Pour sa part, Adnane Lemdouar a affirmé qu'il est temps pour le Maroc de promouvoir des industries du développement au lieu de se contenter de développer des industries et de passer à la production de la voiture automobile entièrement marocaine, à la suite de la réussite de l'expérience Renault. Ingénieur de l'école Centrale de Paris, Adnane Lemdouar est PDG de MACZ Group, fondé en 1988. Il est également Research assistant pour la Banque mondiale, titulaire d'un Master of Science Stanford University en recherche opérationnelle, ancien élève de Kenneth Arrow, prix Nobel d'Economie, et de Georges Dantzig et mathématicien auteur de l'Algorithme du Simplex. Il est revenu lui aussi sur ses expériences personnels et en particulier à la Banque mondiale, où « j'ai déposé ma démission à l'âge de 23 ans pour rentrer au Maroc et j'ai travaillé pendant trois ans dans une usine de bobinage, une filiale de CGE Maroc». C'était un projet de 90 millions de dollars seulement. C'était un projet nouveau qui m'intéressait, a-t-il dit. « J'ai construit l'usine, j'ai apporté le matériel, et au bout de trois, on avait 90% du marché national ». En rapport avec le développement industriel, la première chose que j'ai encore faite est de protéger le secteur à travers l'augmentation des droits de douane de 65% sur les importations des produits utilisés en la matière. Selon lui, si les mesures nécessaires ne sont prises pour assurer et protéger la souveraineté industrielle, beaucoup d'industries ferment devant la concurrence étrangère. D'après lui, il ne suffit d'investir énormément dans des industries dépassées pour parler d'industrialisation, alors qu'on court à sa perte. Pour Lemdouar, le pays se doit d'investir dans l'industrie du développement. Quant au développement de l'industrie, il doit être lié quelque part à l'industrie du développement. Chaque développement industriel doit être logé dans une politique de développement, car si une politique d'industrialisation n'a pas derrière des objectifs socio-économiques, elle ne peut pas réussir. Quand on fait un projet industriel qui soit grand ou moyen, on parle de création de l'emploi et on mesure les investissements par les enveloppes consacrées. Le rôle de l'Etat est de comprendre, d'évaluer et de placer le développement des industries dans une politique de développement du monde rural avec des barrières et des contrôles à ce niveau. Oui, le projet Ranault de Tanger est un projet exceptionnel. Tout ce qu'on peut critiquer a trait plutôt à son coût pour le Maroc. Il a coûté peut être beaucoup plus au Maroc qu'à la France. Au-delà de la production des véhicules, il est considéré comme une locomotive. Il est en même temps porteur d'une culture de l'industrie automobile et il n'est positif que si l'on exploite cette expérience de la filière. « J'avais visité l'usine Dacia en Roumanie, qui a complètement intégré cette industrie dans son tissu industriel. En 2006, cette usine était la plus rentable du groupe Renault ». C'est une ancienne usine soviétique que Renault a récupérée et avec tout un savoir-faire et une organisation et de l'ingénierie non pas physique mais intellectuelle. Cette usine était très lointaine de l'usine Somaca dans les années 60. En 1995, il y a eu le grand projet de la voiture économique au Maroc, qui représente un autre projet d'une industrie automobile, à caractère socio-économique (FIAT UNO, VOLSWAGEN, R4). Un tel projet a pour but de permettre à un grand nombre de gens d'accéder à la propriété d'une voiture, et donc de changer son mode de vie. L'accès à la voiture économique aide aussi les populations à vivre ensemble, regroupés dans des villages non loin des villes et des champs qu'ils cultivent. La Turquie a créé sa propre industrie, en parallèle avec la sous-traitance des marques européennes. Et ce en développant les ressources humaines, les écoles et les instituts. C'est une telle vision qu'il importe d'avoir et de développer pour un pays comme le Maroc, a-t-il dit, pour pouvoir parler d'une industrie du développement plus que le développement d'une industrie. Après avoir rappelé avoir amené au Maroc 45 métiers qui n'existaient pas avant, il a indiqué que le plus important est de former les entrepreneurs pour contribuer avec l'Etat à développer les industries automobile et aéronautique. Et faire en sorte de renforcer les ressources internes pour prendre le relais. Le problème en entreprenariat c'est le manque de passion, car l'entrepreneur désintéressé a peu de chance de réussir. S'agissant du rôle de l'Etat, il a pour rôle de faire émerger toutes les potentialités, les capacités et les qualités dans tous les domaines. Quand il met trop la main et la patte dans un secteur, il risque de faire des impasses et de faire fuir des projets. Le secteur de la métallurgie, qui se situe en amont de l'industrie automobile : le Maroc importe aujourd'hui cinq milliards de dollars de produits métallurgiques. Après avoir analysé la rubrique des importations en la matière, LEMDOUAR en a conclu que les cinq milliards de produits importés sont égales à deux milliards de matières brutes. Et le Maroc ne manque pas de potentiel économique et naturel pour fructifier les trois milliards restants. Et quand on cherche, on s'aperçoit que des pays comme le Japon, le Turquie ou la Corée du Sud, ont commencé par ça. Parce que c'est un marché interne. C'est le cas de l'aluminium aujourd'hui au Maroc. Pour les câbles électriques, 100% des matières premières sont importées. Le rôle de l'Etat dans ces conditions est de favoriser les entreprises à se placer dans ces secteurs et à développer la culture de l'entreprenariat. Et d'œuvrer dans le même ordre d'idées à développer des industries adaptées aux besoins et aux capacités intrinsèques, au lieu de s'enfermer dans des modèles importées d'ailleurs.