On peut considérer le lancement de la chaîne amazighe comme étant un «événement historique». Mais, pour certains, cela n'est pas suffisant. Des appels ont été lancés au pouvoir pour procéder à une réforme constitutionnelle, définissant l'identité amazighe dans le préambule de la Constitution. Le lancement officiel de la chaîne Amazighe après moult attentes, constitue une entreprise qui vient de répondre à des revendications légitimes d'une large frange de citoyens marocains. Le champ médiatique a toujours constitué un espace de prédilection de l'Etat pour véhiculer son idéologie culturelle monolithique. «C'est un événement historique, marquant une nouvelle phase de la politique de l'Etat dans le secteur de l'information», a tenu à préciser Ahmed Boukouss, recteur de l'Institut royal de la culture amazighe du Maroc (IRCAM). Il n'en demeure pas moins que le discours royal prononcé le 17 octobre 2001 à Ajdir a mis une rupture «épistémologique» avec une conception étroite de la gestion du champ culturel. En fait, le discours royal a tracé les contours d'une nouvelle politique publique en matière du pluralisme culturel. Pour éviter toute surenchère politique, le discours a tenu de préciser sans ambages ni tergiversations que l'amazighité « appartient à tous les Marocains sans exclusive, et qu'elle ne peut être mise au service de desseins politiques…» Ainsi, la décision royale de faire enseigner la langue amazighe dans les écoles réside dans le fait que cette dernière constitue une composante importante de notre identité nationale. Son intégration dans le système éducatif a débuté en l'année scolaire 2003-2004. Pour les responsables de l'IRCAM, le bilan est déjà satisfaisant. À en croire les statistiques fournies par le ministère de l'éducation nationale, l'enseignement de cette langue a été appliqué dans 317 écoles au début de l'opération. Durant l'année scolaire 2008-2009, son apprentissage a été étendu à plus de 3.425 établissements scolaires, bénéficiant à 516.879 élèves. Certainement, une politique publique a besoin des moyens et outils pour la mettre en oeuvre. D'où la création de l'IRCAM, une institution ayant pour vocation la promotion de la culture Amazighe dans l'espace éducatif, socio-culturel et médiatique national. En dépit de peu d'années que compte cette institution depuis sa création, il n'empêche de dire et, comme l'a souligné le recteur de l'IRCAM dans une conférence organisée par l'Unesco, que la politique adoptée «a donné des résultats extrêmement intéressants à telle enseigne que nous pouvons parler maintenant, et sans exagération, d'un modèle marocain qui permet de montrer la voie pour une standardisation de la langue qui était jusque-là dans une situation précaire». Cette vision qui reflète la position de l'institut n'est nullement partagée par d'autres observateurs du champ culturel. Meryem Demnati, membre de l'Observatoire amazighe des droits et libertés (OADL) en est un parmi tant d'autres. Pour elle, les résultats de la généralisation de l'Amazighe sont en deçà des attentes, voire alarmants. Et pour cause, une telle application «a non seulement pris beaucoup de retard, mais a reculé et même fut stoppé dans certaines régions». Et d'ajouter que les Académies rencontrent de réels problèmes quant à la gestion de ce dossier. Pis ! Meryem Demnati souligne que les circulaires ministérielles sont mises au placard, et qu'au moment où des classes d'enseignement de la langue amazighe ouvrent, il y en a d'autres qui ferment. Le comble se manifeste aussi dans la rareté des manuels scolaires dans les librairies, et ce depuis 2003. Et ce n'est pas tout. Aujourd'hui, la classe politique progressiste, la société civile et les forces vives du pays sont unanimes sur la nécessité de la reconnaissance de la langue amazighe en tant que langue nationale. Des appels ont été également lancés au pouvoir pour procéder à une réforme constitutionnelle, définissant l'identité amazighe dans le préambule de la Constitution. La concrétisation d'une telle revendication et la traduction de ces appels en un fait concret, constitueront sans aucun doute un grand pas dans le processus de la démocratisation.