Nabil EL BOUSAADI Ayant recueilli 52,6% des suffrages exprimés, Emmerson Mnangagwa, 80 ans, qui préside aux destinées du Zimbabwé depuis le 24 Novembre 2017, a été officiellement reconduit, ce samedi, pour un second mandat à l'issue du scrutin qui a eu lieu mercredi et jeudi derniers mais qui comportait tellement de dysfonctionnements (cafouillages, ouverture tardive de certains bureaux de vote de la capitale, manque de bulletins... ) que, dès la proclamation des résultats en vertu desquels le président sortant a été déclaré vainqueur, ceux-ci ont été rejetés par la Coalition Citoyenne pour le Changement, principal parti d'opposition ayant à sa tête Nelson Chamisa, avocat et pasteur de 45 ans, qui tout en incarnant les espoirs, du pays et de sa jeunesse, pour une reprise économique et davantage de libertés, n'aurait officiellement obtenu que 44% des voix. Le leader de l'opposition qui a contesté les chiffres annoncés, tard dans la soirée de samedi, par la présidente de la commission électorale, a revendiqué la victoire en déclarant, lors d'une conférence de presse donnée à Harare, la capitale : « Nous avons gagné cette élection. Nous sommes les leaders. Nous sommes même surpris que Mnangagwa ait été déclaré vainqueur (...) Nous avons les vrais résultats ». Mais que pourront-ils faire face à un vieux président n'y est jamais allé de main morte pour faire taire ses opposants ? D'ailleurs, bien que le pays soit riche en minerais, la population qui se trouve, très souvent, confrontée à des pénuries de courant, d'essence, de pain et de médicaments la mettant au-devant de la nécessité de descendre dans la rue pour manifester sa colère est sévèrement réprimée par un régime qui, non content de surpasser en brutalité celui de Mugabe, a adopté des lois « liberticides » qui lui permettent d'emprisonner, sans jugement, tout militant, élu ou intellectuel qui se hasarderait à dénoncer, de quelque manière que ce soit, la politique en vigueur. Pour la petite histoire rappelons qu'avant d'intégrer les rangs des combattants pour l'indépendance du pays, Emmerson Mnangagwa, qui est né en 1942, s'était d'abord initié à la guérilla en Chine. A son retour au pays, avait été arrêté par les britanniques après une attaque et , dira-t-il, pendu par les pieds à un croc de boucher ; ce qui le fera entrer dans la « légende ». Libéré, il fera exploser un train en 1964 ; ce qui lui vaudra une condamnation à mort qui sera commuée en peine privative de liberté du fait de son jeune âge. Après l'indépendance, Emmerson Mnangagwa sera accusé d'avoir été l'architecte des fameuses « atrocités de Gukurahundi » qui étaient supposées mater l'opposition dans l'ouest du pays mais qui s'étaient soldées par le massacre de près de 20.000 civils appartenant à la minorité « ndébélée ». Personnage haut en couleurs pour certains eu égard à ses multiples faits d'armes, Emmerson Mnangagwa est particulièrement « répressif et autoritaire » et n'a pas la vision idéologique de Mugabe ; ce qui va le contraindre, d'après le chercheur politique zimbabwéen, Brian Raftopoulos, à s'appuyer « sur la militarisation et la sécurisation et non pas sur un message intellectuel fort ». Autant de raisons pour lesquelles, Mnangagwa s'était attelé à mettre en œuvre, plusieurs mois avant la tenue des élections de la semaine dernière, une répression de la dissidence tellement forte qu'elle étoufferait tout désir de changement qui viendrait à montrer le bout du nez dans un pays plongé dans l'hyperinflation et ce marasme économique que le vieux président se plaît à imputer aux « sanctions occidentales » qui asphyxient le Zimbabwé. Autant dire que Nelson Chamisa et ses partisans auront beau contester les résultats du scrutin, rien n'indique qu'Emmerson Mnangagwa va leur céder un fauteuil auquel il s'accroche désespérément avant d'être contraint à le quitter les pieds devant mais attendons pour voir...