«Je mourrai un stylo à la main, comme je m'endors» Phrase de Jean-Pierre Koffel Quelle expression de la part d'un homme qui aimait écrire ? Oui c'est Jean-Pierre Koffel : l'homme au grand cœur, l'homme de culture qui, quand il entendait le mot revolver, il sortait sa culture, le premier grand poète du Maroc qui partait d'un mot pour aboutir à un poème, l'enseignant, l'inspecteur, le romancier, qui nous a quitté l'après midi du 2 novembre 2010. M. Koffel ? C'est sûr que votre mort est une grande perte pour les poètes et francographes marocains ainsi que pour la littérature marocaine et française, laquelle a été enrichie par vos écrits. Nous n'oublierons jamais ce que vous avez fait pour les Francophones marocains ; et les 551 pages et plus de Création : la page culturelle du quotidien Al Bayane que vous animiez pendant plus de 12 ans sont témoins de votre générosité et gloire culturelles, cette page qui a eu un lectorat très important grâce à vous, page qui, elle aussi, comme ses lecteurs, vous pleure, et se sent orpheline, tout comme Yves – ton roman écrit en 1949 que j'ai eu l'honneur d'être le deuxième à le lire après le Docteur Demacon – un héros parmi d'autres dans votre roman Argaze Izgane ou l'homme immobile, qui ne sera plus en état d'immobilité et qui, après votre mort, voyagera entre les mains de vos admirateurs et lecteurs. Vos amis les oiseaux qui venaient chaque jour sur votre fenêtre et auxquels vous leviez le bras en faisant des risettes et des guilgulis en disant : «Bonjour mes amis, merci de venir me voir» ; eux aussi sont tristes, ils vous pleurent et nous partagent la douleur du drame. M.JPK, pendant votre vie, vous avez eu un grand respect pour les vivants et aussi pour les morts, et maintenant que vous êtes là-haut, je suis sûr que vous vous réjouissez de la discussion avec votre idole le docteur Demacon, votre Bidouz comme vous appeliez M. Mohammed Bidi qui nous a quitté récemment, et d'autre comme Gabrielle Russier qui n'est que Madame Noguès et qui était parmi les signataires de la motion des 481 adressée à De Gaule pour la libération de l'Algérie, cette dite motion dont vous étiez l'un des rédigeants et qui vous a coûté des sanctions sévères de la part du gouvernement français. Je me souviens très bien quand vous me parliez de Gabrielle Russier et du film Mourir d'aimer qui n'était que l'histoire de Gabrielle. Jean-Pierre, Monsieur Koffel, Jean-pierre Koffel, JPK ou Pierrot Patatracot comme vous appelaient votre mère et votre grand-mère, tous ceux qui vous ont connu ont connu en votre personne un Français au cœur marocain, et vous vous sentiez plus marocain que les marocains même ; et ceci on le sent dans votre travail inachevé et inédit Addarija al Maghribiya – étude lexicale du dialecte marocain –. Vous étiez vraiment un homme de principe, ami des Arabes, des Palestiniens, des Marocains et de l'Humanité en général. JPK, permettez-moi de vous dire une chose que je ne voulais pas vous dire : « Pendant vos derniers jours, j'ai vécu la contradiction avec vous, contradiction qui s'illustre dans le fait que vous vous accrochiez à la vie fortement et en même temps vous vous prépariez pour la mort, et le 1er novembre 2010 à 5 heures moins cinq minutes, en voulant sortir de chez vous, vous m'aviez dit : «Jamal, merci pour ton assistance et si je ne te vois pas demain, à Dieu». Sentiez-vous la mort approcher ? Aviez-vous perdu l'espoir de vivre ? Moi je ne sais pas la réponse. JPK, un jour Manou, ta petite fille que vous adoriez vous a dit : «Quand je serai morte, je ne t'oublierai pas». Moi je vous dis que vous serez toujours vivant dans la mémoire de vos admirateurs et lecteurs par vos écrits, par votre poésie dont 400 pages ne sont pas encore éditées, et soyez sûr que ça fera parler de vous. Et tous ceux qui n'ont pas eu l'honneur de vous connaître, ils vont chercher à vous connaître par l'intermédiaire de votre travail culturel énorme. Enfin, je vous salue JPK et je vous dis : «Si Tanger avait Paul Bols, et Larache avait Jean Genet ; Kénitra est honorée de vous avoir vous Jean-Pierre KOFFEL qui m'aviez dicté le 2 octobre la phrase suivante : «Je n'ai plus rien à attendre de la vie, j'ai tout donné ; je préfère partir», alors je vous dis : À Dieu JPK. À Dieu Pierrot Patatracot À Dieu Monsieur Koffel À Dieu Jean-Pierre À Dieu Jean-Pierre Koffel À Dieu l'ami des Arabes. À Dieu l'ami des Palestiniens. À Dieu l'ami des Marocains. À Dieu mon ami. Voici un curriculum vitae de JPK comme ses amis avaient pris l'habitude de l'appeler : JPK : Né à Casablanca (Maroc) le 21-11-32. Célibataire. Père et grand-père adoptif. Etudes primaires et secondaires au lycée Mangin de Marrakech (Maroc). Etudes