Mme Trinidad Jiménez, ministre espagnol des relations extérieures, a été soumise, mardi et jeudi à un double examen par l'opposition au sénat et au Congrès des députés, et le directeur d'un grand journal, lors d'un débat télévisé sur les incidents de Laâyoune. Dans les trois épreuves, elle a réussi à épingler ses détracteurs qui exigeaient une intervention de l'Espagne par tous les moyens possibles dans les affaires intérieures du Maroc. Convaincue de l'importance de la coopération multiforme avec le royaume, qu'il a qualifié de pays «ami», elle a rejeté les attitudes qui galvanisent l'opinion publique pour pousser le gouvernement de Zapatéro à imposer un diktat aux autorités du Maroc concernant la manière de veiller à la sécurité de ses citoyens, la liberté de circulation des médias étrangers ou l'implication directe comme acteur incontournable dans le conflit du Sahara. A la chambre basse, jeudi en fin d'après-midi, Mme Trinidad a opté pour un discours plus direct pour expliquer la position du gouvernement espagnol à l'égard du problème du Sahara et des incidents de Laâyoune ainsi qu'à l'égard du futur des relations maroco-espagnoles. Elle a précisé que, faute de données officielles et définitives, elle ne peut en aucun cas entrer dans le jeu de l'opposition qui lui demandait de «condamner» la politique du Maroc et la manière dont il avait géré la question du campement de Gdeim Izik. De même, a-t-elle révélé, les contacts entre les autorités marocaines et espagnoles qui sont «permanents» pour pouvoir «organiser» la présence des journalistes espagnols à Laâyoune en vue d'offrir des «informations dignes de foi». Réfutant les accusations versées contre le gouvernement espagnol et le Maroc en rapport avec les incidents de Laâyoune, le chef de la diplomatie espagnole a plaidé pour la «prudence» avant de se prononcer ou exprimer une attitude. «Tant que nous n'avons pas encore en notre possession des données exactes sur ce qui s'est passé (au camp de Gdeim Izik), je ne peux m'aventurer, en tant membre du gouvernement, à exprimer une opinion définitive», a dit Mme Trinidad qui a rejeté les insinuations de l'opposition de gauche quant à l'éventuelle existence d'un troc de principes pour des intérêts économiques ou «un double langage» pour l'absence d'une condamnation de la part du gouvernement espagnol des incidents de Laâyoune. Mme Trinidad, qui a expliqué qu'un «gouvernement responsable doit s'armer de la patience jusqu'á l'obtention de résultats définitifs avant de rendre publique une opinion», a justifié cette attitude par la disparité des bilans. Au moment où les autorités marocaines font état de 12 morts, le Front Polisario avance un chiffre qui est le triple (36 mort), a-t-elle observé notant que dans de telles circonstances, il faut s'appuyer sur des données crédibles pour pouvoir «apporter une réponse politique à l'avenir». Au Sénat, mardi, Mme Trinidad a été amenée à répondre à une batterie de questions orales à la session de contrôle du gouvernement adressées par l'opposition aussi bien de droite que de gauche. Interpellée par quatre groupes parlementaires au sujet des incidents de Laâyoune, Trinidad Jiménez a expliqué les raisons qui justifient l'adoption par le gouvernement d'une position prudente dans l'attente de «disposer de données confirmées» et pour ne pas tomber dans la « spéculation » au sujet des incidents survenus au Sahara. En aucune circonstance, a-t-elle assuré, le gouvernement espagnol ne peut se permettre d'aller au-delà de l'expression de sa «profonde préoccupation» comme l'ont fait d'autres gouvernements, institutions ou organisations internationales en rapport avec cette question. Le chef de la diplomatie espagnole a mis en garde contre les positions peu crédibles et non appropriées puisque «les faits» sont têtus et «ont des conséquences, de la même manière que les prises de positions superficielles et dépourvues de données ont aussi des conséquences». Pour cela, Mme Jiménez s'est abstenue de tomber dans la stratégie des adversaires du Maroc en évitant de commenter les conséquences du démantèlement du camp Gdeim Izik. Elle a cependant exprimé sa confiance en la connaissance «dans les prochains jours» du bilan réel des victimes parce que, a-t-elle précisé, les chiffres qui circulent actuellement en Espagne ne peuvent être considérés comme données «irréfutables». De toute manière, a-t-elle ajouté, il y avait eu des victimes des deux parties, douze dans les rangs des forces de l'ordre et deux parmi