Un mois après le retrait total, en Août 2021, des troupes étrangères d'Afghanistan et la reprise du contrôle du pays par les Talibans, vingt années après qu'ils en furent chassés, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie, soucieux de contrecarrer la « menace chinoise » qui se profile dans la mer de Chine méridionale avaient conclu une alliance dite « AUKUS» [Australia, United Kingdom, USA]. Se voulant être une sorte de « partenariat de sécurité », cette alliance avait prévu de fournir à Camberra douze sous-marins à propulsion nucléaire donc à annuler, sans aucun préavis et de manière unilatérale, les engagements pris avec l'industriel français « Naval Group », en 2016, au titre de la conclusion de ce qui avait été appelé à l'époque « contrat du siècle » et qui portait sur la fourniture, à l'Australie, de 12 sous-marins conventionnels de fabrication française pour un montant global de près de 56 milliards d'euros. En dénonçant, immédiatement, cette vente qu'elle avait qualifiée d' « irresponsable », la Chine avait invité les trois membres de cette nouvelle alliance à « abandonner la mentalité obsolète de la guerre froide avec ses concepts géopolitiques étroits et à respecter les aspirations locales des gens pour la paix, la stabilité et le développement » alors qu'en déplorant le coup de force des Etats-Unis, Jean-Yves Le Drian, alors chef de la diplomatie française, l'avait assimilé à « un coup de poignard dans le dos ». Rendu public, ce lundi 13 mars 2023, à San Diego, aux Etats-Unis, le plan de mise en œuvre de cet accord tripartite va permettre, à l'Australie, de renforcer ses moyens de défense, de développer ses capacités de dissuasion et d'augmenter sa puissance stratégique dans l'Indo-Pacifique grâce notamment à l'obtention des sous-marins à propulsion nucléaire. L'Australie qui s'était, pendant longtemps, cru protégée par le fait même de son isolement géographique, estime, désormais, qu' « en tant de nation insulaire commerçante, beaucoup de torts » pourraient lui être causés sans même qu'il soit besoin d'y poser le pied du fait même de son insularité et de la vulnérabilité de ses voies de communication et de ses routes maritimes dont beaucoup traversent les mers de Chine méridionale et orientale. Autant de raisons pour lesquelles, aux dires du ministre australien de la défense, Richard Marles, cet arsenal va non seulement permettre à l'Australie « de tenir ses adversaires » loin de ses côtes mais, surtout, « contribuer à la paix et à la stabilité de la région ». Louant, depuis la base navale de San Diego, la coopération « sans précédent » concrétisée par « Aukus», le président américain Joe Biden, entouré des Premier ministres australien Anthony Albanese et britannique Rishi Sunak, qui a affirmé que son pays ne pouvait pas avoir « de meilleurs amis », a notamment déclaré, dans une mise en scène très soignée où l'on pouvait voir, derrière les trois dirigeants, un sous-marin et un navire américain à quai, de grands drapeaux et des rangées de marins en uniforme : « Nous nous mettons dans la meilleure position qui soit pour faire face ensemble aux défis d'aujourd'hui et de demain ». A cela, le Premier ministre australien a répondu que son pays va faire « le plus grand investissement de (son) histoire » par le biais d'Aukus, en achetant des sous-marins américains à propulsion nucléaire avant de construire lui-même une nouvelle génération d'appareils alors que son homologue britannique qui a reconnu s'engager dans « l'accord de défense multilatéral le plus important depuis des générations », en a profité pour vanter les efforts du Royaume-Uni pour doper son budget de Défense. Est-ce à dire qu'avec l'Aukus, l'Australie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis entendent augmenter les risques et les coûts d'un conflit pour la Chine ? Il semblerait, en effet, que ce soit le cas mais attendons pour voir... Nabil EL BOUSAADI