagnole).
En théorie, les résultats d'un baromètre sont valables mais ne sont pas fiables du point de vue scientifique, de manière que tout observateur doit les prendre avec énormément de précaution à l'heure de déterminer une attitude. De ce fait, les observations de la société, dans son ensemble, couvrent un espace beaucoup plus grand, une distance de temps plus longue et une quantité plus importante des événements qui les touchent directement. Le dernier sondage d'Elcano, dont les conclusions sont totalement hostiles au Maroc, avait coïncidé avec une période de crise alimentée par des attitudes adverses à cause de l'implication des médias, ONG pro-POLISARIO et les forces conservatrices généralement réputées pour leur hostilité à l'intégrité territoriale du Maroc. Les journaux espagnols ont trouvé, dans les résultats de ce baromètre, un bon prétexte pour relancer leurs critiques contre le Maroc et le débat sur le futur du Sahara et les droits de l'homme au Maroc. Curieusement, certains médias marocains ont repris les commentaires de leurs homologues espagnols sans prendre la peine d'analyser avec un œil critique les résultats de ce sondage dans leur globalité. En peu de mots, le Maroc a été décrié et critiqué à tort dans un sondage d'opinion dont l'objectif était de faire coïncider les attitudes politiques et médiatiques avec celles de la société. Dans ces conditions, le Maroc a été jugé à travers des stéréotypes ancrés dans l'imaginaire collectif, une situation passagère (incidents de Laâyoune) et les caprices des médias et de l'opposition de droite en quête d'audience. Un bloc de cinq questions a été consacré au Maroc, sur un total de neuf blocs, ce qui corrobore l'intérêt réservé au royaume.
Que dit le baromètre de décembre 2010 sur le Maroc?
D'abord, dans l'échelle des valeurs, le Maroc a obtenu 3,9 points sur dix, soit une note inférieure à celle attribuée à Israël (4,1 points). Il est inconcevable que le Maroc, pays voisin et uni à l'Espagne par de forts liens aux plans économique, humain et historique soit moins apprécié qu'Israël par la société espagnole. Cette entité, qui se considère comme la source de la plupart des conflits et foyers de tension dans le monde, est aussi la responsable du génocide du peuple palestinien, de la purification ethno-religieuse, de la violation systématique des droits humains et des résolutions onusiennes. En janvier 2009, de gigantesques manifestations pacifiques avaient réuni des millions de marcheurs dans la plupart des villes espagnoles pour protester contre les bombardements israéliens contre Ghazza. C'était une véritable démonstration de la société espagnole contre la politique d'extermination et hégémonique des dirigeants israéliens.
D'autre part, seulement 8% des personnes interrogées en Espagne croient que les droits de l'homme sont respectés au Maroc. Ce pourcentage place le royaume en bas de la grille en cette matière bien derrière Cuba, la Chine et Venezuela. Ce pourcentage interpelle les associations marocaines de défense des droits de l'homme et les invite soit à faire une autocritique soit à élaborer un sondage d'opinion dans le même sens concernant la société marocaine pour pouvoir le démentir. Dans un Etat en pleine transition démocratique comme le Maroc, un tel pourcentage serait peu compatible avec la réalité et met en cause les efforts que ne cesse de déployer la société civile pour l'amélioration des rapports entre citoyens et administration. L'engagement collectif des acteurs politiques et sociaux au Maroc de mettre fin aux pratiques héritées des « années de plomb » traduit la volonté de tourner la page des droits de l'homme bien qu'il soit en cette matière difficile d'atteindre une unanimité de critères. L'amélioration de la situation des droits humains au Maroc est corroborée dans les rapports de grandes organisations humanitaires, de l'Union Européenne et ONG marocaines.
S'agissant de la question du Sahara, 39% des personnes consultées sont favorables à l'indépendance de ce territoire, 25% appuient une autonomie au sein du Maroc, 8% sont favorables au maintien de la situation actuelle, 7% sont indifférentes et 22% ne s'y sont pas prononcées. Contrairement au grand tapage concernant un présumé appui unanime de la société espagnole aux thèses séparatistes du Front POLISARIO, ces données démontrent à tel point la question du Sahara est largement instrumentalisée en périodes de crise pour affaiblir l'image du Maroc auprès de l'opinion publique espagnole. En outre, 40% des personnes interrogées sont favorables à l'actuelle situation, indifférentes à la polémique autour des cette question ou favorables à la proposition du Maroc de favoriser une large autonomie du Sahara. Il est loin de dire que la majorité des espagnols soutient, comme le laissent entendre les médias, « inconditionnellement » les thèses du POLISARIO. En dépit du conditionnement du questionnaire et du timing du sondage, 29% des personnes interrogées se montrent indifférentes ou refusent de se prononcer sur le conflit du Sahara. Ces deux données suffisent pour admettre qu'il s'agit d'une question mal expliquée en Espagne par les médias, exploitée à outrance par les forces politiques à des fins électoralistes et manipulée par des ONG qui survivent grâce aux subventions publiques sous le couvert du soutien à une cause humanitaire.