les civils. S'agissant du Conflit du Sahara, le chef de la diplomatie espagnole a réitéré la position de Madrid qui est favorable au dialogue entre les parties comme «unique voie» qui pourra conduire à «une solution politique, juste, durable et mutuellement acceptable». Il s'agit de la même position adoptée «constamment» par l'ONU depuis 2002, a-t-elle rappelé notant que son pays se propose de contribuer à toute initiative tendant à résoudre ce contentieux. Le ministre espagnol s'est déclaré surpris par l'attitude du PP à l'égard de la question du Sahara notant qu'en 2003, alors vice-président du gouvernement, son actuel leader, Mariano Rajoy, avait déclaré qu' «uniquement sur la base du consensus entre les parties, il sera possible d'atteindre une solution» de ce conflit. Mme Jiménez a révélé, à ce titre, que l'Espagne est le premier donateur en termes d'aide au développement du peuple sahraoui auquel elle a octroyé 21 millions d'euros en 2009, un montant quatre fois supérieur à celui que lui avait accordé, en 2003, le PP (alors au pouvoir). La réaction de Mme Jiménez vient pour contredire la position d'un sénateur du PP qui proclamait que l'Espagne ne pouvait renoncer à la souveraineté sur le Sahara pour le fait d'être «l'ancienne puissance administrative» du territoire. Selon lui, «le peuple sahraoui court le risque d'extinction » et qu'il existe, dans la position des socialistes, une contradiction entre « la défense de la libre autodétermination du peuple sahraoui et l'appel en même temps à une solution négociée avec le Maroc». Mme Jiménez a également rejeté les propos du groupe mixte qui accusait le gouvernement espagnol d'adopter une «position de débilité» face au Maroc, et, ceux de la Gauche Unie qui réclamait la «protection» d'une «presse libre et espagnole» au Sahara. Le soir, au canal Veo7, une Télévision Numérique Terrestre, Mme Jiménez a fait preuve d'une subtile capacité de réaction au déluge de questions venues de la part du directeur du El Mundo et d'une représentante du Polisario en Espagne dans un débat sur l'attitude du gouvernement espagnol à l'égard des incidents de Laâyoune. Elle a justifié, ainsi, son absence de la manifestation pro-sahraouie, du 14 novembre à Madrid, par son refus d'assister à une marche «où ils vont critiquer le gouvernement, inciter à la violence et brûler des drapeaux» bien que les socialistes «contrairement au PP, ont toujours manifesté leur solidarité à l'égard du Front Polisario et des sahraouis». Pour cela, elle a affirmé que «pour être utile» il ne faut pas recourir à la «la politique des pancartes». En rapport avec les incidents de Laâyoune, le ministre espagnol a précisé que «nous n'avons pas d'information spéciale, mais uniquement celle dont dispose le reste des gouvernements et organismes internationaux». D'autant plus, elle a assuré qu'elle ne pouvait «spéculer ni se prêter à l'évaluation d'opinions» ou «se laisser guider par ce qu'il publie un moyen de communication» concernant le bilan des victimes parce que «je dois m'attacher, comme le fait le gouvernement, à ce que d'autres gouvernements rendent public». D'ailleurs, a-t-elle affirmé, «parmi les morts auxquels se réfère le Maroc, dix sont des agents de police et des gendarmes». Elle a reconnu que son pays «entretient dans de nombreux domaines d'intenses relations avec le Maroc» qu'il a qualifié de «pays ami». Rétorquant aux appels des milieux qui critiquent le maintien de relations normales et permanentes avec le Maroc, elle a plaidé pour l'importance de la tenue des «conversations et concertations avec le gouvernement de Rabat», qui est, a-t-elle soutenu, «l'unique manière d'être utile pour servir les intérêts du peuple sahraoui». Elle s'est déclarée convaincue, concernant le conflit du Sahara, qu'il «n'y aura aucun type de décision qui ne soit le résultat de l'accord des parties (concernées) et sous la tutelle des Nations Unies». En tout cas, elle a été catégorique en précisant qu'«après un conflit de trente ans, je ne vais pas spéculer sur une solution» pour le Sahara. La meilleure manière pour éviter de pareils incidents á l'avenir consiste à maintenir la sérénité et fortifier le dialogue sur la question du Sahara au sein de l'ONU. «C'est la position que nous devrions adopter tous avec responsabilité si nous aspirons à une solution pour ce conflit», a proclamé à l'adresse de l'opposition de droite qui réclamait le recours à la «fermeté» dans les rapports entre l'Espagne et le Maroc. En réaction aux appels à la