Entretien exclusif avec l'actrice franco-iranienne, Zar Amir Ebrahimi : Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef La comédienne, actrice, productrice et réalisatrice franco-iranienne, Zar Amir Ebrahimi, prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes 2022, est l'un des noms importants du jury de la 20ème édition du Festival international du film de Marrakech, présidé par l'actrice et productrice américaine Jessica Chastain. Une carrière riche partagée entre le théâtre, le cinéma, la télévision, l'actrice a incarné des rôles marquants dans des films à succès, entres autres, «Les Survivants» de Guillaume Renusson, «Les Nuits de Mashhad» (Holy Spider) d'Ali Abbasi, «Please Ride» de Sheida Sheikhha, «Shirin » d'Abbas Kiarostami. Zar Amir Ebrahimi qui visite le Maroc pour la première fois et participe au FIFM, se livre dans cet entretien sur sa consécration à Cannes, son expérience d'exil et le combat des femmes iraniennes. Les propos. Al Bayane : Vous êtes membre du jury de la 20ème édition du festival aux côtés d'une belle brochette de vedettes comme Jessica Chastain, Camille Cottin, Joel Edgerton, Joanna Hogg, Leïla Slimani, Alexander Skarsgård et bien d'autres. Une question classique : que représente pour vous cette messe du cinéma mondial ? Zar Amir Ebrahimi : C'est la première fois que je viens au Maroc. C'est très important pour moi d'être là. Et c'est aussi une grande chance et une belle occasion de participer à ce magnifique festival dont j'ai toujours entendu parler. En fait, il y a pas mal de bons films qui viennent ici, mais je n'ai jamais eu la chance d'y être. Donc, tous les ingrédients sont réunis pour dire OUI et y participer surtout avec cette équipe du jury. J'étais un peu occupée, c'était un peu compliqué de trouver ce moment un peu tranquille. J'ai tout fait pour que je puisse être ici. Je pense que c'est déjà important comme une franco-iranienne de prendre part à un jury dont les membres sont issus des quatre coins du monde et surtout de cultures différentes. Chaque membre représente un pays, une culture différente, un cinéma important. C'est beau! Il faut dire aussi qu'il y a aussi autant de femmes que d'hommes dans ce jury. C'est symbolique, n'est-ce pas ? Oui, c'est une très bonne chose. Et ça avance aussi. C'est très important d'avoir un jury pareil composé d'un bon nombre de femmes. Vous avez décroché le prix d'interprétation féminine à Cannes pour votre rôle dans le film «Les Nuits de Mashhad» (Holy Spider) d'Ali Abbasi. Ce prix a-t-il changé quelque chose dans votre vie, quelque part ? Bien sûr qu'il a changé quelque chose dans ma vie. Vous savez, j'ai ma boîte de production, je suis dans pas mal de projets comme directrice de casting. Je joue, je continue à jouer, je réalise aussi des films. Il faut dire que tout ça avance plus vite que ma carrière d'actrice. Mais, c'est toujours compliqué parce que c'est tellement dépendant à tes connexions, à ton réseau, à ta langue maternelle, à ta langue du cinéma et à tes projets. Sur ce plan, il faut que je dise qu'il n'a pas changé grand-chose. Mais peut-être à l'intérieur de moi il y a un espoir un peu fort. Y avait-il un message peut-être derrière, surtout en recevant ce prix si prestigieux à un moment important de votre vie ? Pour moi, c'est aussi un message fort. J'ai tout fait pour que je ne quitte pas ce métier, j'ai tout fait pour avoir de bons projets. Il faut dire aussi que j'étais déçue par plusieurs, j'étais sur le point de tout laisser tomber. C'était là où j'ai reçu ce prix. Bien sûr, c'est un grand message pour moi. En fait, plus tu travailles, tu recevras la récompense un jour. Dans «Les Survivants» de Guillaume Renusson, vous avez joué le rôle d'une Afghane qui fuit son pays en quête d'un avenir meilleur sous d'autres cieux. Y a-t-il des affinités avec ce personnage sachant que vous avez vécu presque le même destin : l'exil ? Comment vous avez trouvé le personnage de la jeune femme afghane ? C'est le film le plus important de ma carrière, «les survivants». En fait, je ne sais pas pourquoi, mais je tiens beaucoup à ce film. Comme une immigrée actrice, j'ai pas mal de projets qui viennent vers moi, des projets par rapport aux immigrés. Mais, ce n'est pas vraiment une vraie image des immigrés, c'est une image clichée. Ce projet était important pour moi parce que Guillaume Renusson connaissait tellement le sujet, parce qu'il a déjà travaillé avec les associations en la matière. Pourriez-vous en dire plus sur cette collaboration avec Guillaume Renusson ? Guillaume Renusson m'a beaucoup aidé à comprendre comment fonctionne tout ce chemin d'Afghanistan jusqu'à la France. J'ai beaucoup appris de lui et toutes ces informations qu'il a recueillies toutes ces années. Par la suite, j'ai rencontré pas mal d'immigrés qui sont partis à pied, les femmes étaient violées... de toute façon, ce n'était pas exactement la façon avec laquelle je suis partie de l'Iran. Il y a quelque chose dans tout ça que tous les immigrés du monde partagent : ce terrain que tu as toujours dans ton cœur, mais que tu laisses en même temps derrière toi. Il y a un moment dans l'histoire du film où j'irai avec les clés de la maison; c'étaient mes clés à moi, les clés de notre propre maison à Téhéran. Quand je regardais ces clés, quand je les ai touchées, je ne pouvais pas m'empêcher de pleurer. Il y avait quand même une émotion. C'était là où je partageais quelque chose de profond avec le personnage du film. La réalisatrice allemande Steffi Niederzoll a consacré son documentaire Les «Sept hivers à Téhéran» à Reyhaneh Jabbari, morte à l'âge de 26 ans. Quel en était votre sentiment en devenant sa voix ? Je suis contente que ça a reculé un peu partout dans le monde afin d'entendre la voix de Reyhaneh. Moi je partais de l'Iran quand elle a été arrêtée. Je partage quelque chose d'assez fort avec elle. En fait, devenir sa voix, c'est vraiment important pour moi. Sa mère est une grande femme qui se batte aujourd'hui pour les droits des femmes, pour arrêter l'exécution en Iran. Je suis vraiment fière surtout qu'à travers ma voix on a quand même pu l'entendre.