Pour prévenir l'enclenchement de spirales inflationnistes Le Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM), réuni mardi à Rabat, a décidé de relever le taux directeur de 50 points de base (pbs) à 3%. « Pour prévenir l'enclenchement de spirales inflationnistes auto-entretenues et renforcer davantage l'ancrage des anticipations d'inflation en vue de favoriser son retour à des niveaux en ligne avec l'objectif de stabilité des prix, le Conseil a décidé de relever le taux directeur de 50 points de base (pbs) à 3%, tout en continuant de suivre de près l'évolution de la conjoncture économique et les pressions inflationnistes, tant au niveau national qu'international, indique BAM dans un communiqué publié à l'issue de la première réunion trimestrielle, au titre de l'année 2023. Lors de cette réunion, le Conseil de BAM a analysé l'évolution de la conjoncture économique nationale et les projections macroéconomiques de la Banque pour les huit prochains trimestres, en s'arrêtant en particulier sur la transmission de ses dernières décisions de relèvement du taux directeur. Ainsi, il a relevé que malgré une relative atténuation des pressions d'origine externe, les données récentes montrent que l'inflation continue de s'accélérer, sous l'effet notamment de chocs d'offre internes sur certains produits alimentaires, fait savoir le communiqué. « Après avoir atteint 6,6% en 2022, son plus haut depuis 1992, l'inflation devrait rester à des niveaux élevés à moyen terme. Elle ressortirait en 2023 à 5,5% en moyenne et sa composante sous-jacente se situerait à 6,2%, soit une révision à la hausse de 2 points de pourcentage par rapport à la prévision de décembre dernier et ce, en raison essentiellement de la flambée des prix de certains produits alimentaires qui y sont inclus », estime la Banque centrale. Ces projections supposent que les chocs à l'origine de cette augmentation se dissiperaient graduellement au second semestre à la suite des différentes mesures prises par le gouvernement à cet égard, note la même source. En 2024, sous l'hypothèse que les pressions aussi bien internes qu'externes continueraient de s'atténuer, la tendance fondamentale des prix se situerait à 2,3%, mais le démarrage programmé de la décompensation des prix des produits subventionnés devrait maintenir l'inflation globalement à un niveau élevé, soit 3,9%. Pour sa part, la croissance de l'économie nationale devrait se consolider à 2,6% en 2023 et s'accélérer à 3,5% en 2024, et ce après une forte décélération à 1,2% prévue en 2022. Après un démarrage difficile, la campagne agricole connait un relatif redressement grâce aux dernières précipitations. Toutefois, la production des trois principales céréales serait limitée par la superficie emblavée qui n'aurait pas dépassé 3,65 millions d'hectares selon le Département de l'Agriculture, indique la Banque, ajoutant que les cultures hors céréales pâtiraient des restrictions sur l'eau d'irrigation et de la cherté des intrants. Dans ces conditions, les projections de BAM, élaborées sur la base des données disponibles au 10 mars 2023, tablent sur une récolte céréalière autour de 55 millions de quintaux. Ainsi, après une contraction de 15% en 2022, la valeur ajoutée agricole augmenterait de 1,6% en 2023, avant de s'améliorer de 6,9% en 2024 sous l'hypothèse d'un retour à une production moyenne de 75 millions de quintaux. Pour leur part, pâtissant en particulier de la détérioration de l'environnement externe, les activités non agricoles devraient poursuivre leur ralentissement en 2023, avec une progression de leur valeur ajoutée de 2,7% au lieu de 3,4% en 2022. Elles connaitraient en 2024 un relatif redressement avec un accroissement de 3,2%. Sur le plan des comptes extérieurs, la forte dynamique des échanges en 2022 s'est traduite par un creusement record du solde commercial à 311,6 milliards de dirhams (MMDH). Toutefois, les hausses notables des transferts des Marocains résidents à l'étranger (MRE) et des recettes voyages qui ont atteint des niveaux exceptionnels de 109,2 MMDH et 91,3 MMDH respectivement auraient permis de limiter le déficit du compte courant à 3,9% du PIB. Dans ce sens, le déficit du compte courant s'allègerait à 2,8% en 2023 puis à 2,6% en 2024, à la faveur notamment du reflux prévu des cours des produits énergétiques et de la poursuite de la performance de certains métiers mondiaux. Ainsi, après un rebond de près de 40%, les importations diminueraient de 2,3% en 2023 avant une légère augmentation de 0,8% en 2024, en lien essentiellement avec le recul de la facture énergétique. En parallèle, le rythme des exportations ralentirait de 29,4% à 3% en 2023 et à 0,6% en 2024, avec en particulier une progression de près de 7% annuellement des ventes du secteur automobile et un recul de celles de phosphate et dérivés. Pour ce qui est des recettes voyages, elles accuseraient une légère baisse de 3% cette année, en relation avec la décélération prévue de l'activité dans la zone euro, avant de s'accroitre de 7,4% en 2024 à 95,1 MMDH, tandis que les transferts des MRE connaitraient une certaine stabilisation cette année, suivie d'un repli de 5,4% en 2024 à 102,9 MMDH. Concernant les Investissements directs étrangers (IDE), les recettes évolueraient légèrement au-dessus de 3% du PIB. Au total, et tenant compte notamment des financements extérieurs déjà réalisés et ceux prévus du Trésor, les avoirs officiels de réserve (AOR) se situeraient à 358,8 MMDH à fin 2023 puis à 367 MMDH à fin 2024, soit une couverture de 5 mois et 21 jours puis 5 mois et 25 jours d'importations de biens et services. S'agissant des conditions monétaires, les dernières données disponibles relatives au quatrième trimestre 2022 indiquent un accroissement du taux débiteur moyen global de 26 points de base à 4,50%. En parallèle, les taux créditeurs ont augmenté d'un trimestre à l'autre de 17 points de base pour les dépôts à 6 mois et de 18 points pour ceux à un an. Par ailleurs, au regard de la hausse prévue de la circulation fiduciaire, le besoin de liquidité des banques se creuserait de 80,9 MMDH en moyenne hebdomadaire en 2022 à 86,7 MMDH à fin 2023 et à 99,1 MMDH à fin 2024. Pour ce qui est du crédit bancaire au secteur non financier, après un bond de 7,8% en 2022, il devrait progresser de 4% en 2023 et de 4,6% en 2024. Cette prévision tient compte de l'évolution attendue de l'activité économique, d'un effet de base lié à la hausse sensible en 2022 des besoins de financement de trésorerie des entreprises, ainsi que des anticipations du système bancaire. Pour sa part, après une dépréciation de près de 4% en 2022, le taux de change effectif réel devrait s'apprécier de 1,6% en 2023 et de 1,9% en 2024, sous l'effet d'un accroissement de la valeur de la monnaie nationale en termes nominaux et d'un niveau d'inflation domestique supérieur en moyenne à celui des partenaires et concurrents commerciaux. Sur le volet des finances publiques, après s'être établi à 5% du PIB en 2022 au lieu d'une prévision de BAM de 5,3% et d'une cible de la loi des finances de 5,9% du PIB, le déficit budgétaire devrait poursuivre sa tendance baissière à la faveur principalement de l'amélioration attendue des rentrées aussi bien fiscales que non fiscales. Il devrait ainsi, selon les projections de BAM, s'atténuer à 4,7% du PIB en 2023 puis à 4,3% en 2024.