Le Maroc a enregistré il y a une année de nombreux événements positifs en matière des droits humains, tels que le discours royal du 20 août relatif à la réforme de la justice, la création du CES…, Mais des événements négatifs ont aussi survenu et des points de faiblesse existent toujours, avance Amina Bouayach, présidente de l'Organisation marocaine des droits humains (OMDH), dans un entretien accordé à notre journal, relatif à son appréciation de la situation des droits humains dans le pays. Interrogée sur les principaux événements positifs survenus depuis une année, Bouayach mentionne en premier lieu, le discours royal du 20 août 2010 relatif à la réforme de la justice, qui a défini les axes précis de cette réforme. «Mais cette réforme n'a pas pris la voie de concrétisation», regrette-t-elle. Certes, des projets de loi ont été élaborés, mais cette élaboration a été opérée sans consultation avec les Organisations non gouvernementales concernées, affirme notre interlocutrice. Soumis au Secrétariat général du gouvernement, ces projets de loi ont été de nouveau retournés à leur récipiendaire, càd au Ministère de la justice, mais nous ne savons pas où en sont-ils aujourd'hui, s'interroge-t-elle. «Au niveau de l'OMDH, la réforme de la justice est le maillon essentiel de la protection des droits humains et de l'instauration de l'Etat de droit. Toutes les problématiques posées dans notre pays, découlent de l'absence du procès équitable et de la faiblesse des moyens d'instruction et aussi de la non rénovation par la justice de sa vision et son retard par rapport aux développements en cours». Parmi les points positifs mis en avant par la défenseuse des droits humains, l'adoption de la loi organique relative au Conseil économique et social (CES). A ce propos, elle précise que « Tout en notant l'importance de la mise en place du CES, en tant qu'instrument de concertation, de dialogue et d'élaboration de la réflexion dans le domaine économique et social, nous avons souligné la faiblesse de la présence d'ONG au sein de cette institution. Leur participation s'opère à travers certains des membres d'ONG et non pas d'une manière institutionnelle » Parmi les points positifs, figure également, le lancement du dialogue «Médias et société» qui s'est penché sur «les problématiques complexes et importantes et nous attendons à la rentrée, à ce que ce dialogue aboutisse à des résultats concrets notamment, la révision du Code de la presse, l'ouverture du dialogue sur la mise en place d'un mécanisme de médiation et la recherche des moyens de nature à garantir l'équilibre entre le renforcement de la liberté de presse et d'expression et le respect de la déontologie professionnelle». Sur ce même registre, apparaît le Plan national pour la démocratie et droits de l'homme (PANDDH) qui vient d'être élaboré, conformément à une approche participative, dans le cadre d'un Comité de pilotage présidé par le ministre de la justice et sous l'auspice du premier ministre. L'originalité de ce plan, indique Bouayach, est le lien qu'il établit entre la démocratie et les droits humains, précisant qu'après la finalisation du PANDDH, il reste à trouver la forme juridique à donner à ce plan. Concernant le dossier des réfugiés et demandeurs d'asile, l'interlocutrice se félicite de la baisse des cas de refoulement d'individus concernés, ce qui va encourager l'organisation à poursuivre le dialogue amorcé à propos de la mise en place d'un mécanisme national et institutionnel de protection des refugiés et demandeurs d'asile au Maroc. Sur le registre d'événements positifs en matière des droits humains, mis en avant par la présidente de l'OMDH, la tenue du Sommet Maroc–Europe relatif au Statut avancé et qui constitue «un cadre de coopération va nous permettre de renforcer le processus de promotion de démocratie et droits humains» précise-t-elle. L'attention est aussi accordée aux projets de textes législatifs qui circulent au sein du CCDH et relatifs à la révision du Code pénal et du Code de procédure pénale. L'OMDH devra formuler ses observations sur les dits projets au moment opportun. Cependant, le registre des droits humains n'est pas tout à fait rose depuis une année. Beaucoup de points de faiblesse persistent et des événements négatifs ternissent la situation. «Nous continuons d'enregistrer une mauvaise gestion de la problématique des manifestations et protestations dans l'espace public. Souvent, on fait appel à l'usage de la force de manière disproportionnée, ce qui veut dire que les autorités publiques ne disposent pas d'une vision claire à ce sujet», regrette la présidente de l'OMDH, mettant en avant la «crise de gestion des problématiques liées à la liberté d'expression par la presse et cette forte tension entre la presse et les pouvoirs publics». De même que l'instruction judiciaire des affaires sur le terrorisme, qui est entreprise dans de nombreux cas, «d'une manière contradictoire avec le respect des droits humains». Notre interlocutrice relève aussi «le non respect des dispositions du Code de procédure pénale au moment des arrestations et interrogatoires». Dans le cas des affaires liées au terrorisme, les tribunaux retiennent les PV de la police judiciaire comme base de travail lors des procès». Concernant des affaires de terrorisme, poursuit-t-elle, le système judiciaire avec toutes ses composantes n'a pas pu faire preuve d'audace en ouvrant un débat juridique avancé de nature à faciliter la prise des décisions finales prononcées par les magistrats. De même, la justice ne s'est pas prononcée sur les allégations de torture dans de nombreuses affaires qui lui ont été soumises, « alors que ces allégations sont graves et la justice doit leur accorder de l'importance. Et dans de nombreux procès, le ministère public n'a pas réfuté des allégations de torture». Par ailleurs, les dialogues amorcés sur l'abolition de la peine de mort et la ratification du protocole facultatif annexe à la convention contre la torture, n'ont pas abouti aux résultats souhaités, observe la présidente de l'OMDH. Ainsi, au niveau de l'abolition de la peine de mort, le débat n'a pas été étendu pour mettre le doigt sur les problématiques soulevées par les acteurs rétentionnaires, De même, le débat entre les pouvoirs publics et les ONG sur la création d'un mécanisme national de prévention de la torture n'a pas eu de suite depuis son amorce en février 2009, tandis que le débat sur les autres conventions internationales n'a pas été ouvert, précise Bouayach. Restent les recommandations de l'Instance équité et réconciliation (IER), dont la mise en œuvre est restée un slogan aussi bien chez les ONG que les autorités concernées «La mise en œuvre nécessite de prendre des initiatives dans de nombreuses questions, notamment au niveau politique pour l'amorce des réformes législatives et institutionnelles», conclut Amina Bouayach.