Les jeunes qui s'initient dès l'adolescence au tabac et à l'alcool constituent une proie idéale pour les industriels. A quels procédés ceux-ci ont-ils recours pour les séduire et les capter ? Quels risques de dépendance pour les jeunes ? Les chiffres ne mentent pas. Les adolescents fument plus et s'enivrent d'avantage qu'avant. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, le tabagisme demeure l'une des principales causes de mortalité dans le monde. Il provoque chaque année le décès de 3 millions de personnes, dont 70 % dans les pays développés. Au Maroc, la consommation de la drogue, de l'alcool et même du tabac constitue particulièrement chez les jeunes, une question taboue. Bien que cette consommation ait des effets négatifs sur la santé, les normes culturelles ne permettent toujours pas d'en discuter au sein de la famille. Ces habitudes de consommations peuvent entraîner à terme une addiction. Ainsi, un jeune qui commence à fumer avant 15 ans a deux fois plus de risques de devenir dépendant à la nicotine que s'il débute après 17 ans. Par ailleurs, les jeunes qui fument sont davantage tentés par l'alcool. Réciproquement, les buveurs d'alcool fument plus que le reste de la population. Pourquoi les jeunes constituent-ils la cible privilégiée des industriels ? Si la consommation d'alcool reste rare avant 14 ans, c'est de très loin le produit psychoactif le plus consommé à 17-18 ans. Chez les jeunes, la consommation de cigarettes va en croissant, à l'inverse les adultes arrêtent de fumer ou décèdent des suites d'une tumeur. Les spécialistes de santé affirment que la consommation excessive du tabac pourrait, entre autres, être à l'origine de certaines maladies telles que les atteintes du cerveau, les cancers ORL (bouche, pharynx, larynx, œsophage), les cancers du poumon, les bronchites chroniques, les maladies du cœur, les cancers du pancréas et de la vessie, le cancer du col de l'utérus et l'atteinte des vaisseaux des membres inférieurs. Pour les industriels qui veulent renouveler leur clientèle, les adolescents constituent donc une cible de choix. Il s'agit de capter les jeunes consommateurs avant la concurrence pour les fidéliser à telle ou telle marque. Comment les industriels cherchent-ils à séduire les jeunes ? Pour recruter les jeunes consommateurs, les industriels adoptent des stratégies de communication adaptées à leur profil et à leur mode de vie. Déterminés à faire boire les jeunes de façon plus routinière, ils laissent entendre que l'alcool est un produit de consommation comme les autres. Jouant sur l'attrait des ados pour la nouveauté, ils proposent des boissons aux goûts et aux noms exotiques : Preemix, YAS (Young adult spirit ou spiritueux pour jeunes)…Ils sponsorisent également des soirées étudiantes ou offrent des tournées dans les foires et les expositions, au mépris de la loi et de la religion, bien entendu ! Soucieux néanmoins de donner une image de producteurs responsables, certains industriels de l'alcool font du marketing social : distribution d'éthylotests à la sortie des discothèques, opération « conducteur désigné », distribution de documents de prévention dans les établissements scolaires…Quand à la promotion de la cigarette, les industriels l'assurent en privilégiant l'idée de la liberté ; ils veulent faire croire aux jeunes que « fumer est une décision d'adulte». Pour les séduire, les industriels proposent des paquets de plus en plus colorés et une multitude de marques pour disposer d'un catalogue d'identités prêtes à porter. Que fait la loi ? La loi veille à limiter la consommation de tabac et d'alcool, notamment auprès des jeunes. Au Maroc, une loi interdisant la consommation de tabac dans les lieux publics existe depuis 1995. En 2008, le Parlement a décidé de durcir la loi contre le tabagisme par des amendements. Malheureusement cette loi modificative n'est pas encore promulguée. Des chiffres inquiétants Le tabagisme constitue une toxicomanie à cause de la forte dépendance que crée la nicotine. La consommation totale de tabac augmente. D'après les estimations de l'OMS, si la prévalence mondiale du tabagisme reste inchangée, le nombre de fumeurs dans le monde, chiffré à 1,3 milliard aujourd'hui, atteindra 1,7 milliard d'ici 2025. Un fumeur sur deux mourra d'une maladie due au tabac. Des études menées depuis une vingtaine d'années par la même organisation montrent que, dans toutes les régions du monde, l'épidémie de tabagisme touche davantage les couches les plus pauvres de la population, aussi bien dans les pays riches que dans les pays pauvres, et ce sont ces couches qui enregistrent des taux de mortalité liés au tabac les plus élevés. Cette réalité trouve son illustration concrète à travers le cas des pays pauvres (en développement) où se trouvent 84 % de la population mondiale de fumeurs. Source : OMS, 2004. Focus Des mesures à l'étranger ? Le tabac est interdit au Bhoutan depuis 2004. Ce petit royaume himalayen est le premier pays du monde à proscrire totalement la vente de tabac. La Chine veut interdire la vente d'alcool et de tabac aux 300 millions de mineurs chinois. Bientôt un vaccin contre la nicotine ? Des chercheurs internationaux ont ms au point un vaccin qui permet de réduire la quantité de nicotine pénétrant dans le cerveau ; ce vaccin génère des anticorps destinés à neutraliser la nicotine. Si les expérimentations sur le rat ont été menées avec succès, les résultats des essais cliniques sur l'homme ne seront connus que dans quelques années. Chez les adolescents qui commencent à fumer, le vaccin pourrait prévenir l'installation de la dépendance.