Les relations maroco-espagnoles ont mérité trois questions – clés: une sur la perception qui se fait d'elles, une autre sur leur état actuel et une troisième sur leur futur immédiat, c'est-à-dire comment vont-elles se développer en 2011.
A la lumière des résultats du baromètre d'Elcano, l'état des relations entre le Maroc et l'Espagne a été négativement jugé par la majorité des personnes consultées. Elles leur ont attribué quatre points sur un total de dix, une note quasi similaire à celle accordée aux relations qu'entretiennent Madrid et Tel Aviv (3.9 points). De la même manière, seuls 10% de ces personnes considèrent que les relations entre Rabat et Madrid ont enregistré une certaine amélioration alors que 39% pensent que celles-ci se sont détériorées en 2010. Enfin, 20% des personnes consultées estiment que ces relations vont s'améliorer en 2011, c'est-à-dire que 80% d'entre elles sont pessimistes quant à leur avenir.
Appréciation générale
Dans tout sondage d'opinion, le but ne consiste pas à mesurer une vérité mais de connaître les perceptions d'un échantillon représentatif de la société. Les commentaires de presse et les débats aux chaînes de télévision organisés en Espagne sur les événements de Laâyoune étaient basés, de ce fait, sur des perceptions et points de vue de journalistes et non sur des faits qui déterminent l'opinion publique. L'opinion collective exprimée ou assumée (organisations sociales) et l'opinion publiée (des journalistes) exercent souvent une influence sur toute personne. Cette situation a été vécue pendant la guerre menée contre le Maroc par les médias et le Parti Populaire, durant le mois de novembre, a eu probablement une influence directe sur les perceptions des personnes qui ont formé l'échantillon de l'enquête.
Leurs réponses se nourrissent de stéréotypes, des commentaires des médias qui se sont convertis en adversaires du Maroc, et des attitudes proclamées par les leaders d'opinion et de partis politiques qui ont introduit le Maroc dans l'agenda politique pour fragiliser un gouvernement socialiste en perte de vitesse. Dans ce sens, le baromètre d'Elcano a failli à sa mission d'informer de manière impartiale sur les perceptions de la société. Il a été fortement conditionné par la conjoncture et le contenu du questionnaire dont certaines questions ont été intentionnellement élaborées dans le sens d'obtenir les résultats souhaités. En principe, tout sondage a pour objectif d'apporter des informations sur ce que pensent une partie de la société au sujet d'une situation déterminée pour aider les décideurs (politiques, économiques ou entrepreneurs) en perspective de la prise d'une décision.
L'analyse du baromètre d'Elcano révèle que le Maroc est vu comme étant un ennemi direct de l'Espagne et une menace permanente pour ses intérêts. Les résultats négatifs dégagés par les chercheurs d'Elcano situent le royaume en bas de l'échelle des valeurs. En repassant des cas pratiques dans le registre des enquêtes sociologiques, de tels résultats ne pourraient être atteints qu'en période de confrontation armée entre deux Etats. Pourtant, plusieurs aspects des relations maroco-espagnoles contredisent cette fausse perception.
D'abord, l'Espagne est le 2 ème client et le 2 ème fournisseur du Maroc alors que le taux de croissance annuel moyen des échanges commerciaux a été de 12% au cours de la période 2002/2008, selon un rapport officiel rendu public en juin dernier. Ensuite, l'Espagne abrite une communauté marocaine forte de 728.234 personnes en situation légale (30,41% des immigrés en Espagne au 31 octobre dernier). Enfin, les investissements espagnols au Maroc ont été de 563,960 millions d'euros en 2008.
La plupart des travaux des chercheurs d'Elcano excellent généralement dans la critique des positions marocaines surtout lorsqu'ils traitent de la question du Sahara, du mouvement islamique et des droits humains. Plusieurs de ces chercheurs sont des collaborateurs habituels de publications hostiles au royaume tel le Groupe d'Etudes Stratégiques ou Libertad Digital, proches des cercles conservateurs. Le baromètre d'Elcano, qui devait en principe être une source d'information impartiale, s'est converti en fin de compte en un instrument de dénigrement qui verse dans la campagne orchestrée contre le Maroc aussi bien par les médias, le parlement que par les forces politiques conservatrices.


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