confrontation avec le Maroc Zapatero opte pour la Realpolik Le gouvernement espagnol a rompu le silence, mardi, pour reprendre l'initiative dans la défense des relations amicales et de bon voisinage avec le Maroc. La campagne menée à l'origine des incidents de Laâyoune, à la fois contre le Maroc et ses institutions, a largement débordé le stade de la critique pour exiger de l'Espagne d'intervenir dans les affaires intérieures d'un pays voisin. Elle a été arrangée par les lobbies adversaires de la souveraineté du Maroc et médias connus traditionnellement pour leur haine viscérale du peuple marocain, dans le simple objectif de maculer son image et calomnier ses institutions. Assumant avec stoïcisme, durant une semaine (8-15 novembre) la virulence de l'opposition de droite et des acteurs sociaux pro-Polisario, ainsi que les réquisitoires des médias qui se sont érigés en partie prenante dans le conflit du Sahara, José Luis Rodriguez Zapatéro, chef de l'exécutif et leader du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) a finalement autorisé ses ministres et députés à démanteler la stratégie du Parti Populaire (PP-opposition majoritaire au parlement) qui appelle à une confrontation ouverte avec le Maroc. Les incidents de Laâyoune, largement instrumentalisés par les médias, constituent uniquement un argument conjoncturel pour le PP en vue de diriger une guerre d'usure contre les socialistes. Le Sahara n'a jamais été, d'ailleurs, inscrit comme thème primordial dans ses programmes électoraux. Les socialistes devaient intervenir sur deux fronts : au parlement et aux médias. Deux vice-présidents de gouvernement (Rubalcaba et Chaves), deux ministres (Trinidad Jiménez, des relations extérieures, et Gonzalez Sinde de la Culture) et les porte-parole du groupe socialiste au Congrès des Députés ont assumé la mission de répliquer à la stratégie du PP de vouloir conduire au terrain de la confrontation les relations maroco-espagnoles, et aussi à la manipulation de la réalité faite par les médias. Dans toutes leurs interventions, ils ont défendu la loyauté du Maroc dans la coopération avec l'Espagne, son importance comme un partenaire stratégique en Méditerranée Occidentale dans la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et la menace intégriste. Ils ont également appuyé sans ambages la défense par le royaume de sa souveraineté ainsi que l'importance des intérêts communs dans les domaines économique, commercial et humain. De même, soutiennent-ils, l'Espagne peut contribuer dans la recherche d'une solution de la question du Sahara en appuyant le processus de négociations entre les parties concernées sous les auspices des Nations Unies. Ils ont admis que l'Espagne n'assume plus aucune responsabilité dans le conflit du Sahara, depuis le 26 février 19976, jour où avait pris fin son administration du territoire. Il existe «seulement un lien historique», a proclamé au congrès des députés, jeudi, Mme Trinidad Jiménez, ministre des relations extérieures. Conscient de l'importance des intérêts communs et stratégiques, le gouvernement espagnol opte ainsi pour le respect mutuel des valeurs communes (Etat de droit, droits humains, pluralisme politique, égalité sociale) et le pragmatisme qui régit la doctrine générale des relations extérieures pour que celles-ci soient à l'abri des tensions conjoncturelles. M.B Rubalcaba admet la bonne foi de la version offcielle du Maroc Le premier vice-président du gouvernement et ministre de l'Intérieur espagnol, Alfredo Pérez Rubalcaba, a coupé court à l'élan pris par le flot de déclarations, d'informations tendancieuses, supputations et attitudes hostiles au Maroc en affirmant que «le gouvernement espagnol a reçu une version détaillée et minutieuse ainsi que l'engagement de mener une investigation» de la part des autorités de Rabat en rapport avec les incidents de Laâyoune. C'est avec cette affirmation, que Rubalcaba a résumé, lors d'une conférence de presse, les trois heures d'entretien qu'a eu avec son homologue marocain, Taieb Cherkaoui, durant une courte visite à Madrid, mardi. «J'ai fait part au ministre marocain de la préoccupation du gouvernement de Madrid face à certaines graves accusations. Pour sa part, il m'a donné un aperçu des faits qui réfute ce type d'accusations. Comme je l'avais sollicité, j'ai eu l'engagement du gouvernement marocain de mener une investigation sur tout type de donnée, tout nom ou toute sorte de préoccupation qu'aura le gouvernement espagnol en relation avec ce qui