supérieures à l'Institut des Hautes Etudes Marocaines (IHEM, Rabat). Licencié es lettres classiques (latin, grec ; 1ère LVE : arabe classique). Certificat d'arabe classique de l'IHEM. Agrégé de lettres classiques. Carrière : Professeur de français dans l'enseignement marocain de 1954 à 1973 (Settat, Casablanca, Agadir). Inspecteur de français auprès du Ministère marocain de l'Education Nationale de 1973 à 1987. Professeur formateur de professeurs au Centre Pédagogique de Rabat (1987-1989). Animateur culturel à la Délégation de l'Enseignement de Khémisset (89-92). Professeur de lettres classiques au lycée Henri IV à Paris (dernier poste avant la retraite). Action culturelle : Secrétaire général du ciné-club d'Agadir et des Amitiés Musicales d'Agadir (1970-1973). Fondateur et animateur de l'Atelier de création poétique de Kénitra (1980-1991) : dix recueils de poésie des membres du groupe (une centaine), une trentaine de récitals de poésie sur différentes scènes du Maroc. Secrétaire général des Amitiés Poétiques et Littéraires du Maroc (APLM) depuis 1987, concepteur de la revue de poésie du Maroc, Agora, annuelle, 12 numéros, et de récitals de poésie (spectacles Hugo, Marceline Desbordes-Valmore, et des poètes du Maroc) Mise en scène de plusieurs pièces de théâtre, dont des œuvres pour et avec des enfants et des adolescents. Les Plaisirs des Dieux (de lui-même), Ptolémée de Josiane Lahlou, Robinson et La belle au bois de Jean-Paul Cathala… Vice-président de l'Association pour la Promotion des Ecrivains (APEC) Action politique anticolonialiste. Adhésion en 1957 au Parti Communiste Marocain (PCM) et collaboration à la presse du parti ainsi qu'à celle du syndicat UMT (L'Avant-garde). Rédacteur, signataire de la motion des 481 (1958) adressée au Général de Gaulle, Président français, pour demander l'indépendance immédiate de l'Algérie. Sanctionné à la suite de cette action et radié de la fonction publique française (jusqu'en 1969; refus d'obéir à un ordre de rejoindre la France dans les 48 heures et resté au Maroc sous la protection du Roi (Mohamed V) et du peuple marocains (audience royale en 1959) ; réintégré dans les cadres à la suite d'une lettre personnelle au Général de Gaulle en 1969. Prix du Maroc de poésie 1947. Cinq prix de poésie en France. Prix Grand Atlas du roman (1994/95) Œuvre poétique inédite en grande partie. Romans publiés et autres travaux : Nous l'appellerons Mehdi (Le Fennec 1994, Prix Atlas 1995) Des pruneaux dans le tagine (Le Fennec, 1995) Pas de visa pour le paradis d'Allah (Le Fennec, 1997 ; traduit en espagnol, éditions Sirpus, Barcelone, 2006) L'inspecteur Kamal fait chou blanc (Le Fennec 1998) La cavale assassinée (Traces du présent, Marrakech, 1998) Les mémoires d'un chômeur (avec Driss Louiz, Editions Boukili, 2001) Rapt à Inezlane (La Ceinture du Ciel) (Le Fennec 2001) C'est ça que Dieu nous a donné (Marsam 2003 ; traduit en italien, éditions Barbès, Florence, 2008) Dalal mon amour (Marsam 2006, traduit en italien) Ptolémée, roi de Maurétanie, le dernier Pharaon, avec Josiane Lahlou, roman historique (Dalimen, Alger, 2005 ; livre illustré de luxe, chez Senso Unico, Mohammedia, 2006) Anthologie de la poésie de langue française au Maroc, 1919-2005, (chez Aïni Bennaï, 2006) Argaz izyane (L'homme immobile), roman, suivi de trois autres romans : Le jeune homme et les chevaux (1969), Tibari (2002), Yves (écrit à Marrakech en 1950), chez Aïni Bennaï, Casablanca, 2008. Conception du recueil de nouvelles Côté Maroc tomes I, II, III, IV, V, VI, VII (87 auteurs, Marsam 2004 à 2008) Inédits : Traduction en vers (du grec) de quatre tragédies de Sophocle : Antigone, Œdipe à Colonne, Œdipe roi, Electre. Collaboration à Al Bayane (le quotidien du PPS, Parti du Progrès et du socialisme), animation de la page hebdomadaire Al Bayane-Création ouverte à tous les créateurs, le vendredi. Collaboration à Téléplus, à Au Maroc, à TelQuel, à Mémoire de l'Afrique du Nord (Paris), au Jardin d'Essai (Paris). Scénariste du film Intiqam pour Mohamed Hassini. Tournage reporté À paraître : Poèmes : 420 pages, Ces alexandrins que j'aime, Mes alexandrins, Au jour les jours (mémoires), Histoires vraies (anecdotes), Ad darija al maghribiya (étude lexicale du dialecte marocain), Lettre à mon fils (roman), L'inspecteur Kamal met les pieds dans le plat (roman), Carnets (phrases, pensées, vers), Nouvelles d'hier et d'aujourd'hui (une vingtaine de nouvelles), La clé (roman mettant en scène la communauté italienne de Casablanca sous le Protectorat) Haïkus. Théâtre (inédit) : Les plaisirs des dieux Phèdre 69 (Gabrielle Russier) Rassoul (L'Envoyé), celui qui doit mourir Le jugement du roi Salomon, Petit théâtre, Les loups phoques rient