a eu lieu récemment à Laâyoune», a indiqué Rubalcaba. Annonçant qu'il a eu le privilège d'être informé d'une série de données de caractère privé sur les opérations menées en rapport avec les incidents de Laâyoune, il a cité comme exemple, l'engagement de la part des autorités marocaines d'éclaircir les circonstances dans lesquelles est décédé «un ressortissant espagnol» dans ces incidents. Bien que la «clarté» et la «sincérité» aient dominé la réunion, la présence de journalistes espagnols à Laâyoune n'a pas été abordée du fait que cette question ne relève pas de la compétence du ministère de l'Intérieur au Maroc, a-t-il précisé. Des conversations de «haut niveau» ont été, en outre, engagées avec le gouvernement marocain en vue de transmettre une proposition en relation avec cette question, a-t-il révélé. Le premier vice-président du gouvernement espagnol a, par ailleurs, rappelé, en relation avec le conflit du Sahara, que durant les derniers 35 ans, il y a eu «des médiations, cessez-le-feu, résolutions de l'ONU qui n'ont donné aucun résultat». Il a réitéré, dans ce contexte, la position de Madrid qui consiste à appuyer les négociations entre le Maroc et le Front Polisario à l'ONU, une «voie qu'il faut encourager parce qu'elle est l'unique forme d'aboutir à une solution juste, durable, stable et raisonnable pour les deux parties». M.B Chaves : Le gouvernement espagnol a adopté «la position correcte» Manuel Chaves, troisième vice-président du gouvernement espagnol, a soutenu, jeudi, que son pays a «adopté la position correcte» à l'égard des incidents de Laâyoune. Dans l'attente de disposer de données fiables et complètes et d'adopter une «position très correcte», le gouvernement doit «traiter de maintenir les concertations avec le Maroc, qui sont très importantes pour des raisons de stabilité, de sécurité» et parce qu'elles aussi sont «en rapport avec les mouvements migratoires, la lutte contre le terrorisme», a dit Chaves lors d'une conférence de Presse à Saragosse (325 km de Madrid). Cette attitude est parfaitement «compatible» avec la défense des droits de l'Homme «et la démocratie dans toute partie du monde, y compris le Maghreb», a ajouté Chaves. Pour cela, il a expliqué que le problème du Sahara n'affecte pas seulement l'Espagne mais également l'Union Européenne qui discutera de la situation au Sahara le 13 décembre prochain à Bruxelles. Mardi dernier, Chaves avait écarté, lors d'un déjeuner de presse à Madrid, tout pronostic selon lequel le conflit du Sahara aurait un coût électoral élevé pour les socialistes. L'attitude du gouvernement a été bien « comprise » par la société bien qu'«une grande partie de l'opinion publique est pro-sahraouie». Les socialistes vont «déployer tous les efforts» pour que la position du gouvernement soit «bien comprise». Dans ce contexte, il a soutenu qu'au moment où le gouvernement «défend les intérêts de l'Espagne» dans ses relations avec le Maroc, il appuie en même temps «le dialogue» entre Rabat et le front Polisario pour la recherche d'une « position d'équilibre» et d'une solution au contentieux du Sahara. Comme il est «conscient» de la défense de ses intérêts au Maroc, il est également appelé à «préserver la sécurité et la stabilité au Maghreb, la lutte contre Al Qaeda ou la coopération dans la gestion des mouvements migratoires». Tous ces thèmes «affectent les intérêts de l'Espagne et c'est dans ce domaine que nous voulons situer le point d'équilibre», a-t-il observé. M.B PSOE : “Le Maroc est un facteur de stabilité dans tout le Maghreb” Le porte-parole du groupe socialiste à la Chambre basse espagnole, José Antonio Alonso, a qualifié le Maroc de «facteur de stabilité´» de l'ensemble du Maghreb mais également pour l'Espagne et l'Europe. Lors d'une conférence de presse, le porte-parole socialiste a rappelé «qu'avec le Maroc nous avons de bonnes relations, raison pour laquelle nous sommes appelés à les préserver». D'ailleurs, en ce qui concerne la question du Sahara, l'Espagne «joue un rôle et le jouera de manière claire, responsable et cohérente», a dit le député socialiste rappellant «la constante position historique de l'Espagne d'appui au Plan Baker II». Dans son argumentation, le député socialiste et ex-ministre de l'Intérieur et de la Défense, a affirmé, qu'il n'aurait aucune rupture entre le gouvernement et les bases du Parti Socialiste Ouvrier espagnol (PSOE : au pouvoir) pour l'attitude «sérieuse, sensée et responsable» adoptée à l'égard du Maroc dans la crise du Sahara. M.B